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nente. Cette propofition, qui a donné lieu aux ennemis de Spinofa de l'accufer de Pantheifme, eft expliquée & interprétée ici à fon avantage. Mais Herder entre dans des railonnemens métaphyfiques où nous nous difpenferons de le fuivre. Il préfente plufieurs obfervations importantes, concernant les idées qu'on s'eft formées de la durée, du tems de l'efpace, de l'étendue de la matiere, de l'éternité abfolue, de l'être incréé, en contrafte avec la durée fans fin des êtres créés. Le paffage fuivant pourra donner une idée de fa maniere de raifonner.

« Comment Dieu peut-il être transitoire ? Quand & à qui peut-il fe communiquer, ou fe transporter en lui? Un être créé n'eft rien fans lui. Ou comment celui qui n'occupe point de place & qui eft incapable de changement, peut il fe transférer d'un lieu en un autre ? Pouvons nous imaginer Dieu féparé du monde ? Comment cela eft-il poffib'e ? Où est la place fans création? La place, le tems, l'efpace, par lefquels nous mefurons & décrivons -les chofes n'exiftent que par lui; il eft Funiverfel ».

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Notre auteur cherche à éclaircir la diftinction entre l'éternité abfolue de Dieu & les exertions fans fin de fon pouvoir créateur. Spinofa rejette l'idée que les théologiens fcutenoient, & qui, par conféquent, faifoit partie de la foi orthodoxe, que l'Etre Suprême exifte de toute éternité, avant qu'aucune fubftance créée ne fût formée. contemplant & jouiffant de fes propres per

fections. Le philofophe foutient que l'énergie éternelle doit éternellement opérer; cela amene cette question: La création efl-elle éternelle avec fon auteur? Voici comme Théophron réfoud cette queftion.

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« Le pouvoir éternel de Dieu crée, atten du qu'il ne fauroit être inactif; mais aucune créature n'est éternelle comme Dieu; car fon existence est un effet, & a de commun avec les autres créatures fa commensuration par le tems & les principes de changement qui font en elle. Une production perpétuelle de mondes ne peut pas être éternelle, puifqué c'eft une production. La mefure peut être fans bornes; malgré cela, il y a une mefure dans notre conception, &c.

Herder préfente une explication moins judicieufe d'une propofition de notre prétendu athée, favoir que l'étendue eft une propriété de la divinité. Mais les raisonnemens font trop ferrés pour être abrégés.

Dans le ze. dialogue, l'auteur traite des loix de la nature, & des principes immuables fur lefquels elles font établies. Il y difcute fort au long les queftions de la liberté & de la néceffité, difculpe Spinola de l'imputation de fatalifme dans le fens odieux de ce terme, & le repréfente comme n'ayant point d'autre idée de la néceflite que celle qui eft comprise dans ces expreflions: La Jageffe infinie ne peut pas errer. Il fait voir que Spinofa défapprouve dans fes écrits la notion que la nature non intelligente puiffe être Dieu, & avance que la Divinité

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eft la fource intariffable de toute penfée, que fon énergie irrefiftible eft néceffairement dirigée vers les plans les plus fages, qu'elle arrange, qu'elle ordonne toutes cho fes par des oix innées, imprimées fur chaque partie de la nature & produifant un bien infini.

Le 4e. dialogue contient une critique des remarques que Leffing & d'autres auteurs ont faites fur les ouvrages de Spinofa, & indique les exemples où ils penchent vers fes doctrines, ainfi que ceux où ils l'ont mal entendu.

Le se. & dernier préfente une vue fommaire des fujets traités dans les dialogues précédens. L'auteur défigne les articles fondamentaux d'un fyftême qui peut s'établir fur les principes de Spinofa, de la maniere qu'il eft à fuppofer qu'il l'auroit conftruit lui-même, s'il avoit vécu de nos jours, moins entachés du jargon fcholaftique, & s'il eût eu les connoiffances que nous avons actuellement, des forces & de la puiffance de la nature. Ces vues fommaires font exprimées dans les aphorifmes fuivans:

« I. Le don le plus important, fait par la premiere caufe exiftante aux êtres créés, eft celui de l'existence ».

