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But de l'ouvrage; esprit dans lequel il sera rédigé. - Recherches sur les institutions de police antérieures à la création des lieutenants généraux. Assemblées des champs de mars et de mai. — Lois saliques et capitulaires. La féodalité. Le prévôt de Paris. Le prévôt des marchands et le bureau de ville. - Intervention du par

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lement de Paris dans les démêlés relatifs aux attributions.

Le but de cet ouvrage est de faire connaître les actes de mon administration, les principes politiques qui m'ont dirigé; de combattre des préventions mal fondées contre la police, et d'éclairer le pays sur la cause et la nature des imputations fâcheuses dont elle a été l'objet depuis 1830.

J'ai vivement regretté de ne pouvoir rectifier une à une, et à mesure qu'elles se produisaient, les erreurs accréditées sur les dispositions administratives auxquelles j'ai rattaché mon nom : la multi

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M. GISQUET.

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plicité de mes occupations ne m'a pas permis cette lutte incessante; il fallait remplir des devoirs plus utiles, plus impérieux. Mais si j'ai dû subir l'obligation de garder le silence lorsque l'intérêt public me prescrivait d'agir, je n'ai pas renoncé au droit de dire la vérité, de repousser les mensonges presque toujours dictés par l'esprit de parti, et trop souvent accueillis par l'ignorance.

Dépositaire de secrets qui touchent à l'honneur des familles, ou qui se rattachent à la sécurité de l'État, je ne franchirai pas la limite que m'imposent les bienséances. J'écris dans la vue de ma propre considération; je veux donc que mon langage ne puisse m'exposer à la censure des hommes les plus scrupuleux; c'est assez dire que j'écarterai de mon récit tout ce qui plairait aux amateurs de scandale.

Malgré l'odieuse persécution exercée envers moi et les miens, à la fin de 1838, par les instruments d'un pouvoir auquel j'ai rendu de nombreux services, je ne céderai pas à un juste ressentiment. Fidèle à mes antécédents, à mes convictions, je défendrai encore ce que j'ai défendu, le gouvernement populaire fondé par la révolution de juillet; mais autant qu'il se renfermera dans les conditions de son origine. Ai-je besoin de rappeler qu'à l'époque où j'étais fonctionnaire de ce gouvernement j'ai blåmé hautement les infractions commises, et les efforts tentés pour dénaturer l'esprit de nos institutions? On conçoit que, si j'ai fait le sacrifice de ma position politique pour conserver l'indépen

dance de mon caractère, je n'irai pas, maintenant que je suis dégagé de tous liens, approuver ce qu'alors je condamnais.

Nourri des principes de Casimir Périer, dont la mémoire m'est chère sous tant de rapports, je ne caresserai pas plus le pouvoir déviant de la route qui lui fut tracée que je n'applaudirai aux factions s'égarant dans leurs utopies. L'ambition des factieux compromet la fortune des familles, la vie des citoyens, la société tout entière; les usurpations du pouvoir compromettent sa propre existence, et provoquent ces luttes périlleuses où se heurtent le trône et la nation.

Avant d'entrer en matière sur les faits qui se sont accomplis pendant la durée de mes fonctions, il me paraît convenable de jeter un coup d'œil rapide sur les développements successifs qu'a reçus dans notre pays l'institution de la police, jusqu'à l'époque où elle fut constituée telle qu'elle est aujourd'hui.

La mission de la police est de protéger les personnes et les propriétés, de veiller à la sûreté de tous, et conséquemment de faire disparaître les causes nuisibles, d'assurer l'exécution des lois, de prescrire toutes les mesures d'ordre commandées par l'intérêt public.

Chez toutes les nations civilisées, les lois ont dé

fendu le meurtre, l'incendie, le vol et presque tous les actes qualifiés crimes ou délits par nos codes. Il a donc fallu, dans toute société régulière, une magistrature chargée de punir les coupables; mais les lois n'ont pas pu embrasser dans leurs dispositions une foule de cas, d'incidents qui, bien que d'un ordre moins grave, n'en sont pas moins préjudiciables au bien-être des administrés. C'est pourquoi, dans tous les temps, dans tous les pays, et quelle qu'ait été la forme du gouvernement, les lois ont sagement confié à une autorité analogue à notre pouvoir municipal le soin de suppléer, en bon père de famille, au silence de la législation 1.

Les premières dispositions législatives en ma

'Je ne veux pas faire ici de l'érudition, en puisant dans les annales anciennes de nombreux exemples à l'appui de mon raisonnement; je me bornerai à rappeler deux faits qui sont généralement connus.

Les archontes, à Athènes, joignaient à des pouvoirs plus étendus des fonctions de magistrats municipaux. Il en fut de même à Thèbes; on sait notamment qu'Épaminondas ne crut point déchoir du haut rang où il s'était placé dans l'estime de ses compatriotes en se chargeant de faire observer des mesures de propreté et de salubrité...

Auguste créa un préfet de ville (perfectus urbis), ayant sous ses ordres d'abord quatorze, bientôt vingt-huit magistrats, pour l'administration des vingt-huit quartiers de Rome; et il lui confia des attributions qui étaient à peu près les mêmes que celles dévolues à Paris au préfet de police.

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