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seulement de la France et de l'Espagne en particulier, mais aussi de toute l'Europe en général, parce qu'il est certain que les deux couronnes étant liguées ensemble de bonne foi, et les conditions en étant bien exécutées de part et d'autre, les autres puissances qui ont absolument besoin de ce que la France et l'Espagne produisent naturellement, aimeront mieux vivre en bonne intelligence avec elles pour en avoir part, que d'en venir à une rupture et à une guerre ouverte qui tournerait indubitablement à leur désavantage et à leur confusion; principalement l'Angleterre et la Hollande s'en ressentiraient le plus vivement dans leur commerce. »

On prétendait que la nouvelle de la paix d'Espagne s'étant répandue en Italie, le duc de Savoie en avait paru fort inquiet, d'autant plus qu'elle se traitait sans sa participation, et que le roi d'Espagne avait consenti d'entrer dans la quadruple alliance déjà conclue entre l'Empereur, la France, l'Angleterre et la Hollande, qui contenait onze articles.

- Le roi d'Espagne écrivit aussi de sa main une lettre à M. le duc d'Orléans en des termes les plus obligeants, par laquelle il remettait ses intérêts entre les mains de Son Altesse Royale pour en disposer absolument comme des siens propres, en l'assurant qu'il approuverait et ratifierait tout ce qu'elle jugerait à propos pour le bien de la paix.

Après la mort du cardinal de La Trémouille, on proposa au cardinal de Bissy l'archevêché de Cambray, à condition qu'il donnerait sa démission de l'abbaye de Saint-Germain des Prés en faveur de M. le comte de Clermont, frère de M. le duc de Bourbon, né en juin 1709; mais la négociation fut inutile.

- On écrivait de Londres, du 30 janvier, que le Parlement avait été beaucoup étonné de ce que le roi Georges n'y avait rien déclaré touchant la négociation de milord Stanhope, à la cour de France, d'où il était de retour

depuis très-peu de jours, ce qui donnait lieu de douter que la paix d'Espagne fût aussi prochaine que les avis de France et d'Italie la disaient, d'autant plus que l'on venait d'apprendre à Londres que l'ambassadeur d'Espagne à La Haye n'avait communiqué que le 22 du même mois de janvier aux États Généraux les propositions du Roi son maître, qui paraissaient aussi peu recevables aux Anglais que contraires à leur commerce, surtout à cause de la restitution de Port-Mahon et de Gibraltar, qu'il fallait qu'ils fissent.

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Le Roi Catholique écrivit aussi une lettre aux États Généraux, afin de les engager à employer efficacement leur médiation dans cette affaire importante auprès de l'Empereur et des autres puissances qui y étaient inté

ressées.

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Le 18, on supprima les offices des grands prévôts, de leurs lieutenants, de leurs brigadiers et des archers des maréchaussées de France; et par un arrêt du Conseil d'État, on établit à leur place quatre inspecteurs généraux pour tout le royaume, qui devait être divisé entre eux en quatre départements, que chaque inspecteur général devait être obligé de visiter chacun deux fois par an pour se faire rendre compte de tout ce qui se serait passé pendant six mois dans chaque département par les lieutenants et brigadiers qui devaient être établis à certaine distance les uns des autres. Chaque lieutenant et chaque brigadier devait être chargé de tenir un registre pour y écrire le nombre des habitants de chaque ville et de chaque village ou paroisse qui seraient dans l'étendue de son district; le nom de chaque habitant ou chef de famille; ce que chaque habitant a de biens en fonds de terre, en maisons ou en rentes; à quel métier, à quels ouvrages ou à quel commerce chaque habitant s'applique en particulier; particulier; combien il y a de journaliers dans chaque lieu, et à quelle occupation chaque journalier est employé et combien il gagne par

jour; combien il y a de pauvres mendiants valides ou invalides dans chaque paroisse.

Si parmi ces mendiants il s'en trouve quelques-uns qui soient encore en état de travailler, on les y obligera.

Si ces brigadiers rencontrent des mendiants sur les chemins, ils les arrêteront pour savoir d'eux le lieu de leur naissance et les obligeront d'y retourner pour s'appliquer au travail en quelque manière que ce soit, s'ils sont en état de le faire; sinon, ils seront arrêtés pour être envoyés à la Louisiane ou en d'autres colonies de la Nouvelle-France en Amérique, afin qu'il n'y ait plus de vagabonds et de fainéants de profession. Pour ce qui est des mendiants invalides soit par la vieillesse, soit par d'autres infirmités connues, on devait établir des hôpitaux dans les lieux qui en manquaient, de six lieues en six lieues, où ces pauvres gens devaient être reçus, nourris et entretenus par les habitants du lieu et des lieux voisins qui seraient obligés d'y contribuer chacun à proportion de ses facultés.

