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• Écriture qu'il expliquait avec zèle et pureté, mourut le 26 de ce mois, en la maison des Pères de l'Oratoire de la rue Saint-Honoré, où il avait obtenu de M. le duc d'Orléans la permission de se retirer, après avoir été exilé près de Sens, pour avoir persisté à ne vouloir point accepter la constitution Unigenitus. Il fut regretté de tous ceux qui connaissaient son rare mérite, sa piété, sa candeur et ses

autres vertus.

Requête des harangères de Paris au Roi.

Sire, les dames harangères,
Si chères à vos grands-pères,

Se prosternent à vos genoux
Dans ce jour pour elles si doux,
Pour vous témoigner par leurs larmes
Dans quelles affreuses alarmes
Pendant trois jours j'avons été,
En sachant Votre Majesté

Entreprise de maladie

Au péril de sa chère vie.

Jamais ne fut un tel tourment
Quand j'apprêmes soudainement
Une si terrible nouvelle;

Hélas! notre pauvre cervelle

En fut revirée à l'envers.
Les quatre coins de l'univers
Ont retenti de nos complaintes.
J'avons invoqué saints et saintes
Et Notre-Dame de Paris,
Ensuite monsieur saint Louis,
La bonne sainte Geneviève,
Qui fut plus raisonnable qu'Ève,

En n'écoutant aucunement
Les discours du malin serpent

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Qui, toujours furieux contre elle,
Ne put éteindre sa chandelle;
Et, partant elle a mérité,
De secourir cette cité.

Dès qu'on eut découvert sa châsse,
Maudite fièvre en eut la chasse,
Et cinquante gardes du corps,
Pénétrés d'un très-vif remords,
Y coururent en diligence
Pour pouvoir gagner l'indulgence
Et recevoir avec ferveur

Le corps de notre Rédempteur.
Ce qui parut tant exemplaire,
Que chacun ainsi voulut faire,
Afin que tous les gens de bien
Sauvassent le Roi Très-Chrétien.
Oh! que votre convalescence
Ressuscite notre espérance!
Jamais le plus long avenir
N'effacera le souvenir

De votre âme vraiment royale

De ce qui se fait à la halle,

Dans la rue et dans les maisons.

Tant de dévotes oraisons

Par notre prélat ordonnées,

Vous promettent longues années
Pendant lesquelles, Dieu aidant,
Votre peuple sera content.
Ce que je jugeons par vos livres,

Sur les fleuves qui portent vivres,
Et coulent si rapidement

Vers ce furieux élément

D'où je retirons les marées,
Tant les douces que les salées :

Ce qui nous annonce déjà

Que l'abondance régnera

Dans le royaume de la France,
Qui fait grande réjouissance,
Criant partout: Vive le Roi!
Et son gouverneur Villeroy!
Avec nous, madame la Seine,
De toutes les rivières la reine,
Vient se présenter en son rang,
Pour purifier votre sang

Et vous offrir, par ces prémices,
Cent trente grosses écrevisses

Qui valent trente écus au moins.
Nous avons donné tous nos soins
Pour qu'on porte sur votre table
Vendredi, jour très-vénérable

Et

pour nous jour si précieux, Un esturgeon très-monstrueux. Nos poissonneurs, avec leurs harpes, Nous font espérer une carpe

Que tous nos gens nous ont avoué,
Depuis le temps du bon Noé,

N'avoir fait si belle fortune
Sur l'empire du dieu Neptune.
Ainsi, vous aurez pour ce jour
Cette

carpe pour votre cour,
Pour les princes et les princesses,
Pour les ducs et pour les duchesses,
Pour les abbés et les prélats,

Pour les robins, pour les soldats,
Pour les gens de la pharmacie
Qui vous ont prolongé la vie;
Dont Molière, comédien,
Pour cette fois dirait du bien.
Sachez du moins, aimable Sire,
Qu'aucune de nous ne désire,
Pour si magnifique présent,
D'avoir de l'or ni de l'argent :

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Ni tous les dogmes de la grâce;
Mais je savons certainement

Que ces prêtres, à tout moment,
Nous rendaient mille bons offices
Sans attendre des écrevisses,

Non pas même un remerciement,
Pour l'amour de Dieu seulement.
D'Asfeld expliquait l'Écriture
De façon si claire et si pure,
Que les plus simples l'entendaient,
Et les plus méchants s'amendaient.
Il faut bien vendre des coquilles,
Pour pouvoir marier nos filles.
N'ayant plus là le franc Rollin,
Ni le célèbre Tabourin,
Qui formait dans le séminaire
Tant de clercs pour le sanctuaire,
Et faisait asseoir nos enfants
De la Sorbonne sur les bancs.
Bégon, frondant contre l'usure,
Faisait souvent, par aventure,
Que les richards, gratuitement,
Nous prêtaient même largement.

Qui ne sait par expérience

Combien les cas de conscience,
Décidés par un bon docteur

Tel que Lefèvre, ont de valeur?
Maillard, vicaire charitable,
Plus de cent fois quitta la table
Pour venir calmer nos maris

Quand par malheur ils étaient gris;
Ou, pour les empêcher de boire,
Je les menions à l'Oratoire,

Où Roger touchait tant leurs cœurs
Que souvent ils versaient des pleurs.
Je ne parlons point de cent autres
Qui vivent comme les apôtres,
Qui nous confessaient à ravir
Et nous aidaient à bien mourir,
Et je pouvons bien dire à vivre;
Car leur morale, qu'il faut suivre,
Nous faisait vendre nos merlans,
Nos goujons et nos éperlans;
Disons hautement, d'un ton aigre,
Que tout chrétien doit faire maigre,
A moins qu'il ne soit alité,
Ainsi que Votre Majesté,
Pour laquelle notre tendresse
A fait dire plus d'une messe,
Et maint Te Deum laudamus,
Et plusieurs autres Oremus,
En espérant de sa clémence,
Pour fruit de sa convalescence,
Pendant que je dirons Vivat,
Qu'elle nous répondra : Fiat!

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