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je serai fidèle à mon poste et à mes fonctions, je ne donnerai jamais mon consentement à la suppression de mon siège, ni à celle de mon chapitre cathédral; je ne souffrirai aucune atteinte portée à ma jurisdiction épiscopale; je réclamerai toujours et sans cesse contre tout usurpateur, le patrimoine de mon église et de mes pauvres, dont la garde et la dispensation m'ont été confiées; placé entre l'apostasie et la persécution, je ne balancerai pas long-temps, et si Dieu veut éprouver les siens, le dixhuitième siècle aura ses martyrs comme le premier.

Signé à l'original, JEAN-BAPTISTE MARIE SCIPION, évêque de Sénez.

A Sénez, le 8 novembre 1790.

LETTRE

DE M. L'ÉVÊQUE DE SÉNEZ. A M. L'ÉVÊQUE DE DIGNE.

C'EST

'EST bien moins à vous, Monseigneur qui ne sauriez en douter', qu'à mon diocèse ;

que je veux faire connoître mes véritables sentimens, en vous demandant la permission de rendre cette lettre publique; puissions-nous aussi nous consoler et nous en

courager mutuellement par la foi qui nous est commune: Per eam quæ invicem est, fidem vestram atque meam. Je proteste d'avance contre les mauvaises intentions qu'on pourroit me prêter; Dieu m'est témoin que je n'en ai d'autre que de lui être fidèle et à son évangile Testis enim mihi est Deus cui servio, in evangelio filii ejus.

Vainement les papiers publics m'annoncent la suppression de mon siège, pour être vraisemblablement réuni au votre: elle ne peut être faite qu'après moi, ou de mon consentement, sur ma démission libre etvolon-. taire, et selon les formes canoniques recon nues et employées en pareil cas par tous les tribunaux du royaume; je serai aussi sincèrement soumis au concours et à l'accord des deux puissances, qu'opposant à des dispositions purement civiles, en matière de discipline ecclésiastique; je ne puis ni ne dois. remettre ma jurisdiction qu'à l'église qui me l'a confiée; c'est elle qui m'a établi, c'est à elle à me destituer; en attendant, je suis toujours évêque du diocèse de Sénez et quel seroit l'évêque ou le prêtre, je ne dis pas ignorant (il ne sauroit y en avoir), mais intrus et sacrilège, qui voudroit empiéter sur mon territoire, y travailler sans mon approbation, et y exercer un minis

tère de mort? Il trouveroit toujours en moi, selon l'expression de l'écriture, une colonne de fer et un mur d'airain; nos livres saints qui font aujourd'hui plus que jamais toute ma consolation, habentas solatio libros sanctos, m'apprennent que des évêques soumis comme des agneaux qui se taisent quand on les maltraite eux-mêmes, élèvent la voix, et rugissent comme des lions, quand on ébranle l'édifice bâti par Jésus-Christ, sur le fondement des apótres: et quel attentat inoui contre son église et sa hiérarchie, de la part de la puissance séculière, que d'interrompre à son gré, de donner ou d'ôter, de restreindre ou d'étendre la mission divine de l'épiscopat.

Nommé très-canoniquement à l'évêché de Sénez, je n'ai jamais envisagé mon état du côté de la fortune, je n'y vois donc rien de changé; je n'estime pas des biens temporels au dessus de mon devoir, mon ame m'est encore plus précieuse, et la crainte de perdre une propriété sacrée, fruit de la piété et de la charité de nos pères, ne me fera jamais oublier le serment solemnel que j'ai prêté à mon église le jour de ma consécration; je le lui renouvelle dans mon dépouillement, avec un nouveau zèle je jette en toute confiance dans le sein de la providence, les sollicitudes de cette vie; la gloire et l'infamie, la médiocrité et les richesses, étoient regardées du méme œil par le grand apêtre dans l'exercice de son

et

apostolat; à son exemple, je continuerai de remplir le même ministère dans la pauvreté comme dans l'abondance; rien ne pourroit me dédommager de la perte de mon troupeau; le bon pasteur est celui qui donne sn vie pour ses brebis; le mercenaire est celui qui les livre pour un vil intérêt ou par lâcheté. On peut m'enlever l'accessoire de mon état, des biens dont je ne suis personnellement que l'économe et le dispensateur; le sang des pauvres ne s'élevera jamais contre nous : ministres de paix, nous cédons à la force; on ne peut m'enlever mon église qui est ma véritable propriété; le saint esprit me l'a donnée à gouverner, elle est inhérente à mon caractère, et je n'ai été consacré évêque que pour elle: on ne peut m'ôter ma mission, je l'ai reçue de Jésus-Christ même, de main en main, et de siècle en siècle. La voix de cette succession apostolique, telle qu'il n'en est pas dans le monde, de plus ancienne et de plus fidèle, crieroit de la terre jusqu'au ciel contre notre défection: ministres de la vérité, nous résistons constamment à l'erreur; et certes en est-il une plus dangereuse, que celle de vouloir priver les peuples de leurs pasteurs légitimes, briser les liens sacrés qui les unissent les uns aux autres confondre et renverser les bornes des deux puissances altérer l'union du sacerdoce et de l'empire, s'arroger sur le ministère ecclésiastique une autorité profane, et substituer dans le gouvernement des ames, la voix des hommes

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à la voix de Dieu! Paulus apostolus, non ab hominibus, neque per hominem, sed per Jesum-Christum.

J'ai l'honneur d'être, Monseigneur, avec un sincère et respectueux attachement, votre très-humble et très obéissant serviteur,

+ JEAN-BAPTISTE M. SCIPION, évêque de Sénez.

A Sénez, 13 août 1790.

LET TRE

DE M. L'ÉVÊQUE DE SÉNEZ

A MM. LES CURÉS DE SON DIOCÈSE.

J'AI répondu, Messieurs, en mon ame et conscience, à MM. les Administrateurs du Département des Bassses-Alpes, qu'il m'étoit impossible de reconnoître les ordres qu'ils m'ont donnés de cesser mes fonctions épiscopales; je me crois obligé de vous en faire part dans ces conjonctures fâcheuses, où, plus que jamais, le premier pasteur doit être la forme de tout le troupeau.

N'est-il pas vrai que vous avez reçu de

moi

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