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« On a observé à la paix de 1763, après la guerre faire aux Indiens de l'Amérique feptentrionale par le clo el Bouquer, qu'il étoit refté parmi ces fauvages quelques jeunes Anglois faits prifonniers à un âge où ils étoient capables de diftinguer les chofes nécefires & celles qui é oient commodes, afnfi que l'effet de leur privation. Après avoir vécu peu d'antées parmi les Indiens, ils retournerent dans les bras de leurs pa ens; mais ce ne fut qu'avec toutes les expreffions de chagrin & de douleur, de renoncer à la vie lauv ge; ils firent entendre clairement par là qu'ils pretéraient le bonheur de leur famille à leur propre fatisfaction; & on ne peur douter que fi ces parens n'avoient pas été préfes pour les recevoir,il n'euffent d'abord quitté leurs dernieres. liaifons pour retourner aux premieres. Il faut une forte d'opinia reté pour r fu ́er d'admettre ces. faits comme un argument décisif, ou du moins. d'un grand poids en faveur de la vie fauvage ».

« Celui qui fouffre le moins de mifere eft le plus heureux, comme le plus miférable eft celui qui goûte le moins de plaifir. Cette diftination eft commune aux deux fituations dont nous parlons, & dénote l'état négatif de notre bonheur dans ce monde; bonheur qu'il faut mesurer par la moindre fomme de mifere qu'on éprouve, fi l'on veut en déterminer la préférence. L'ame inculte,ou l'homme dans l'état de nature comme on dit a évidemment l'avantage, puifque la plupart de nos déplaifirs viennent de la réflexion, qui eft elle même Feffet des progrès de nos idées & de notre fen. fibilité ».

« Le monde réel a fes limites; le monde: imaginaire eft infini; c'est l'épitôme de l'ame. humaine dans fon état inculte ou dans fon état cultivé. Placer cette question seulement à

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moitié du point de vue qui pourroit lui con venir demanderoit que nous nous étendiffions au delà des bornes que nous nous sommes prefcrites: nous nous contenterons d'avan◄ cer que nous fommes tous les enfans de l'habitude, que l'homme est destiné par fa nature, dans quelque condition qu'il puiffe être, à porter un fardeau égal à fes forces. Les changemens de fituation, quelque variés qu'ils foient depuis le fauvage jufqu'au plus haut dégré de perfection de la vie civile, ne font qu'une maniere de diverfifier ce fardeau ; de forte que les habitans abandonnés, non fophiftiqués de la terre de feu, peuvent être cenfés jouir d'une auffi grande fomme de contentement que le courtifan accompli dans la plus brillante Affemblée de l'Europe.

Roman Converfations, &c. C'eft-à-dire Converfations romaines; ou courte defcription des antiquiiés de Rome, & des caracteres de plufieurs Romains illuftres, entremêlées de citations d'auteurs claffiques & de reflexions morales, fuppofees entre quelques Gentlemen à Rome; en deux volumes, dont celui-ci eft le premier. In 8. de 440 pages. A Londres, chez Brown. 1792.

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Et ouvrage date d'environ 30 ans. Son auteur, feu Jos. Wilcocks, écuyer, d'Hurley, près de Maldenhead, l'avoit originairement deltiné à fervir d'introduction à l'étude des auteurs qui fe foot particulie

rement occupés de la biographie & des an tiquités romaines. Une trop grande défiance en fes propres talens l'a empêché de le publier, & il ne l'a fait voir qu'à quelquesuns de les amis. Cependant, il a bien voulu qu'il fût imprimé après la mort. On ne donne aujourd'hui que le premier volume, vraisemblablement pour fonder le goût du public, & fon jugement fur cette pro¬ duction.

Dans un avertiffement, l'auteur expose l'extrême difficulté qu'il y a de s'affurer des antiquités romaines, même à Rome, & enfuite donne une idée des perfonnages introduits dans cet ouvrage comme interlocuteurs. Le premier eft un eccléfiaftique inftruit & bienveillant, gouverneur d'un des Gentlemen, & ami des autres. Son nom eft Criton. Des trois autres, l'un aspire à être repréfentant du Peuple Anglois dans la chambre des Communes, l'autre à fiéger un jour dans la chambre des Pairs, & le troifieme, l'éleve de Criton, fe propofe de couler des jours fereins & tranquilles en exerçant la bienfaisance, en rappellant le bonheur dans fes terres. On fuppofe que ces voyageurs arrivent à Rome dans le commencement du regne de George III, & qu'ils ont examiné ce que cette ville contient de plus remar quable. Le volume que nous annonçons préfente les cenverfations qu'ils ont eues enfemble pendant dix jours. Elles font pré

cédées d'une introduction qui offre des notions biographiques fur Romulus. La premiere converfation eft du 1er. Mai. Le rendez-vous eft dans la voie facrée au temple de la paix. Leur voiture les attendoit visà-vis de ce temple à la porte des jardins Farnefe. Ils y montent & fe promenent dans le vallon d'Egerie, éloigné d'environ 3 ou 4 milles. Ils y paffent auprès du mont Cœlius, montagne qui tire fon nom d'un ancien Etrufque. Ils en prennent occafion de difcourir fur l'état de l'antique Etrurie. Ils .font mention de Pythagore qui y a donné des leçons de philofophie. Criton efquiffe un abrégé de la vie de ce philofophe & examine en particulier la tradition, que Numa non-feulement a étudié la religion de P'Etrurie, mais encore a eu le bonheur d'avoir été inftruit dans la fageffe de la Grece, de l'Egypte & de l'Orient, par Pithagore dont il a été difciple. C'eft dommage que cette tradition ne s'accorde pas avec la chronologie qui fait vivre le philofophe Grec, très-longtems après Numa.

Au milieu de leur conversation, ils font interrompus par les fons d'une mufique champêtre, & ils trouvent dans une prairie de la vallée Egérienne divers groupes de .gens de campagne, des deux fexes, vêtus de leurs habits de dimanche, couronnés de guirlandes de fleurs, & danfant aux fons de la mufette. Ils apprennent aux voya¬

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geurs que cette fête fe célebre tous les ans, le même jour, au même lieu, depuis des fiecles, fans qu'on en fache l'origine. Criton trouve cette orige dans une inftitution de Numa, qui ordonna une fête pareille, tous les ans, aux całendes de Mai, dans ce même endroit. Il eft étonnant que cette folemnité fe foit confervée, durant 2 fiecles, chez un peuple qui a fi fouvent changé de maîtres, & qui ignore absolument pourquoi il la célebre. Nos voyageurs décrivent les monumens épars dans ce vallon, & terminent leur entretien par une notice de la vie de Numa & de fon fucceffeur. La conversation du deuxieme jour fe tient au Capitole: fcene bien propre à infpirer de grandes réflexions.

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« Quelle férénité, quel fentiment religionis loci, dit l'auteur, pénetrent la plupart des voyageurs à la premiese appro he de la montagne du capile ? Les compagnons de Criton qui l'avoient souvent vifité, n'en fentirent pas moins, en y mon ant ce matin ce profond refpect qu'elle infpire. Is paroil fent étonnés, comme la premiere fois, des monumens de la grandeur de Rome; ils paffoient d'un fragment coloffal à l'autre feur mentor Is conduifit fur le côté occidental du Capitole dans un édifice qui fert de tribunal aux Confervatori, c'eft à dire aux confuls Romains modernes. Il n'étoit précisément pas occupé ce jour-là, & la compagnie fur à même ́de l'exami er à ton aife. Elle trouva le premier grand appartement, ou la falle, remplie de tableaux d'Arpino, représentant les principaux

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