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pas que Racine, grand imitateur des anciens n'ait prit l'idée de l'interrogatoire de Joas dans l'Edipe à Colonne de Sophocle. Sophocle, Racine & Chénier, quel rappro

chement !

• Promenons nous encore un moment &® allons à la prifon d'Héloife. Nous y trouverons Heloife, & Ifaure qui apprend à l'infortunée captive qu'Amélie a fui avec horreur loin de ce cloître impie, mais quelle à à redouter la vengeance des autres religieufes. Elle parle encore; que Pabbeffe, les religieufes, &c., pénétrent brufquement dans le cachot. Héloife, tranfportée de fureur," leur reproche leurs ingénieufes barbaries." On a fait de l'abbeffe un monftre dans les réponses & il y a bien peu d'art à en avoir fait un être auffi vil, puifqu'elle n'infpire aucune forte d'intérêt. Le quatrieme acte firit par une espece de proceffion & par ces vers de Fénélon, dignes d'être remarqués.

FENELON.

Toujours le ciel & Dieu, quand on commet des

crimes !

Ce Dieu vous a-t-il dit je veux être vengé l Pourquoi puniffez vous avant qu'il ait jugé ? Pourquoi vous armez-vous d'une rigueur impie, Qu'accufent à la fois fa doctrine & fa vie? Où vous a-t-il preferit ces excès abhorrés ? Les avez-vous trouvés dans les livres factés ? Quel langage tient-il à la femme adultere? Elle pleure à fes pieds: va-t-il dans fa colure Chercher pour la punir des tourmens inconnus ?

Il pardonne & lui dit; allez, ne péchez plus.

Le cinquieme acte eft de toute foibleffe: au lieu que l'intérêt devroit croître d'acte en acte, de scene en fcené, il est nul à la fin. Point de fautes groffieres, mais rien qui s'éleve au deffus d'une certaine médiocrité; aucun trait de génie & de verve; aucun morceau de fentiment; aucun de ces vers que l'on retient; il eft rarement verfificateur & jamais bon poëte. On ne doit pas s'étonner de foibleffe des talens de Chénier, s'il eft vrai, comme on le dit, qu'une tragédie ne lui coûte pas plus de 15 jours de travail. Pradon fe vantoit d'une auffi grande facilité & Yon fe mocquoit de lui.

Chénier le glorifie d'avoir hafardé fur la fcene des chofes qui n'avoient jamais été tentées, & d'avoir recueilli les fuffrages des connoiffeurs dans Charles IX, dans Henri VIII, dans Caius. Gracchus & dans Calas. Affurément toutes ces pieces font dans un genre très-neuf. L'invention des poignards dans Charles IX eft admirable. Pour Henri VIII, les amateurs lui trouvent une conftitution bien frêle. J'aime les éloquens morceaux de St. Réal fur les Gracques, mieux que tout ce qu'a pu dire Chénier. Quant à Calas, il y a plus de vrai talent dans le beau plaidoyer d'Elie de Beaumont en faveur de cette malheureufe victime du fanatifme, que dans toute la piece ou Chénier croit avoir mis le plus de na

turel & de véritable poéfie tragique. Que les beautés fimples & naturelles ofent encore reparoître fur un théâtre, où l'on n'applaudit plus depuis longtems que des romans abfurdes & des déclamations philofophiques, & nous promettons à Chénier des fuccès plus durables. Qu'il imite Ducis. Quand eftce que ce poëte plein de chaleur & d'enthoufiafme a conquis la gloire & fait répandre des larmes, c'eft lors qu'il a quitté Shakespeare, pour fuivre Sophocle & tranfporté dans Paris la fcene Athénienne. Et dans un fiecle qui dédaigne l'antiquité, il a ému les François par le même fpectacle qui couta' antre fois tant de pleurs à la Grece affemblée. On lui a rendu grace de n'avoir pas défelpéré de la République. Son fuccès a fait honneur au goût de la nation, & il a vengé les anciens de l'injufte oubli auquel l'ignorance les a condamné. Puiffe cet exemple être profitable à Chénier.mon horta fa

ENIGM E.

REcélant dans mon fein une ardente matiere,

Te parcours un pays à Morphée engagé !
Et qui m'y fuit, m'eft obligé

De l'avoir bien voulu parcourir la premiere.

Le mot au N. prochain.

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Epitre à l'auteur de CADET ROUSSEL. Par Armand Charlemagne.

G Rave auteur de Cadet Roussel,

En bon ami, je te souhaite

Salot, fanté, bonne recette,

Qui vaut mieux qu'un nom immortel.
Entends-tu, mon cher camarades
Je ne fais combien de cenfeurs
Miftifier ta pafquinade,

Ta double fcene, & tes acteurs ?
Laiffe crier & laiffe dite :
Il n'importe fur quel, tréteau, s
Quand on produit ceuvre nouvean,
Le fecret eft de faire rire :

Et, ma foi... foit dit entre nous.
Ce fecret-là qu'on me pardonne
D'être incrédule) je foupçonne
Que tes rivaux ne l'ont pas tous.
Ton chef d'œuvre eft une fottife
- Soit: tu l'offres pour ce qu'il eft.
Tel auffi d'un drame s'avife
Et le donne pour piece exquife
Que le public, qui s'y connoit
Au rebours traite de bêtife.

Variété, c'est la devise :

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On eft las d'admirer toujours
Ce qui fut toujours admirable;
Comme fouvent, dans les amours
On n'aime pas la plus aimable.
L'homme eft fudrôle en fon humeur,
Que fouvent l'ennui du meilleur
Lui fait aimer le déteftable.
Ariftarques par trop malins,
Laiffez un peu faire les autres

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On a tant, d'ouvrages divins..
Quant ce ne feroient que les vôtres.

Pourtant, duffai je aux beaux efprits
Paroître bête, ou ridicule,
Je préfere ton opufcule,
Cadet Rouffel, & fes Jazzis,
A ces pénibles bagatelles,
Inconféquens verficulets,
Soi-difant jargon de ruelles
Qui ne l'entendirent jamais,
De la Coquette de la Noue,
Et du Narfés de Crébillon
Bâtards, qu'au Pinde on défavoue
Pour être enfans de la maifon :
A ces couvens nauséabondes,
Où desnonnettes pudibondes
Expiant, dans de noirs cachots,
Leurs peccadilles ignorées,
; Sont au dénouement délivrées
Par d'in promptus municipaux :
A ces canevas amphibies

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Moitié graves, moitié bouffons
Qu'on appelle opéras-folien,

Et qui n'ont de fou que leurs noms;
Où l'on donne pour bonhommiez rest
L'argot de la rufticité,

Et pour de la naïveté,

L'excès de la niaiferie:

A maint bifarre imbroglio,

Où l'on nous donne en mauvais ftyle,
Une intrigue difficile

Que l'on pilla dans Moreto :

Enfin, pour terminer ma

lifte

A nombre d'ouvrages du tems,
Qu'on ignore, & qui font charmans,
Si l'on en croit tel Journaliste.
A tous ces chefs d'oeuvres divers,

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