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beautés, il leur donne plus de grace, plus d'énergie. Dodrina fed vim promovet infitam, dit le légiflateur du goût & des lettres ode III. liv. IV.

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<< En obfervant, dit Rofenftein, que la nature offre des magafins immenfes aux difciples du goût, j'avoue que le génie par fa chaleur & fon éclat, & la fenfibilité par fa puiffance irréfiftible peuvent feuls mettre un acteur à même de faire paffer les fentimens dans le cœur des autres; qu'aucun dégré de connoiffance ne compenfera le défaut de fentiment; mais fautil conclure delà que le génie & la fenfibilité autorisent le mépris pour les fecours de l'expérience? Nullement. En effet qu'est toute fcience, toute théorie quelconque, finon le résultat de notre propre expérience ai tée de celle des autres. Ne perdant jamais de vue les mœurs & les manieres, le véritable génie étudie les hommes, la nature, le monde, & les ouvrages d'un grand mérite, de même qu'un artifte contemple la création animée & inanimée & les ouvrages des grands maîtres qui les ont imités avec le plus de fuccès. Sans quoi l'imagination, cet enthoufiafme fur les productions même de fan aifie qui imprime un caractere durable, le peintre enfin & le ftatuaire n'acquerroient jamais de célébrité. Leurs efforts ne feroient pas moins fans fuccès, s'ils ne s'appliquoient infatigablement à fe rendre la dextérité familiere, à obtenir une connoiffance entiere de la nature, ce fini pur, ce moëlleux, cette élégante foupleffe que fuggerent les regles de l'art, l'avis des connoifleurs & les chefs-d'œuvres des grands modeles ».

Ce difcours où l'auteur femble avoir facrifié la gêne d'une méthode fcrupuleufe au mérite de multiplier les oblervations

judicieufes exprimées avec éloquence, avec chaleur, eft terminé par le paffage fui-

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« Si les belles-lettres prêtent un fecours né ceffaire aux fciences, fi elles poliffent les mœurs moderent ou diminuent les effets pernicieux de la prospérité,, fi elles font goûter des plai firs purs & honnêtes, fi elles éclairciffent les; ténebres de la folitude, fi elles confolent le cœur à l'heure de l'affliction; fi en inspirant: l'amour de la vertu, elles élevent l'ame & la rem pliffent de fentimens patriotiques; il feroit de la plus grande injuftice, de la plus noire ingra titude de compter ceux qui les cultivent aus nombre des membres inutiles de la fociété. Ils font fondés à dédaigner les railleries de l'ignorance & du préjugé, ils ont mérité l'eftime de toutes les ames libérales; ils ont droit à la protection d'un gouvernement éclairé, ils jouiront dans la poftérité de la gloire des bienfaiteurs du genre humain »..

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L'article fuivant eft un difcours prononcé par N. L. Lifberg, lors de fa réception à l'académie. Il y fait l'éloge des hommes de génie anciens & modernes. Son ftyle eft/ énergique mais quelquefois il pouffe less louanges fort au delà des juftes bornes. C'eft. une manie qui devient affez commune. Ik n'eft que trop de losangeurs qui ne favent garder aucune mesure. Leur exagérateur prodigue: les éloges les plus ampoulés, tour: ce que l'expreffion: a de: plus flatteur, des plus fublime à des productions très-ordinaires em forte que s'ils avaient à louer des hommes vraiment fupérieurs, la langues

ne leur fourniroit plus de termes affez expreffifs, affez énergiques. Ce n'est pas Jouer les gens de mérite, que de les mettre à côté des génies qui ont étonné le monde favant par leurs conceptions hardies & tranfcendantes; c'eft tromper les premiers, c'est tromper le public. Une faine critique met tout à la place, parce qu'elle fait qu'en li térature il n'est point de place qui ne foit honorable, fi ce n'eft peut être la derniere; encore ceux qui l'occupe t laiffent-ils l'espoir de s'élever plus haut. Qu'est-ce qui auroit dev né dans l'auteur des Freres ennemis celui d'Athalie? Soyons vrais, ayons plufieurs mesures, parce qu'il eft divers degrés de talens. Si tous méritent notre eftime, réfervons notre admiration pour les grands modeles, pour ces génies qui planent majestueulement au haut de l'horifon des Lettres. Rappellons nous encore le précepte d'Horace, cet Horace qu'en matiere de goût on auroit occafion de citer à chaque ligne !

