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s'en étant répandu, le prince d'Isenghien ', et quelques autres seigneurs, parents du comte de Horn, sollicitèrent en sa faveur auprès de M. le duc d'Orléans, qui fut inexorable et voulut que justice exemplaire en fût faite, d'autant plus que le comte de Horn se trouva convaincu d'avoir lui-même assassiné l'un des deux agioteurs de onze coups de baïonnette, arme qu'il avait achetée quelques jours auparavant sur le pont Neuf; après cette action il se jeta par la fenêtre du cabaret, sous prétexte qu'il se sauvait de la sorte pour éviter d'être assassiné, et courut chez un commissaire pour lui en porter sa plainte contre. des inconnus et qu'il signa; et en sortant de la maison du commissaire il fut arrêté et conduit au Châtelet avec le comte de Milly.

Le prince d'Isenghien voyant M. le duc d'Orléans inaccessible, dépêcha en diligence un courrier à Vienne en Autriche, afin que l'Empereur put obtenir de M. le Régent la commutation de la peine en une prison perpétuelle, mais tout fut inutile.

Le 26, qui était le jour du mardi de la semaine sainte, le comte de Horn et le comte de Milly furent exécutés et rompus vifs sur un échafaud dressé en la place de Grève; le premier expira cinq quarts d'heure après avoir reçu les coups, et le dernier seulement un quart d'heure après.

M. le duc d'Orléans, pour fermer la bouche aux personnes de premier rang qui l'avaient sollicité en faveur du comte de Horn, leur dit : « Je sais qu'il m'est parent par madame ma mère, mais il mérite la mort pour ses crimes énormes; je l'abandonne à la justice. » Puis il

Saint-Simon, dans ses Mémoires, parle d'un M. d'Isenghien qui fut marié trois fois : 1° à la fille du prince de Furstemberg; 2° à mademoiselle de Rhodes; 3° à mademoiselle de Monaco, sœur de mademoiselle de Valentinois.

Barbier, dans son Journal, t. II, parle d'un prince d'Isenghien qui fut nommé maréchal de France en 1741.

s'enferma sans vouloir parler à personne jusqu'après

l'exécution.

Les commis de la poste assuraient que depuis cette exécution on y avait reçu plus de huit mille lettres de Bruxelles et de plusieurs autres lieux des Pays-Bas, adressées à des princes, princesses, seigneurs et dames de la cour de France, pour les engager à s'employer auprès du Roi et de M. le Régent en faveur de cet infortuné comte de Horn, afin d'épargner cette note d'infamie à sa maison, qui est alliée à toutes celles qui sont les plus distinguées dans l'Europe et même aux têtes couronnées.

On prétendait alors que ces deux infortunés seigneurs s'étaient associés avec un grand nombre de scélérats et de coupe-jarrets que l'on accusait d'avoir assassiné et coupé par morceaux un valet de chambre du comte Busca, et plusieurs autres particuliers.

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La nuit du 26 au 27, le guet trouva, proche les murs du Temple, un carrosse de louage à demi versé, sans chevaux et sans cocher, dans lequel il y avait un sac rempli du corps d'une femme coupé par morceaux, que l'on disait avoir été assassinée après lui avoir enlevé pour la valeur de trois cent mille livres de papiers de la Banque. La veille de Pâques, le Roi se confessa à M. l'évêque de Clermont, à cause de la maladie de M. l'abbé Fleury. Voici une copie de la lettre que le comte de Horn', frère de l'infortuné défunt, écrivit à M. le duc d'Orléans :

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« Je ne me plains pas, Monseigneur, de la mort de mon frère; il avait commis des crimes si horribles qu'il n'y avait pas de punition qu'il ne méritât; mais je me plains que Votre Altesse Royale ait violé en sa personne les droits du royaume, de la noblesse et de la nation. Je vous remercie de la confiscation de ses biens que vous avez bien voulu

Le frère du comte de Horn portait le titre de prince de Horn.

me faire adjuger. Je me croirais aussi infàme que lui si je recevais jamais aucune grâce de vous. J'espère que Dieu et le Roi vous rendront un jour une justice aussi exacte que vous l'avez rendue à mon malheureux frère 1. »

- Le 20, les sieurs Pâris, tous quatre frères, furent disgraciés et relégués en Dauphiné, leur patrie; ils sont fils d'un cabaretier établi dans un village à deux lieues de Grenoble. On prétendait qu'au lieu d'une somme de six cent mille livres qu'ils avaient eu permission d'envoyer en Lorraine pour y payer quelques dettes qu'ils y avaient contractées, ainsi qu'ils avaient fait entendre à M. le garde des sceaux, ils avaient fait partir une somme de sept millions pour y acheter plusieurs terres ou seigneuries; dont M. le garde des sceaux ayant en avis, on avait envoyé en diligence après les voitures, qui furent amenées et déchargées à la Banque; et en même temps on alla chez les sieurs Pâris, où il se trouva encore, disait-on, une pareille somme de sept millions, qui fut aussi confisquée au profit de la Compagnie des Indes.