Suivant les registres ou mémoires des brigadiers, il sera facile de savoir et de connaître les facultés des uns et des autres, et ce que chacun pourra payer en particulier pour les besoins de l'État, à proportion de son bien et de son industrie, afin que personne ne soit chargé au-dessus de ses forces.

Chaque inspecteur général devait avoir huit mille livres d'appointements par an, chaque lieutenant quinze cents livres, chaque brigadier huit cents livres; chaque brigadier devait avoir sous lui douze cavaliers qui auraient cinq cents livres chacun pour leur entretien et pour celui de leurs chevaux. Toutes les brigades devaient être à portée de se joindre pour se prêter la main dans les occasions pressantes, et devaient servir à la place des archers de la maréchaussée pour donner la chasse aux voleurs des grands chemins et autres, aux faux sauniers et à tous ceux qui font la contrebande.

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Le 8, on publia un autre arrêt du conseil d'État qui permettait à tous les sujets du Roi de faire le commerce du tabac en gros ou en détail et même de le fabriquer, et qui établissait un droit sur les différentes sortes de tabac, savoir le tabac d'Espagne, trois cents livres par quintal; celui du Brésil, cent cinquante livres; celui de Virginie, soixante-quinze livres; celui de Saint-Domingue et des autres colonies françaises, soixante livres; celui de la Louisiane, pendant la durée du privilége accordé pour vingt-cinq ans à la Compagnie des Indes, devait payer cinquante-cinq livres aussi par quintal et cinquante livres après l'expiration dudit privilége; ceux d'Artois, de Flandre, de Lorraine, d'Alsace et de Franche-Comté, trente livres; et au surplus, le Roi déchargeait les tabacs en général de tous les autres droits, tant des cinq grosses fermes que du domaine d'Occident et même des quatre sols pour livre.

L'entrée des tabacs par mer ne devait être permise que par les ports de Calais, de Dieppe, du Havre, de Rouen, de Honfleur, de Saint-Malo, de Port-Louis, de Morlaix, de Brest, de Nantes, de La Rochelle, de Bordeaux, de Marseille et de Cette.

Par terre, seulement par Amiens, Péronne, SaintQuentin, Torcy, Sainte-Menehould, Joinville, Auxonne, Colonge, Seyssel, Pont-de-Beauvoisin, Briançon et SaintLaurent du Var.

Déclarait les tabacs qui entreraient par d'autres lieux comme de fraude et de contrebande.

Les tabacs en feuilles ne pourraient entrer que dans des boucaux pesant au moins cinq cents livres chacun; les tabacs de Brésil, en corde ou en rôles, pesant au moins deux cent cinquante livres chacun; ceux de Saint-Domingue, en rôles, de cent cinquante livres au moins chacun ; ceux d'Espagne, en poudre, ou de la Havane, dans des barils ou sacs du poids de deux cents livres chacun ; les

tabacs en feuilles de Flandre, d'Artois, d'Alsace, de Lorraine et de Franche-Comté, en boutes, du poids de cinq cents livres chacune.

Par le même arrêt, il était fait défense à toute personne d'ensemencer davantage les terres d'aucune graine de tabac, ni dans les jardins, vergers et autres lieux que ce füt, à peine de dix mille livres d'amende; les lieux y étaient spécifiés.

-Le 5 de ce mois, par ordonnance du prévôt des marchands, la voie de bois à brûler fut augmentée de quinze sols au profit des marchands de bois, afin de leur donner plus de moyens d'en faire voiturer à Paris, n'y en ayant alors presque plus sur le port de la Grève ni sur la rivière; et pour cette raison, les marchands vendaient ce qui leur en restait sur ce port, comme si c'était du gros bois de compte, à raison de quatorze livres seize sols six deniers, et de cinquante-six buches par voie, excepté les plus petits rondins, qu'ils mettaient à part par une délicatesse de

conscience.

La plupart des chantiers de la Grève et de la porte Saint-Bernard se trouvaient alors épuisés et entièrement vides. Comme il n'y avait aussi alors aucun bateau de charbon sur la rivière et qu'il en arrivait rarement depuis trois mois, les regrattiers se prévalaient de l'occasion et le vendaient aux blanchisseuses et à ceux qui en avaient absolument besoin, à raison de quatorze sols le boisseau.

Un maître d'hôtel étant à Rouen dans le mois de novembre 1719, et voyant qu'on y avait une glane d'oignons pour un sol qui en coûtait cinq à Paris, s'avisa de ramasser ce qu'il put d'oignons à Rouen et aux environs, et d'en remplir un bateau sur lequel il monta; et étant arrivé à Paris, il en eut un débit si considérable, qu'en moins de dix jours il en retira plus de vingt mille francs, le boisseau s'y étant vendu de cinquante et cinquante-cinq sols. Il y avait aussi fait charger une partie de gros navets qui

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