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Si la jurisdiction des évêques est universelle, elle ne peut pas être limitée par la puissance qui ne l'a pas établie.

Et si la jurisdiction d'un évêque n'est pas universelle, de quel droit peut-il l'étendre hors des limites qui lui sont marquées par la puissance même dont il tient sa jurisdiction?

A la puissance de l'église appartient d'établir, d'étendre et de limiter la jurisdiction spirituelle des évêques et des métropolitains.

A la puissance civile appartient de concourir avec l'église, pour désigner les circonscriptions dans lesquelles l'église renferme l'exercice de la jurisdiction d'un évêque ou d'un métropolitain.

C'est envain que la seule puissance civile étend ou resserre les limites dans lesquelles elle veut concentrer l'exercice d'une puissance qui ne dépend pas d'elle. Elle ne peut pas faire en sorte qu'une jurisdiction purement spirituelle par elle-même, appartienne à ceux à qui l'église ne la donne pas, ou n'appartienne pas à ceux à qui l'église la donne.

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Délégation des évêques et des mé-
tropolitains.

Il est possible sans doute que des évêques et des métropolitains, dont la suppression

est prononcée par les décrets, déléguent leurs pouvoirs à ceux dont les siéges seroient

conservés.

Il semble que ce seroit un moyen de suppléer au défaut des formes canoniques, et de consacrer le souvenir des principes dans un état de choses qui tend à les faire oublier.

Quel en seroit l'effet? Il faudroit que cette délégation fût publique et connue. On ne peut la donner, que pour transmettre aux actes de la jurisdiction épiscopale, une autorisation qui lui manque. On ne peut la donner, que pour assurer le repos des consciences. Comment peut-on assurer le repos des consciences, si les fidèles ne sont pas instruits des précautions qui doivent bannir leurs inquiétudes?

Si cette délégation est publique et connue, elle n'opère aucun changement dans les divisions des diocèses ou des métropoles, et dans l'exercice de la jurisdiction des évêques.

Les divisions des diocèses et des métropoles restent les mêmes, et la jurisdiction épiscopale s'exerce dans les mêmes limites, en vertu des mêmes pouvoirs.

Un évêque agit, dans son diocèse, par lui-même. Il agit, dans un autre diocèse, en vertu des pouvoirs de celui qui les lui donne, il est représentant d'un autre évé

que, et son caractère épiscopal lui donne seulement le moyen d'exercer par l'ordination et par la confirmation, une représentation plus étendue.

Les décrets ne sont point exécutés, quand les limites des diocèses et des métropoles ne sont point changées, quand la jurisdiction propre aux évêques supprimés n'est point détruite, et quand celle des évéques conservés ne reçoit point d'extension.

Les évêques qui donnent leur délégation reconnoissent, comme ceux qui la refusent, que la puissance civile ne peut ni donner, ni ravir, ni transmettre une jurisdiction purement spirituelle, qui n'appartient qu'à l'église.

Ainsi ceux qui prennent des moyens de conciliation sont en contradiction avec les décrets, comme ceux qui croient devoir opposer une résistance absolue.

Ainsi, le zèle est justifié par la rigueur des principes, et la condescendance est désespérée par l'inutilité des moyens.

Cette délégation ne pourroit être donnée qu'à terme, dans une forme provisoire; jusqu'à ce que les formes canoniques eussent été remplies. Elle suspend les décisions et ne peut pas y suppléer. Elle prolonge. les difficultés et ne les termine pas.

Il ne s'agit pas seulement des évêques qui peuvent déléguer leurs pouvoirs. Il s'agit de ceux qui ne le délégueront pas.

S'ils ont le droit de donner leur délégation, ils ont le droit de la refuser.

Comment leur jurisdiction, exercée et retenue par eux-mêmes, peut-elle être usurpée par un autre ? Ceux qui peuvent recevoir les pouvoirs qu'on leur donne, ne veulent pas usurper ceux qu'on leur refuse. Ils ne peuvent pas méconnoître les principes de leur propre jurisdiction.

C'est après avoir épuisé tous les moyens de conciliation, que des évêques seront fercés de résister eux-mêmes aux décrets, par le refus d'exercer, dans un autre diocèse, un pouvoir qu'ils n'ont pas.

Il y a des métropoles entières supprimées, telle que celle d'Arles; il ne reste pas un seul des évéchés suffragans de cette église antique et vénérable, qui fut le berceau du christianisme dans les Gaules, et qui compte, dans ses annales, un des premiers conciles de l'église.

Quel est l'évêque qui puisse envahir les pouvoirs d'une église et d'une métropole, à laquelle l'église avoit transmis, depuis si long-tems, la prééminence et la dignité, quand l'église n'a point prononcé sa suppression?

On parle de la démission des évéques dont les sièges sont supprimés: il faut des motifs canoniques à des évêques, pour

donner leur démission.

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C'est l'utilité de l'église; c'est la crainte des troubles; c'est, sur-tout, le desir de prévenir le schisme, qui doit diriger la conduite des ministres de la religion.

Nous ne sommes pas évêques pour nous, dit S. Augustin, mais pour ceux auxquels nous administrons l'évangile et les sacremens. Nous dépendons des besoins, ou même des scandales des peuples; et nous devons être ou n'être pas, selon leur plus grande utilité, ce que nous sommes pour eux et non pour nous (1).

C'est ainsi que des évêques catholiques offroient de résigner leurs siéges aux évéques.donatistes, pour rétablir, dans le sein

sed

(1) Neque enim episcopi propter nos sumus, propter. eos quibus verbum et sacramentum dominicum ministremus, ac per hoc ut eorum sine scandalo gubernandorum sese necessitas tulerit, ita vel esse vel non esse debemus, quod non propter nos sed propter alios sumus. Denique nonnulli sancta humilitate prædicti viri, propter quædam in se offendicula quibus piè religiosèque movebantur episcopatus officium non solùm sine culpâ, verùm etiam cum laude posuerunt, S. August. contra Crescon. lib. 2, cap. 21.

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