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Solec orations &c. of the Swedish academy &c. C'eft-à-dire. Difcours choi fis & autres écrits importans relatifs à l'academie de Suede fondée par Ja Majefté actuelle Gustave III, le 20 Mars, 2786; traduits du fuedois en anglois. Par N. G. Agander. Grand In-4o. de 104 pages avec un frontispice gravé par Condé. A Londres, chez Johnson 1791.

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E feu roi de Suede paroît ici fous le caractere honorable d'ami, de protecteur des lettres. Le premier article de ce recueil eft un difcours qu'il a prononcé à l'ouverture de l'académie de Suede, inftituée pour perfectionner la langue nationale, en l'affujettiffant à l'économie des regles établies & en encourageant le génie & le goût à s'appliquer aux belles-lettres. Le roi y adreffe des complimens nominativement à plufieurs membres de cette nouvelle inftitution, & indique les avantages qu'on peut le promettre de leurs talens.

La feconde piece eft un difcours éloquent de Rofenftein, prononcé à l'occafion de l'anniverfaire de la naiffance de Guftave Adolphe. Après un court éloge du héros, l'orateur expole les objets dont l'académie doit s'occuper, qui font d'établir fur une base folide l'orthographe de la langue fuédoise,

en même tems que de tracer les regles & les principes certains de fa conftruction, & de procurer à la Suede, ce qui lui manque encore, un dictionnaire complet par lequel on puiffe cultiver & conferver le goût dans les compofitions littéraires.

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Le 3e. difcours qui eft le principal dans ce volume a pour titre Observations fur le goût & les belles lettres, & a été lu dans une affemblée générale de l'académie par Rofenftein. L'orateur y confidere la fluctuationdes opinions touchant les belles-lettres, avance que néanmoins leur principes font auffi certains que ceux de toutes les autres fciences, & que malgré toutes les objections qu'on a pu faire contre leurs effets (ou plutôt contre leurs abus), elles produilent divers avantages d'une grande importance. Pour prouver cette énergie univerfelle des belles-lettres, Rosenstein en appelle dans un style animé & éloquent aux faits & à l'expérience. Dans un traité qui fuit & auquel ce difcours ne fert que d'introduction, le même auteur entreprend de pofer les grands principes du goût, & de déterminer le dégré de certitude dont ils font fufceptibles. Il fait la remarque judicieufe fuivante fur la fcience du goût.

« Je replique, dit-il, que cette science ref femblera à toutes les autres efpeces de connoiffances humaines, puifqu'elle eft comme elles le réfultat combiné de l'induftrie & del'obe fervation ainsi que des combinaifons d'expériences

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avec peu de réfléxions, peu de conclufions & encore moins de regles & de principes. Um auteur qui réuffiroit à donner aux belles lettres cette théorle philofophique, pourroit mériter la dénomination de philofophe du goût. Loin d'un pareil homme cette jactance lyftés marique qui, chargeant les facultés de l'ame: des chaînes de la. Tynthefe, opprime la fenfibilité fous le joug des argumens. Quoique le raifonnement analytique ne doive jamais négliger la fource de toutes les connoiffances ce volume qui, bien: étudié rendroit la plupart des autres livres fuperflus, feroit plus deftructeur de nombre de bibliotheques que le feu dévorant des impitoyables barbares »..

« Le grand livre, c'eft l'expérience & nous fommes nous mêmes les principaux fujets de cette expérience. Toute la nature agit fur nos fens, belle ou terrible, grande ou gracieuse,. gaie ou trifte. Les idées font créées dans l'ame humaine par l'impreffron des objets extérieurs :: ces idées rangées en différens groupes, indé pendamment du nom général de fcience, acquerront un nom particulier, conformément leurs combinaisons refpectives. Dans notre pro pre cœur exifte la fédition & la rage, les paf fions tumultueufes qui, éclatant fous différen tes formes, donnent naiffance à tant de vertuss & de vices, à tant d'actions nobles ou baffes,. qui forment ou détruifent les fociétés humai mes; paffions qui doivent animer: les faftes de Phiftoire que la loi doit contenir. par des peines, ou diriger vers des objets utiles par des récompenfes proportionnées; paffions done Ja politique, doit tirer part, & qu'elle doi: gouverner, que la morale doit modérer & anoblir, que les poëtes & les orateurs doivent fe plaire à peindre, à éveiller, à adoucira C'est dans nos propres cœurs que naiffent cess

rendres émotions, ces fentimens. délicats qui offrent les plus riches couleurs au pinceau du génie >>

a Si donc la nature par fon pouvoir d'agis. fur l'efprit humain, fi les fentimens, les impreffions & les paffions font les originaux que. les difciples du goût doivent avoir conflam ment devant les yeux ;. fi l'élégance du style: 'eft rien autre chofe que la connoiffance de. l'art de plaire, la faculté de fentir & de ju ger, d'où pouvons nous déduire la théorie du: goût, fi ce n'eft des perceptions & des facultés de l'ame humaine »?

« La premiere & la plus fare méthode d'acquérir certe connoiffance est de porter un œil fcrutareur dans fon propre fein. Nous y trou vons des penchans dominans, des paffions tu-multueufes & de douces émotions. Nous obfervons des étincelles cachées de génie, quis bien qu'elles fe répandent rarement en flammes fouiniffent un fond inépuifable de ma tériaux précieux aux hommes célebres doués du talent de les employer à leur plus grand avantage Da

Juger par notre propre expérience des acequifitions des autres & mefurer leurs difpofi-tions par les nôtres, c'est le moyen d'obtenir fouvent des réfuktats erronnés & injuftes. A Fétude de nous mêmes il faut donc joindre ces réflexions moins certaines, mais qui viennent plus facilement, & qu'une attention à la conduite & aux mœurs des hommes qui nous environnent, nous met fans beaucoup de peine en état de faire, car en appercevant dans les autres des fentimens que nous n'avons pas, nous apprennons à réduire à leur jufte valeure ceux que nous avons, à les rapporter à l'écheile adoptée par la fociété, à les élever Q à les abanies, au dégré qui, les rend propress

à être communiquées. Par là nous apprenons commander à la conviction, à remuer l'ame ».

De l'inftruction que la fociété offre parmi nous, paffons dans un champ plus vafte buvert par le grand monde & par l'histoire. La contemplation des diverfes nations & des dif. férens fecles étend nos conceptions. Capables de porter nos regards au delà des objets qui nous entourent, nous acquerons les moyens de moiffonner la vénération des races futures ».

« C'eft fur cette immense provifion de connoiffances que l'homme de lettres peut fonder la théorie d'un art que la fenfibilité & le gé. nie l'appellent à exercer, mais qui doit être conftamment dirigé par un goût éclairé. C'est fur la même bafe, mais d'après un aurre plan que le législateur, l'homme d'état, le moralifte conftruisent leurs fyftêmes. Delà nous n'hésiterons pas de dire que la connoiffance des belles-lettres & le goût peuvent acquérir un dégré de certitude prefque égale à celui qu'ont la morale, la politique, la légiflation & toute autre fcience qui eft du reffort de la nature humaine ».

Notre auteur établit de la maniere fuivante la néceffité & l'utilité d'une théorie des belles-lettres. A tout il faut des principes. La nature fait beaucoup; mais fes dons divers doivent être dirigés par des regles certaines vers le but qui convient à chacun. D'ailleurs, felon un grand maître que bien des gens, qui fe donnent pour des littérateurs, connoiffent à peine de nom, la nature elle même n'eft pas peu redevable à l'art, il diftribue les tableaux dans un ordre qui en détache, qui en fait fortir les

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