Page images
PDF
EPUB

Sur le point que la vie Par mes propres fujets alloit m'être ravie.

Sur le point que, n'eft pas françois. Sur le point régit toujours la propofition de, fuivie d'un infinitif. Ex. Sur le point de partir, & non pas, fur le point que je parte. Il auroit fallu, au moment où la

vie.

Quel profane en ce lieu s'ofe avancer vers nous.? S'ofe avancer, pour, ofe s'avancer eft une faute.

Quiconque ne fait pas dévorer un affront, Ni de fauffes couleurs fe déguifer le front. ?

Se déguifer, pris figurément, c'eft fe montrer autre que l'on n'eft; & alors il fe met abfolument, parce qu'il forme un fens complet. Ainfi, l'on dit: Se mettre un mafque fur le visage, pour fe déguifer: il fe déguife en mille manieres. Mais lorfqu'on veut faire fuivre ce verbe du régime fimple, il ne faut point le faire précéder du pronom se. Il eût donc fallu dire: ni de fauffes couleurs déguiser fon front. Voltaire dans la Henriade a fait la faute inverse.

Le héros, à ce difcours flat eur Sentit couvrir fon front d'une noble rougeur. Il eût fallu le verbe réciproque fe couvrir, parce qu'il y a action d'un fujet fur lui-même, & non pas une action extérieure, comme l'indique le verbe actif couvrir; mais

peut-être ces fautes ne font-elles que des licences permiles aux poëtes.

Que tout leur camp nombreux foit devant tes foldats

Comme d'enfans une troupe inntile : Et fi par un chemin il entre en res Etats, Qu'il en forte par plus de mille.

Comme d'enfans eft une inverfion défagréable & choquante, les deux derniers vers font d'un profaïfme infupportable. On feroit bien embarraffe de citer deux fois dans Racine trois vers de fuite répréhenfible. En voici cependant un autre exemple dans Ef ther. C'eft Zarès qui dit à Aman:

Pourquoi juger fi mal de fon intention?
Il croit récompenfer une bonne action.
Ne faut-il pas, Seigneur, s'étonner au con-
traire

Qu'il en ait fi longtems différé le falaire ?
Du refte, il n'a rien fait que par votre confeil.

Ces vers font de la profe rimée. Rien de moins poétique que ces formes au contraire, du refte. Racine habitue fi fort à la perfection, qu'on eft étonné qu'il ait pu laiffer fubfifter de femblables vers.

Beaucoup de gens, affurent qu'on lit Efther plus qu'aucune autre tragédie de Racine. D'où cela viendroit-il? Eft-ce parce qu'elle eft la mieux écrite, ou parce que ne paroiffant pas fur la fcene, elle offre davantage l'attrait de la nouveauté? Je fuis porté à croire que cette préférence eft fondée sur ces

deux raifons à la fois. Pour moi j'avoue que j'ai une prédilection particuliere pour Efther. Elle produit fur moi le double effet de l'ode & de la tragédie. Outre les fentimens de pitié & de crainte qu'elle me fait éprouver, je fens, en la lifant, une forte d'enthousiasme facré. L'onction du ftyle, les choeurs fublimes de ces filles d'Ifraël, tout concourt à mon illufion. I me femble, lorfque je prends cette tragédie, que j'entre dans un de ces temples antiques, élevés avec pompe dans Jérufalem au culte du TrèsHaut. Dès l'entrée, je vois un veftibule d'une ftructure faperbe. J'entends autour de moi une douce harmonie. La piété elle-même m'adreffe la parole. Ses accens pénetrent mon ame. J'avance, & bientôt j'apperçois l'intérieur du temple. Mes premiers regards s'arrêtent fur un de ces anges terreftres, qui font l'ornement du genre humain. Je le contemple avec refpect, & je l'aime avec tendreffe. Un fpectacle douloureux vient enfuite m'attrifter profondément. Je vois un combat entre le méchant & le

jufte. La puiffance eft le partage du premier; la foibleffe, la compagne de l'autre. Dans ce danger preffant, à qui s'adreffera le foible? 11 s'adreffe à Dieu, & Dieu vient à fon fecours. Il ne veut point que fon troupeau foit dévoré par le loup cruel & avide. Il vient au fecours de l'innocent; la vertu triomphe. Un concert de louange

retentit de toutes parts. Dieu eft célébré ; fa puiffance infinie eft exaltée; & le temple redevient le féjour du bonheur & de Pallégreffe. Ceft au milieu de ces harmonieux accords, auxquels fe mêlent des voix angéliques, que s'évanouit mon illufion; & .mon cœur reconnoiffant remercie le mortel fortuné, qui peut procurer à fes sembla

1

bles de fa douces jouiffances.

The American Geography, &c. C'està dire Geographie Américaine, ou expofe de la fituation préfente des EtatsvateUnis de l'Amérique. Par Jedidiah Morre, že. Rédition, à Londres, chez Stockdale. 1792609

L n'y a qu'un petit nombre d'années que les reffources & les richeffes de l'Amérique font connues ; & cette connoiffance même eft tellement refferrée, qu'on peut dire que l'Europe ignore encore la véristable fituation du continent occidental. II n'y a peut-être pas d'avantages naturels dont P'Amérique ne foit en poffeffion, & qui avec le tems ne la rende la rivale des contrées les plus favorifées, peut être même de toute l'Europe. Néanmoins on n'en doit pas prendre d'inquiétude, ou dé méfiance, fous sun point de vue politique. Les Américains ne doivent jamais céder au defir des con

[ocr errors]

quêtes, du moins au delà de leurs propres mers. Que voudroient-ils acquérir? Du terrain, ils n'en ont déjà que trop. Des mines, des métaux précieux? L'illufion eft diffipée, & l'on fait aujourd'hui que l'induftrie & l'efprit national font des mines plus riches que celles du Pérou & du Po• tofe. Des colonies commerciales & des fujets plus nombreux ? Les unes & les autres font inutiles; car le terrain, ne leur manque pas, & où le peuple peut vivre, la population doit augmenter. Ainft, tandis que leur propre conftitution les met: chez eux au deffus des deffeins ambitieux des individus, rien ne peut les engager à porter la guerre dans les pays éloignés. Il n'y a qu'une circonftance qui puiffe donner quelque allarme. Leur population progreffive a déjà atteint l'Ohio & même le Minifipi. En peu d'années elle ferrera les territoires Efpagnols de la Louifiane au Midi & au Nord celui du Mexique. Si un efprit d'aggrandiffement n'excite pas de querelles, tout ira bien. Mais s'il s'allume une guerre avec l'Efpagne, l'Amérique Efpagnole doit tomber & les Ifles Angloifes Occidentales ne pourront fe conferver, que par une flotte formidable, & des dépenfes fort fupérieures à ce qu'elles valent. Les colonies Angloifes du Nord n'exciteront ni deur jaloufie, ni leur envie. Ils jouiffent déjà de tout ce qu'ils peuvent defirer de ce côté

[ocr errors]
« PreviousContinue »