mes capables de les tromper, de l'autre entre celles d'hommes peu inftruits portés à les égarer. Le fanatilme des prétres & l'enthoufiafme n'auroient alors plus de bor

nes.

Telles font les confidérations générales par lefquelles Lætitia Barbaud defend fupérieurement fa cause. Elle n'eft pas moins convainquante dans les deux paffages que nous allons tranfcrire de fon ouvrage.

« Obfervons enfuite, dit-elle dans le premier, que les fervices divins publics font des affemblées civiques. Le temple eft le feul lieu où des êtres humains de tout rang, de tout âge & de tout fexe fe réuniffent pour un objet commun & fe joignent dans un acte commun. Les autres affemblées font politiques ou d'apparat & d'amusement. La maffe des habitans eft néceffairement exclue des unes & des autres. Il 'y a que ce lieu feul, où il fuffit d'être de la même espece pour y avoir entrée; le feul lieu où les hommes rencontrent des hommes non-feulement comme leurs égaux, ainfi qu'il a été dir plus haut, mais encore comme freres, & où chacun contemplant les devoirs peut apprécier fes droits. L'efprit de l'ariftocratie eft fi hautain & fi fuperbe, & l'orgueil toujours croiffant des claffes privilégiées eft tel qu'il y auroit à craindre que fi les hom. mes ne fe réuniffoient pas dans ce même lieu, on ne put leur faire croire qu'ils font deftinés au même féjour après cette vie. Il eft. donc de l'intérêt de la caufe de la liberté auffi bien que de l'intérêt de la vertu, qu'il y ait un lieu où les diftinctions odieufes des richeffes & des titres ne foient pas admifes, où tous les hommes foient égaux, non pas en

enorgueilliffant les petits, mais en rendant plus humbles les grands. Combien y a-t-il d'hommes qui ne poffédent pas la plus petite propriété fur cette terre ? Combien d'autres qui par l'efprit d'envahiffement, font circonfcrits & bornés par leurs voifins opulens jusqu'à ce qu'il ne refte pas un gazon verdoyant qui- ne foit poffédé par ceux-ci, & où les autres puiffent pofer leurs pieds pour admirer les beautés de la nature " ou quelque coin de rocher aride où ils puiffent refpirer l'air frais fans commettre un délit ? Les jouiffances de la vie font pour d'autres, le travail qui les procure eft pour eux. Ils entendent parler de ceux de leur claffe collectivement comme de machines qu'à la vérité il faut entretenir, mais dont le feul usage eft d'opérer la félicité des riches. Où ceux ci apprendront-ils qu'ils font de la même espece, fi ce n'eft dans les tem. ples? Ils y apprennent, & fi c'étoit pour la premiere fois, ce feroit avec un étonnement infini , que tous les affiftans font également ignorans & ont également befoin d'être inf truits; que tous font également pécheurs & ont befoin de pardon; qu'ils font tous liés par les mêmes devoirs & animés par les mêmes espérances. Dans le commerce du monde le pauvre eft vu, mais non pas remarqué; il peut être en présence de fes fupérieure, mais il n'eft pas de leur compagnie. Dans tout autre endroit il y auroit de la préfomption à lui de mêler fa voix aux leurs ; & ici feulement elles font élevées toutes enfemble & confondues dans un choeur de louanges. Par tout ailleurs il feroit offenfant de fa part de fe trouver près d'eux, fans témoigner pas fon attitude & fes manieres qu'il a la confcience de fon infériorité. Mais ici il voit que les riches fe profternent auffi humblement que No. X. Tom. III. 10 Avril 1793. H

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lui, & entend qu'on s'adreffe à fui comme à eux dans cette fimplicité majeftueufe de langage qui ne connoît point l'adulation. Ici le pauvre eft convaincu qu'en dépit de la diftinc tion des rangs & de l'infériorité apparente de fa condition, tout ce qu'il y a de vérita blement bon dans la vie, tour ce que les hommes en présence de leur créateur ofent folliciter, une ame pure, un corps fain, le pain de chaque jour, font à la portée de fes defirs & de fes efforts, & que dans l'im menfe héritage à venir, fes droits, & fes prétentions ne lont pas plus bornés que les leurs, A genou il s'éleve & fe fent homme. It devient philofophe fans orgueil. Il prend l'efprit de liberté fans fa turbulence. Chaque fois que le fervice divin fe célebre, il renferme une déclaration virtuelle des droits de l'homme ».

