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les fur fa plume, décrit la monarchie, la démocratie & l'ariftocratie d'après leur nature & accumule des preuves en faveur de fa monarchie limitée; preuves qui feroient de quelque poids, s'il étoit poffible en ef

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fet de la retenir dans les limites. Mais l'anonyme ne croit pas plus que nous à cette poflibilité, puifqu'il avoue que tout le monde & en tout tems a cherché le bonheur fans le trouver, & que c'eft envain qu'on indique aux fouverains les moyens de le faifir fur le trône, & aux fujets d'en jouir dans la folitude. Cet ouvrage eft terminé par le tableau que le feigneur trace du caractere & du coeur du feu roi, tableau dont l'auteur a bien l'air de n'avoir trouvé le modele que dans fon imagination.

ALCIBIADE, orné de planches en tailledouce. 4 parties. A Athênes & fe trouve à Paris, chez Buiffon, libraire, hôtel de Coëtlofquet, rue Haute-Feuille, No. 20. 1789.

E tous les caracteres tracés par les

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Dhiftoriens de l'antiquité, Alcibiade eft fans contredit le plus original & le plus féduifant. Mais convenons que l'un de fes plus beaux droits à la célébrité eft d'avoir eu Socrate pour maître, & Plutarque pour historien.

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Socrate & Plutarque! Il eft impoffible à un homme de lettres de prononcer ces deux noms fans s'y arrêter avec le plus touchant intérêt. Eft-il un objet plus fublime que la mort du premier? Je ne connois rien de plus grand dans la nature. La vertu qui fouffre la peine du crime qui en mourant n'a pour elle même que Dieu & quelques amis qui l'entourent, qui cependant pardonne, à la haine, &, de l'enceinte obfcure de la prifon où elle meurt, tourne avec tranquillité fes regards vers le ciel, qui, prête à abandonner les hommes, employe encore les derniers momens à les inftruire, qui enfin, au moment où elle n'eft plus, répand un jour fi terrible, que, c'eft le crime qui l'a condamné qui paroîtra malheureux & non pas elle; quelle fcene augufte & majeftueufe! Suivons Socrate de l'oeil, à fon dernier moment, ne perdons pas un de les mouvemens, pas un de fes difcours. Voyons-le, quand on lui amene les deux enfans; quand il donne Les derniers ordres pour fa maison; quand Les amis mefurent avec effroi la courfe du soleil, qui bientôt va fe cacher derriere les montagnes; quand la coupe fatale arrive; loríqu'avant de la prendre fait fa priere au ciel, pour demander un heureux voyage; l'inftant où il boit, & la douceur tranquille avec laquelle il blame fes amis qui pleurent; & fa derniere

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il

parole, & fon dernier, fon éternel filence. L'héroïlme de la mort de Socrate prouvecelui de fa vie. C'eft le triomphe de la philofophie, O Alcibiade! As-tu fouvent remercié les dieux d'avoir été le difciple de ce grand homme?

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Qui ne connoît point, qui n'a pas dévoré le livre des hommes illuftres du philofophe de Chéropée ? C'est là que toute l'antiquité fe trouve. Là, chaque homme paroît tour-à-tour avec fon génie, & les talens, ou les vertus qui ont influé fur le fort des peuples. Plutarque converse avec fon lecteur; il eft le Montaigne des Grecs. Il attache & intéreffe comme lui, fans paroître s'en occuper. Son grand art furtout eft de faire connoître les hommes par les petits détails. Il ne fait donc point de ces portraits brillants, dont Sallufte, le premier, donna des modeles, & que le cardinal de Retz, par fes mémoires, mit fi fort à la mode parmi nous; il peint en action. On croit voir fes perfonnages agir & converfer. Toutes les figures font vraies & ont les proportions exactes de la nature. Enfin, un efprit élevé, un jugement fain, une connoiffance profonde du cœur, une étude réfléchie de nos devoirs, une érudition riche & variée, une morale auffi exacte que les tenebres du paganifme pouvoient le permettre, & fouvent plus pure que celle de nos moraliftes modernes tels font les qua

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lités précieuses qui affurent à Plutarque P'honneur d'être regardé comme l'un des plus fenfés & des plus judicieux écrivains de fon tems; & voilà l'hiftorien d'Alcibiade.

Je ne fuis point étonné qu'un auteur moderne fe foit emparé de toute la gloire & de toute la renommée du fils de Clinias. Le fujet eft fi vafte, & on trouve de fi riches matériaux! Il a divifé fon ouvrage en quatre parties diftinctes. Alcibiade enfant, Alcibiade jeune homme, Alcibiade homme fait, Alcibiade vieillard. Cette manicre de procéder eft nette & facile.

Les quatre époques de la vie du plus aimable des Athéniens font marquées aux yeux du lecteur le moins attentif, & il en réfulte l'avantage que la frivolité qui n'aime point à tenir un fil, trouve le plaifir fans recherche. Sa marche d'ailleurs eft neuve. La forme dramatique qu'il a imaginée donne à lon travail le piquant de l'intérêt & lui fournit des contraftes heureux. C'eft une espece d'action, dont les perfonnages font en fèène, parlent & agiflent fuivant leur caractere & leurs mœurs. Partout on diftingue les faillies d'une imagination vive & brillante, les tours ingénieux dont il fait orner la morale, le fel dont il affaiffonne les fujets les plus importans, l'élégance du ftyle', les graces de l'efprit, la fineffe des plaifante

ries.

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Il paroît avoir puifé l'art du dialogue dans Lucien , qui lui-même l'avoit puifé dans Platon; mais chez Platon, les questions & les réponses font trop courtes, trop féches, & trop uniformes, fes acteurs argumentent & difputent fouvent avec plus de fubtilité que d'agrément : chez Lucien, les converfations font plus vives & plus enjouées. Il est vrai que les fujets que Platon a traités ne lui permettoient gueres d'égayer d'avantage fes dialogues: ceux de Lucien, au contraire, roulent fur les fictions les plus riantes que l'imagination des poëtes ait inventées. Cette matiere eft bien plus agréable & plus fufceptible d'embelliffemens, que les idées creufes & abftraites de l'école. Lucien, fin & railleur, employe pour relever l'ignorance & le galimathias des fophiftes de fon tems, un badinage méchant & un perfifflage cruel. Son imagination eft libre & quelquefois bouffonne; les dialogues font de véritables comédies. Il y introduit les dieux & les hommes, les vivans & les morts, les philofophes & les courtisannes; fouvent même il fait parler des êtres allégoriques. Ce nombre prodigieux d'acteurs de toute efpece donne la vie à fon théâtre, & attache le fpectateur.

L'auteur d'Alcibiade a fu éviter les défauts juftement reprochés aux dialogues de Platon & marcher fur les traces du rhéteur

de Samofates Eft-il poffible de ne pas fou

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