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Le 27, on fit partir six cents jeunes gens des deux sexes tirés des hôpitaux de Paris, et on leur fit prendre le chemin de Rouen pour y être embarqués jusqu'à la Rochelle, et de là être transportés au Mississipi. Les garçons marchaient à pied enchaînés deux à deux, et les filles étaient dans des charrettes. Cette troupe était suivie de huit carrosses remplis de jeunes gens bien vêtus, dont quelques-uns étaient galonnés d'or et d'argent. Et tous étaient escortés par une trentaine d'archers bien

armés.

Le même jour, madame la princesse de Modène, après avoir essuyé la rougeole, se trouva avec une grosse fièvre que l'on disait maligne; son départ était pourtant fixé au 15 de mars.

- M. le duc de Chartres et mademoiselle de Beaujolais ou de Montpensier furent aussi fort malades en même temps de la fièvre et de la rougeole.

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Ce fut pour cette raison que le conseil de Régence ne s'était pas tenu le 25, aux Tuileries, en présence du Roi, de crainte que Sa Majesté ne contractât le mauvais air du Palais-Royal, si M. le Régent avait paru au palais des Tuileries.

- Comme le roi d'Espagne avait consenti aux articles du traité de la quadruple alliance conclu à Londres et à La Haye en 1717 et en 1718, et comme il ne restait que quelques points peu importants à régler pour la conclusion de la paix avec Sa Majesté Catholique, que l'on regardait comme faite, la plupart des officiers commencèrent alors à se défaire de leurs équipages; on ne fit même marcher en Navarre et en Roussillon que les recrues nécessaires pour rétablir les régiments qui devaient y rester en garnison. Les troupes qui avaient passé l'hiver en Alsace et dans la Franche-Comté eurent ordre d'y rester pour aller en Catalogne, où elles étaient destinées.

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M. l'archevêque de Rouen et les évêques de Bayonne et de Clermont furent nommés commissaires pour assister aux conférences qui se tenaient depuis quelque temps au Palais-Royal, en présence de M. le Régent et de M. le cardinal de Rohan, alternativement, où se trouvaient plusieurs prélats et plusieurs docteurs en théologie des deux partis, parmi lesquels se trouvait M. de Targny, afin de pouvoir accommoder et terminer l'affaire de la constitution Unigenitus, qui durait depuis tant d'années.

- On assurait alors que l'archevêché de Cambrai était réservé pour M. l'abbé Dubois, secrétaire d'État, et que l'on n'attendait que le retour d'un courrier dépêché à Rome, avec la permission et l'agrément du Pape, pour que cet abbé fut admis à l'ordre de la prêtrise, pour être en état de remplir dignement ce siége archiepiscopal, qui a le titre de duc et de prince de l'Empire et qui rapporte quarante mille écus par an.

Le 1er jour de mars 1720, on surprit au lit le sieur Perrinet, l'un des directeurs de la Banque et de la Compagnie des Indes, ci-devant fermier général, et plusieurs des principaux commis de la Banque, accusés de malversations, et on les conduisit au For-l'Évêque.

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Le 29 du mois passé, on publia un arrêt du conseil d'État, rendu le 27, qui ordonnait qu'en exécution de celui du 25 1° qu'aucune personne, 'de quelque état et condition qu'elle fût, même aucune communauté ecclésiastique séculière ou régulière, ne pourrait garder plus de cinq cents livres en espèces, à peine de confiscation de ce qui serait trouvé d'excédant, et de dix mille livres d'amende; à l'exception néanmoins des trésoriers de Sa Majesté et des entrepreneurs de manufactures et d'autres commerçants qui pourraient en avoir une plus grande

1 Armand Bazin de Bezons, ancien archevêque de Bordeaux. • André Dreuillet.

quantité, suivant les permissions par écrit qui leur en devaient être accordées par le contrôleur général des finances à Paris, et dans les provinces par les intendants et commissaires départis; 2° il était fait défense sous les mêmes peines à toutes personnes sans exception et auxdites communautés ecclésiatiques d'avoir en leur possession aucune matière d'or et d'argent, à la réserve des marchands, orfévres et joailliers et autres dont la profession est d'employer lesdites matières, qui en pourraient avoir la quantité qui serait réglée par les permissions qui devaient leur être accordées par écrit; 3° il était enjoint à tous officiers de justice, sur la réquisition des directeurs de la Compagnie des Indes ou de leurs préposés, de se transporter dans les maisons, communautés ecclésiastiques séculières et régulières, lieux privilégiés et non privilégiés, sans exception même dans les palais et maisons royales, pour y faire des visites, saisir et confisquer ce qui se serait trouvé d'espèces au-dessus de cinq cents livres et de matières d'or et d'argent au delà de ce qui aurait été permis de garder, dont la confiscation en entier devait être aux dénonciateurs; '4° il était fait défense à toute personne de faire aucun payement de cent livres et audessus, autrement qu'en billets de banque, à peine de trois mille livres d'amende; le tout à commencer au premier jour de mars de ladite année 1720 pour Paris, et au 15 du même mois pour la province.