L'autre paffage regarde les réformes à faire dans le fervice divin, pour qu'il produife de vives impreffions fur les ames chrétiennes.

«Sì l'on veut donner, dit Iætitia Barbauld, au fervice divin toute la grace & l'efficacité dont il eft fufceptible, il faut y faire bien des changemens. Mais parmi ces réformes il est néceffaire, comme dans tout autre cas, de fe livrer aux plus preffantes. On pourroit en opérer beaucoup avec du jugement, du goût, un efprit de piéré réunis enfemble pour perfectionner nos affemblées religieufes. S'il naiffoit parmi nous un génie propre à rem plir cette tâche, & dans des circonstances qui le fiffent écouter, fes premieres remarques porterorent probablement d'abord fur la conftruction de nos temples dont une grande partie eft fi mal adaptée aux objets de l'ouie & de la vue. Il défapprouveroit ces petites cellules fombres, folitaires, imaginées par l'ef

prit ariftocratique, qui défigurent l'édifice aux yeux du goût auffi bien qu'à ceux de la bienveillance, qui en isolant des familles pas des clôtures particulieres, favorisent à la fois l'orgueil & l'indolente pareffe. Il feroit choix pour ces édifices d'une forme qui tiendroit en quelque façon des amphithéâtres, où le miniftre placé fur une platte forme élevée verroit facilement tout le corps du Peuple af femblé le courber enfemble dans une profonde humiliation, on élever les mains avec d'ar dentes prieres. Il feroit affurément bien à defirer que le peuple eût enfemble une grande part à la célébration du fervice. La réunion de leurs voix produiroit plus de variété, plus d'émulation pourvu toutefois qu'il fucpris un foin convenable pour des inftruire dans le chant, afin qu'ils fuffent mis en état de faire leur partie avec décence & fans cacophonie. Il faut l'avouer, nous ne voyons gueres d'exemples de ce concert harmonieux parmi ceux qui dans le fervice divin jouiffent des avantages des répons. L'art de chanter tels hymnes ou collectes qu'on jugeroit convenir, en y faifant leur partie conftitueroit une branche agréable & utile d'inftruction pour les jeunes gens, & pour ceux des claffes infé rieures. Par là on leur infpireroit de l'intérêt pour le service public, on rempliroit agréa blement quelques heures les dimanches un autre jour de loifit, principalement fron les inftruifoit à chanter régulierement le même objet #19

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Si l'auteur avoit été à même d'affifter au fervice public des Luthériens en Allemagne, elle auroit été pénétrée d'un faint embrâfement en entendant le chant hatinonieux de toute l'affemblée. Leurs canti

ques exécutés en quatre parties avec ac compagnement de l'orgue font un effet raviffant. On peut affurer, qu'à moins d'être de marbre, il feroit impoffible même à un Athée de n'être pas rempli d'enthou falme, en entendant une affemblée nombreuse faire d'une voix unanime fa profeffion de foi & s'écrier chacun pour tous & tous pour chacun, Nous croyons en Dieu, le pere. &c.

« Comme nous ne les avons jamais vues, pourfuit notre auteur nous ne pouvons con cevoir facilement les impreffions que les voix réunies d'une congrégation entiere, exprimant les mêmes fentimens avec chaleur, feroient fur l'ame. Nous nous appercevrions alors que nous ferions la même chofe, dans le même lieu, mais encore que nous le ferions d'un commun accord. Le profond filence d'une courte fufpenfion, l'élan des louanges réu nies, ces pauses folemnelles qui invitent à la reflexion, ces modulations variées d'humi liation, de gratitude de perfuafion enfleroient tour à tour & fondroient les cœurs. Il n'y auroit plus non plus de raison d'être fur fes gardes pour ne pas laiffer divaguer l'œil, lorsque chaque objet fur lequel il fe porteroit, lui rappelleroit, forcément ce qu'exige le lieu où il fe trouve. I feroit peut êtres poffible que l'on jugeât avantageux de séparer le culte de l'inftruction, le favant prédicateur, du chef de la dévotion publique. Dans ceJui-ci on préféreroit peut être la voix & les Talens populaires à des connoiffances critiques & profondes dans les doctrines théologiques. Il réfulteroit au moins une conféquence de cette féparation; l'inftruction feroit répandue,