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de Sophie. De fon côté, Mad, Olban aime fecientement Dorville, dont elle craint l'antipathie pour le mariage. Dorville ne feint cette antipathie que parce qu'il adore Mad. Olban, & qu'il n'ofe point lui avouer fon amour at tendu la difproportion des fortunes. Les chofes en font là, lorfque la voix de la patrie appelle Dorville & Clarente aux frontieres. Tous deux prennent l'habit de foldat & fe difpofent à partir: mais Mylord d'Orlandes recherche Sophie en mariage: il la croit une riche héritiere. Dorville ne veut point partis fans avoir défabule Mylord: celui ci eft trop généreux pour s'attacher à la fortune il veut. toujours épouser Sophie, quoiqu'il fache qu'elle eft fle de Dorville & fans biens. Ici l'intri gue & les quiproquos s'accroiffent. Clarente, au défefpoir, croit être fere de Sophie: enfin, tout s'éclaircit, Mad, Olban, touchée de la délicateffe de Dorville, qui, après lui. avoir rendu fon fils, veut la fuir avec la file, pour rompre l'intelligence, des deux jeunes gens, a le courage de lui déclarer qu'elle J'aime. Dorville tombe à fes genoux: on apprend que Mylord, par un autre trait de genérofité, s'est éloigné, pour ne point trou bler l'union de ces deux familles ; & le borheur de ces quatre perfonnes eft décidé.

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In'y a point d'oppofitions dans cet O. vrage; tous les perfonnages y font également vertueux, & le mot de vertu y eft répété à tout moment, Il a en outre le défaut des drames; c'eft à-dire que les fituations y font prolongées àdelein d'amener des fcenes & de reculer le dénouement qu'un mot, que rien n'empêche de prononcer, pourroir håter. Tous ces défauts tiennent au plan: mais il est écrit avec beaucoup de facilité; il y a fouvent des

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vers heureux; l'intérêt y eft vif, & l'on y trouve des tableaux touchans & des fituations neuves. Cette piece est de Delrieux, profef feur de rhétorique au college de Verfailles, auteur déjà connu d'une jolie comédie intitulée: Adele & Paulin, ou la Prévention paternelle, jouée avec fuccès chez Melle. Montanfier. Le public l'a demandé il s'eft préfenté. Ses philofophes foldats doivent avoir un fuccès conf tant à ce théâtre mais nous l'engageons, attendu qu'il montre un véritable talent pour l'art dramatique, à méditer long tems fes plans, & à chercher toujours à marcher au but fans embarras, fans déviations. La comédie intriguée permet feule ces fufpenfions, ees prolongations de quiproquos; la comédie écrite, & fimple par fon action, doit, avec clarté tendre toujours au dénouement les perfonnages n'y entrent, n'y Tortent qu'à propos, & chacun n'y dit précisément que ce qu'il a à dire pour faire marcher l'action. Mad. Verteuil, Melle. Maffon, & Raymond fe diftinguent fur tout dans cet ouvrage, pår le pathétique & la vérité de leur jeu.

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Coup d'œil fur des défagrémens qu'éprouvent les - auteurs dans la plupart des théâtres de Paris.

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L n'eft point queftion ici de peindre les mœurs des couliffes: ce tableau, chacun le devine, & il nous meneroit trop loin. Nous ne voulons parler que des entraves qu'on met au talent des auteurs, & des délagré mens qu'ils éprouvent avant de faire jouer Leurs pieces, & même pendant le cours de leurs représentations. Nous voulons prouver

que le mode de réception des pieces eft vicieux par-tout, & qu'avant de faire un ouvrage, il faut qu'un artifte confulte sa patience, pour favoir s'il aura la force de fupporter toutes les tracafleries qu'il éprouvera avant de fe faire jouer.

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« Un jeune homme ignoré, qui débute dans la carriere des lettres, & qui peut devenir un grand homme a autant de peine à parcoutir, fon manufcrit à la main, vingt fpectacles qu'il en avoit autrefois à le faire recevoir à un feul à moins d'avoir un ami, une connoiffance auprès des directeurs, on fe les con cilie difficilement. Tous fe fait encore, théâtre, par cabale, par intrigue. Le jeune aureur, quand il n'eft pas connu, fera obligé, après avoir euffuyé vingt refus de la part de gens qui n'auront pas même entendu fon ouvrage, de defcendre à un petit spectacle, dont les habitués ne feront pas capables d'apprécier fa piece, & d'où il ne reti rera ni gloire, ni profit, ni encouragement. Bien plus, s'il y réuffit il travaillera de nouveau pour la même fcene, & voilà un homme enfoncé pour la vie dans la pouffiere des tréteaux. Nous ne difons pas que cet abus n'ait pas existé : mais it exifte encore ! & il existera toujours, tant que chaque administra tion de fpectacle aura cette morgue, qui eft prefque commune à toutes, un cercle d'aureurs favoris, & nous dirons plus, un genre de defpotifme que le public ne peut connoître, & qui eft familier à ces fortes d'entreprifes ».