-Le 29 du mois précédent, on publia à son de trompe et à cri public, dans tous les carrefours ordinaires de cette ville de Paris, une ordonnance du Roi par laquelle il était dit qu'en conséquence de l'article 3o du traité conclu à La Haye le 4 de janvier 1717, entre Sa Majesté, le roi de la Grande-Bretagne et les États Généraux des Provinces-Unies, et du 4 article du traité conclu à Londres le 2 août 1718 entre Sa Majesté, l'Empereur et le roi d'Angleterre, pa 1 lesquels articles il était porté que le Roi ne donnerait

aucun asile dans son royaume à aucun des sujets des puissances contractantes qui auraient été déclarés rebelles, et que Sa Majesté les ferait sortir des terres de son obéissance dans l'espace de huit jours, après que la réquisition en aurait été faite. Sur quoi il fut fait alors de très-expresses défenses à tous ceux des sujets de l'Empereur, du roi d'Angleterre et des États Généraux qui étaient ou qui. seraient à l'avenir déclarés rebelles, d'entrer ni de séjourner dans son royaume de France, et leur fut enjoint d'en sortir dans l'espace de huit jours pour tout délai; le tout à peine d'être arrêtés et punis comme désobéissants aux ordres de Sa Majesté. On voulait que ce qui avait donné lieu à cette ordonnance provint de ce que M. Law avait fait distribuer une somme de cent mille écus à un grand nombre d'Écossais qui étaient à Paris depuis quelque temps, pour les empêcher de mourir de faim. Sur quoi le comte de Stairs fit de grandes plaintes à M. le duc d'Orléans, comme si ce prince l'eût ordonné au sieur Law, afin d'entretenir ces Écossais dans leur rébellion contre le roi d'Angleterre en faveur du Prétendant, qui était retourné à Rome, après son voyage d'Espagne qui ne lui avait pas réussi, et qui, peu après son arrivée à Rome, avait épousé la princesse Sobieska, et était reconnu par le Pape et par tous les cardinaux du sacré college comme roi de la Grande-Bretagne, sous le nom de Jacques III.

coup

Le dimanche 3o de mars, on prétendait qu'à la sortie du conseil de Régence M. le duc d'Orléans avait dit à M. le duc de Bourbon : « Il semble, Monsieur, que vous preniez plaisir à détruire en un moment ce que nous avons beaude peine à établir en plusieurs jours. Est-ce prendre les intérêts de l'État de la manière que vous en agissez? N'est-ce pas vouloir essayer de tarir la Banque en tirant de la Banque jusqu'à vingt-cinq millions, comme vous avez fait depuis quatre jours, et M. le prince de Conti qui en a tiré en même temps quatorze millions? Que voulez-vous

faire l'un et l'autre d'une si grande quantité d'argent? Il semble que vous agissiez tous deux de concert pour me traverser dans tout ce que je crois faire de mieux pour le service du Roi et pour le bien de l'État. Est-ce là se conformer à la dernière ordonnance du Roi, qui enjoint à tous ses sujets sans exception de n'avoir pas plus de cinq cents livres pour tout argent comptant? Ne savez-vous pas que la même ordonnance porte qu'il sera fait visite dans toutes les maisons sans aucune exception, pour voir si chacun s'y conforme? Ainsi, Monsieur, ne vous étonnez pas, ni vous ni M. le prince de Conti, si l'on nomme des commissaires pour aller chez vous faire la visite. » A quoi M. le duc de Bourbon répliqua : « Il est vrai, Monsieur, que j'ai tiré de la Banque vingt-cinq millions qui devaient me revenir, parce que j'aime beaucoup l'argent; on peut venir quand on voudra faire la visite en mon hôtel. » Quelques commissaires Y allèrent le lendemain et n'y découvrirent rien; on disait que leurs recherches n'avaient pas été exactes, ou plutôt on présumait qu'ils avaient reçu ordre de ne pas les faire avec soin, afin de faire voir au public que le duc de Bourbon n'en était pas exempt lui-même.

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On publia un arrêt du conseil d'État, rendu le 23 février, par lequel le Roi, informé du bon état de ses finances, ordonnait que les pensions et les gratifications ci-devant accordées par le feu Roi fussent employées sur les états qui devaient être arrêtés au conseil, sur le même pied qu'elles avaient été accordées sans aucune réduction du cinquième, ainsi qu'il avait été résolu par une déclaration du 30 janvier 1717, et par un édit du mois d'août de la même année, à commencer du premier jour de janvier de cette année 1720, à la réserve que le dixième en serait retenu par le Trésor royal.

M. l'abbé Dubois, secrétaire d'État, nommé à l'archevêché de Cambrai, alla quelques jours auparavant à Pontoise, qui est un vicariat du diocèse de Rouen, où le

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