« L'existence des êtres créés eft fujette aux loix que voici: 1o. la loi qui concerne leur duréé & la faculté de continuer à exifter; 2o. leur union avec d'autres fubftances qui ont une re lation avec eux, & leur oppofition avec ceux

qui fe trouvent dans un état contraire ; 3o. leur diffolution, leur changement en d'autres fub. ftances ».

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« II. La Divinité dans laquelle feule réfide une énergie réelle que nous appellons puiffance, fageffe, bonté, ne peut rien produire qui ne porre l'empreinte vivante de ces mêmes attributs ».

« Conféquemment à cette maxime, on nie l'existence du mal abfolu. Ce que nous nommens mal, nous paroit tel, parce qu'il contient un dégré proportionnellement inférieur de perfection, à caufe de la trop grande action d'une puiffance, ou de fon infuffifance, qui en. gendrent un excès, ou un défaut, qui font enfuite équilibrés par d'autres puiffances ».

<< III. Toutes les puiffances de la nature agiffent par le moyen de l'organisation. Cette organisation n'eft rien autre chose qu'un fyfte me de forces vivantes, qui agiffent conformé ment aux regles éternelles de fageffe, de bonté & d'excellence de la Puiffance-Suprême ».

« IV. Les loix d'après lefquelles elles agif fent, ces forces vivantes, font la propriété, ou la force intrinfeque de chaque être, fon union avec fes analogues, fa féparation de fes oppolés, ou contraires, fes changemens intérieurs & fa converfion en d'autres substances ».

« V. Il n'y a pas de mort dans la création : tout eft changement conformément aux loix les plus fages & les meilleures de la néceffité d'après lefquelles, dans l'empire de la mutabilité, toute puiffance est toujours nouvelle, toujours active, & changeant perpétuellement fa nature organifée par des altérations & des répulsions, des fympathies & des apathies ».

«VI. Il n'y a pas de repos dans la créa tion. Une parfaite inertie feroit la mort. Toute puiffance vivante opere & eft produc

tive. Mais dans chaque production, elle continue d'agir & de tendre vers la perfection, felon les loix internes & éternelles de la fa-t geffe & de la bonté empreintes fur elle, & qui exiftent en elle ».

VII. Plus cette puiffance marche vers la perfection, plus elle opere fur d'autres corps, en étend les limites, les organife & releve en eux: l'image de la bonté & de la beauté qu'ils poffedent. Cette loi néceffaire s'étend fur toute la nature; de forte que l'ordre fort du chaos, & de l'exertion fufpendue naît une nouvelle vigueur. L'ac tion de cette loi eft fans rémission ».

«VIII. Dans le royaume de Dieu, il n'exifte point de mal en réalité, tout le mal y eft une non entité. Nous appellons le défaut, l'oppofition, ou l'excès du mal, mais ils ne méritent pas ce nom ».

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IX. Comme ces défauts font en mefure, de l'existence dans le tems, l'espace & dans le royaume de Dieu, où il y a toute exiftence poffible, & où les loix de l'oppofition doi-, vent auffi exifter, le plus grand bien de ce royaume exige que ces loix d'oppofition, ou de contrariété agiffent mutuellement les unes fur les autres. Par ce moyen, chaque partie de l'existence continue à être remplie de bonté & d'excellence ».

«X. Les imperfections des humains fant auffi avantageufes à l'ame difcernante. Il faut. les confidérer comme des fautes; elles doivent difpofer à commu: iquer plus de lumieres, & à feconder la recherche de la bonté & de la vérité ».

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Nous craignons, & fans doute à jufte titre, que, quelque foin que nous ayons pris dans cette analyfe, d'exprimer le vrai Lens de l'auteur, nous ne foyons pas encore

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