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M. le comte de Stairs, ambassadeur d'Angleterre, ayant déclaré à M. le duc d'Orléans que le Parlement d'Angleterre ne voulait pas consentir à la restitution de Gibraltar et de Port-Mahon en faveur de l'Espagne, Son Altesse Royale avait aussitôt donné ordre de réparer les fortifications de Calais, de Gravelines et de Mardick.

Comme le roi d'Espagne avait fait discontinuer les fortifications de Valence et d'autres places, la levée de troupes et la construction de vaisseaux, Sa Majesté Catholique fit aussi défendre toutes hostilités, et sur cet avis, M. le duc d'Orléans envoya de son côté ordre de discontinuer aussi la démolition de Fontarabie et de SaintSébastien.

1 Lemontey, dans son Histoire de la Régence, prétend que cette lettre est apocryphe.

- On agita de nouveau dans le conseil de la régence la suppression des charges des parlements du royaume et des autres tribunaux de judicature, afin de les faire ensuite exercer par commission et de les rendre amovibles; sur quoi M. le duc de Bourbon et M. le prince de Conti ayant soutenu que la proposition du contrôleur général des finances n'était nullement recevable, la question fut remise à une autre fois.

- On publia un arrêt du conseil d'État, rendu le 13, qui ordonnait que pour conserver dans le royaume l'abondance de blés que la récolte de 1719 et des années précédentes y avaient mise pour le bien public, il serait payé pour les blés qui sortiraient du royaume, par mer ou par terre, le triple des droits établis par les tarifs, arrêts et règlements, sous peine de confiscation et d'amende arbitraire, et que pour faciliter l'entrée des bestiaux dans le royaume et leur passage d'une province à une autre, et pour en diminuer le prix et même aux entrées dans la ville et dans les faubourgs de Paris et dans les autres villes où il se lève des droits au profit du Roi sur le pied fourché, il ne serait levé que le tiers desdits droits accoutumés, avec défense aux commis d'en percevoir plus que le tiers sur lesdits bestiaux, à peine de concussion et de dix mille livres d'amende; et ce à commencer du jour de la publication de cet arrêt jusqu'au dernier jour d'avril prochain.

Le 20, on publia aussi une ordonnance du Roi qui enjoignait aux pauvres mendiants valides de ne plus mendier publiquement et de s'appliquer plutôt aux ouvrages publics et particuliers, à peine d'être pris et envoyés dans les colonies françaises; et aux estropiés ou invalides de se retirer dans les hôpitaux des lieux de leur naissance ou domicile, avec défense à ceux qui logent en chambre garnie ou à la semaine, de leur donner retraite, comme à des gens sans aveu et vagabonds, à peine d'amende.

— Le 21, autre arrêt du conseil d'État qui prorogeait le cours des espèces d'or jusqu'au premier jour d'avril suivant. On publia aussi une déclaration du Roi, rendue le 11o de ce mois, qui ordonnait le cours des espèces d'or, défendait de garder des matières d'or ou d'argent, et réduisait les louis d'or, etc.

CHANSON.

De la Banque, à Paris, l'on admire sans cesse
La beauté.

Mais tous ces monuments causent de nos espèces
La rareté;

Et j'ai de voir la fin de toutes ces finesses
La curiosité.

AUTRE,

Sur l'air : RÉVEILLEZ-VOUS, belle endoRMIE.

Grand Law, tu devais bien attendre

A différer ta conversion,

Au jour où l'on devait te pendre,
Pour imiter le bon larron.
Foin de ton zèle séraphique,
Malheureux abbé de Tencin :
Depuis que Law est catholique,
Tout le royaune est capucin 1.

- La Compagnie des Indes fit alors acheter douze vaisseaux à Saint-Malo, pour servir à son commerce. - Le 22 mars, le père Sébastien 2, religieux carme du

C'est-à-dire est réduit à la mendicité : les Capucins étaient l'un des quatre ordres mendiants.

Jean Truchet, dit le Père Sébastien, né à Lyon en 1657, mort le 5 février 1729; plein d'habileté dans la mécanique et l'hydraulique, il inventa une machine appelée diable, que l'on emploie pour transporter les plus gros arbres sans les endommager.

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