Eft modus 'in rebus, funt certi denique fines Quos ultrà citrà que nequit confiftere redum.

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Le dernier difcours de ce recueil eft du fénateur Oxenftierna, nom célebre, & n'eft gueres d'un bout à l'autre qu'un éloge gi néral de l'académie & de fon fondateur.

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Comparaison de l'état civil avec l'état fauvage: morceau tiré d'un ouvrage anglois, intitulé: Farrago : contenant des Effais moraux, philofophiques & hiftoriques fur Shakespeare, la vérité, les combats à coups de téte, les rois, la religion, le gouvernement, la politeffe, l'ennui, l'ingratitude, la fortune poétique, &c., des articles extraits & choifis fur divers fur jets. 2 volumes in-8°., publiés au profit de la fociété pour l'acquit des dettes & le foulagement des perfonnes détenues pour de petites dettes. A Londres, chez Elmfley. 1792.

Ire que nous devons être plus contens plus heureux que les fauvages, c'est une pure déclamation. Les fecours que nous retirons de la réunion de nos intelligences en fociété, quelqu'en foit la nature, font toujours accompagnés de quelque mal qui les balance: en forte que plus nous faifons de progrès dans les raffinemens qui aiguilent nos fens, plus nous nous rendons incapables d'en jouir, & cela dans la proportion la plus exacte. Les uns font privés de l'efpoir de fe les procurer tandis que d'autres, à qui ils font accordés, en font auffi-tôt dégoûtés; ce qui eft caufe qu'on regarde parmi nous, comme les plus fages, ceux qui fe font fait le moins de befoins, ou, en d'autres termes ceux qui, à cet égard, fe rapprochent le plus de l'état des fauvages de ces hommes qui font contens de ce qu'ils

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Rouffeau qui, par une fenfibilité extrê me, ne pouvoit fupporter les événemens ordinaires du commerce focial, étoit difpofé à lui préférer les plaifirs de la retraite & de la folitude. Mais comment la folitude d'un hommé dégoûté, qui a le cerveau malade, pourroit-elle fe comparer à celle d'un individu qui vit dans l'état fauvage, qui n'a d'autres foins que de fe procurer fes besoins naturels, qui ne réfléchit que fur la maniere de tirer parti de fes forces corporelles pour acquérir les objets de fes befoins » ?

« Le docteur Jchafon, dont la feule jouiffance étoit dans la fociété, n'auroit pas héfité de décider que cette comparaifon eft de la derniere abfurdité. Eftimer trop bas notre perfectibilité, lui auroit paru un abandon de la meilleure qualité de notre nature; le conrentement dû à la pareffe; l'exemption de la réflexion; il les auroit appellé une fubverfion des bienfaits de la Divinité, qui a juftement condamné les anges déchus à l'état de mifere où ils font réduits ».

« Si nous fuppofons un homme retiré de la vie fauvage, & devenu civilifé, fon opinion. ne placera pas l'argument fous un autre jour. Il aura changé un genre d'habitudes & de préjugés pour d'autres habitudes & d'autres préjugés, voilà tout. Omaï a été à même de faire une différence affez jufte entre les deux états; mais il ne nous a donné aucun fujet de conclure que ce qu'il a trouvé parmi nous lui ait infpiré le moindre defir d'y refter, ou la plus légere répugnance à reprendre fon premiere genre de vie. D'après le fentiment du capitaine Cook, ce qu'il avoit acquis de lumieres & de jouiffances quelqu'elles aient pu être, auroit été balancé par les peines dont elles auroient été accompagnées ».

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