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Donnons quelques développemens à ces vérités, & commençons par inftruire le public du mode de réception des pieces. Ici un jeure auteur eft obligé de confier fon manufcrit à un acteur ou à un fecrétaire nommé examina

teur par l'administration de fon spectacle. Ce iege, à qui le jeune auteur feroit fouvent en état de donner des leçons de goût, de jugement & de politeffe, garde, quelquefois J'ouvrage trois ou quatre mois, pendant lequel tems, le jeune auteur va faire vingt courfes chez lui. Au bout d'un terme plus ou moins long, l'examinateur a lu, ou fouvent n'a pas Ju l'ouvrage. S'il ne l'a pas lu, fatigué des importunités du jeune auteur, il lui remet fon manufcrit, en lui difant qu'il n'eft pas jouable, qu'il peut mieux faire, qu'il l'engage à travailler, mais que fa piece ne peut pas être reçue. Des raisons, l'examinateur n'en donne point dans ce cas là; ou il en donne de vagues, de bannales, qui fervent à tout le monde, pour tous les ouvrages qu'on lui pré fente.

Si l'examinateur a lu la piece, & qu'après l'avoir raturée, cartonnée, &c. il la juge digne de paroître au jour, le jeune auteur est alors appelé à un comité d'acteurs ou de directeurs, où il lit lui même fa piece. C'est une chofe plaifante, que ces comités! Après avoir fait attendre long-tems le pauvre au eur, qui eft dans la tranfe on l'introduit, il commence fa lecture; mais il faut voir la distraction indécente des auditeurs. L'un s'endort, l'autre Soule fa tabatiere, un troifieme écric; un qua trieme lui parle à l'oreille. Un cinquieine fait paffer à fon voifin un petit papier où il a écrit Cela m'ennuye! finira t il bientôt, &c. C'est un garçon de théâtre qui apporte une lettre : ce font mille interruptions! Quel fupplice pour le pauvre auteur, qui employe mille_moyens pour fixer l'attention de fes juges! Tantôt il donne un grand coup de poing fur la table pour réveiller celui qui dort, tantôt il fixe celui qui joue avec fa tabatiere; tantôt il rif

que une forte exclamation, pour forcer out le monde à lever la tête. Alors, ce qui n'a rien entendu vent prouver qu'il écouté attentivement, en chicanant le lea fur un mot. Cette querelle de mots fe renine; l'auteur a lu fa piece; il s'agit dane décision: ou on la lui fera favoir par ecrit le lende main ( ce qui fait paffer ane nui, Cruelle à Rauteur), ou on reçoit fur-le-chp fon ouvrage. Alors, autre embarras par la distribu tion des rôles, pour le tere où fa piece fera jouée. Que de courfes que de pourpar lers ! Si la piece ne plaît p, aux acteurs, ils

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la feront tomber ! Aucun d'eux n'eft content de fon rôle : celui demande une Icene de plusi; celui-lrouve la fienne trop longue, il faut her abymer l'ouvrage pour que tout le nde foit content. Si vous avez les premiers jets, vous n'êtes joué qu'au gré de leur ca-lce. L'un feint une maladie qui accroche tre piece pendant un mois ou deux. L'aut trouve fon rôle trop fatiguant, & ne veure jouer que tous les quinze jours. Celui-ci par une obstination malhonnête, vous fait perdre les meilleurs jours de recette. Celi-là fe fait prier pour jouer tel ou tel jour, U autre enfin affectionne tel auteur, ou plus intrigant ou plus galant, & le fait placer, à votre détriment, de la maniere la plus lucrative. Il faut que le pauvre auteur cajole, s'il veut être joué fouvent, non-feulement l'ac trice la plus difficile, mais même fon amant & jufqu'à fon petit chien. Ce font des courbettes, des cajoleries, des vifites, des flatte ries, des prieres, des querelles, des raccom modemens, des caquets, des cris avec les ac teurs, adminiftrateurs, régifleurs, fouffleurs, &c. des démarches, en un mot, qui bleffent fans ceffe la délicateffe d'un homme à cafent, mais

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N°. IX, Tom. III. 30 Mars 1793. E

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