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sait admirablement toutes les personnes qui ne quaient pas de s'y trouver chaque fois en grand nombre de tous les quartiers de Paris, ecclésiastiques séculiers et réguliers, gens du monde des deux sexes, de qualité, et autres personnes de mérite; les dames étant dans une chambre particulière dont la porte était ouverte afin qu'elles pussent entendre distinctement ce que disait cet illustre abbé avec une édification merveilleuse de tous ceux qui allaient l'écouter avec empressement.

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M. le garde des sceaux et M. le premier président du Parlement s'étant trouvés en même temps dans l'appartement de M. le duc d'Orléans en attendant Son Altesse Royale pour tenir le conseil, y ayant depuis longtemps quelque refroidissement entre ces deux magistrats au sujet de la police, lorsque le premier en exerçait la charge de lieutenant général; le garde des sceaux ne put s'empêcher en cette occasion de dire au premier président : « Vous voulez bien, monsieur, que je vous demande à vous-même l'état de votre santé. Fort à votre service, monsieur, dit le premier président. M. le garde des sceaux ajouta : « Vous savez, monsieur, que M. le Régent a eu depuis quelques jours la bonté d'accorder la charge de lieutenant général de police à mon fils le cadet c'est pourquoi je vous supplie de vouloir bien lui accorder l'honneur de votre protection, lui ayant beaucoup recommandé d'avoir toujours un grand respect pour votre personne en particulier, et pour toute la compagnie en général. » Sur quoi M. le premier président répliqua : « Vous pouvez compter, monsieur, que je ne le traiterai pas autrement que vous et que je ne lui ferai pas plus de peine que je vous en ai pu faire. »

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-On assurait que M. de Tencin, grand vicaire de Sens et abbé de Vézelay, qui avait beaucoup contribué à la conversion du sieur Law, avait fait un gros gain par le moyen des actions qu'il lui avait données.

On ne pouvait pas dire la même chose de M. Vittemant, sous-précepteur du Roi et ci-devant de M. le Dauphin, duc de Bourgogne, de M. le duc d'Anjou, aujourd'hui roi d'Espagne, et de feu M. le duc de Berry; lequel remercia le Roi de la bonté que Sa Majesté avait eue de lui conférer une abbaye considérable en le priant de le dispenser de l'accepter, se disant avoir assez de bien d'ailleurs sans avoir besoin du revenu de cette abbaye ni d'aucune autre pour l'aider à vivre, puisque « Votre Majesté, disait-il, ne me laisse manquer de rien. »

» Le

Vers la fin du mois de novembre dernier, M. le maréchal de Villeroy disait à M. Vittemant : « Il est inutile, monsieur, de vous offrir des actions, à moins qu'on ne veuille s'exposer à un refus de votre part; mais puis-je vous demander si vous permettrez au domestique qui vous sert d'en accepter quelques-unes? » M. Vittemant qui ignorait le fin des actions, fit réponse : « Vous êtes le maître, monseigneur, de faire du bien à qui il vous plaira. maréchal en fit donner cinq à ce domestique, qui s'en alla aussitôt à la rue Quincampoix, avec un ami, pour les négocier, et les céda toutes cinq à raison de deux cent cinquante-huit livres par cent de profit, ce qui lui valut de bon la somme de six mille cent soixante livres en billets de banque, dont il fut étonné autant que M. Vittemant, d'avoir tant gagné en si peu de temps, et s'il avait différé encore de quelques semaines à s'en défaire, elles lui auraient valu vingt-sept mille livres au moins.

Comme il était dit par un arrêt du conseil d'État publié le 24 janvier 1720, qu'il était permis à tous régnicoles et étrangers de faire sortir du royaume de France toutes sortes d'espèces d'or et d'argent, on remontra à M. le duc d'Orléans qu'il était fort à craindre que cette permission ne fût très-préjudiciable à l'État par la grande quantité d'espèces qui ne manqueraient pas d'en sortir si l'on n'y remédiait promptement. M. Law représenta aussi

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à Son Altesse Royale que pour profiter de ce privilége, un Anglais avait retiré le lendemain une somme de vingtquatre millions qu'il avait à la Banque; qu'ainsi il était absolument nécessaire de l'empêcher de profiter de l'augmentation portée par ledit arrêt et de faire sortir ces espèces hors du royaume.

Ces remontrances si judicieuses furent apparemment la cause que le 29 on publia un autre arrêt qui révoquait ladite permission et fit en même temps défense à toutes sortes de personnes de faire sortir du royaume aucune espèce d'or et d'argent sous peine de confiscation, et qui réduisait les louis d'or.

— Voici une aventure qui donna lieu à plusieurs discours et qui causa beaucoup d'étonnement. Un particulier, à sept heures du matin, engage un crocheteur à porter un rouleau, et étant arrivés devant la grande porte du Palais-Royal, il dit au crocheteur: « Va m'attendre au bas du grand escalier, proche la salle des gardes, je vais à deux pas d'ici chez un ami pour lui parler, après quoi j'irai te joindre; prends seulement bien garde de ne te point laisser prendre ce rouleau ni de le chiffonner, parce que c'est un tableau d'importance pour M. le Régent. » Le crocheteur va bonnement se poster à l'endroit que ce particulier lui avait indiqué. Après l'avoir attendu jusqu'à plus de onze heures et demie sans qu'il eût paru, ce crocheteur dit ingénument à l'un des gardes ce qui l'obligeait d'être là depuis si longtemps; que la personne qui l'avait pris ne venait point, que cela était cause qu'il perdait sa journée; qu'un inconnu lui avait dit de l'attendre là avec ce tableau roulé qu'il lui avait dit devoir présenter à M. le Régent; sur cette déclaration, le garde déroule le tableau, et l'ayant vu, fit monter le crocheteur. On présente le tableau à Son Altesse Royale, qui le considéra avec beaucoup d'attention, le fit mettre à part, et n'ayant pu tirer d'autre raison du crocheteur, il lui donna

un louis d'or de trente-six livres pour le consoler d'avoir ainsi perdu sa journée.

Ce tableau représente le Roi au naturel avec un habit tout chamarré de billets de banque, dont les traits d'écriture qui sont à côté ressemblent à une dentelle, et ces traits servent de bords à l'habit et sur les coutures avec beaucoup de délicatesse.

M. le duc d'Orléans y est aussi représenté très-bien, mais avec un habit d'or et tout chamarré de louis d'or.

M. Law y paraît aussi au naturel 'avec un habit chamarré de pièces de vingt sols et portant sur son épaule une potence pour y être attaché.

On envoya ce tableau à l'Académie de peinture, au vieux Louvre, où il fut exposé à la vue de tout le monde, pour voir si quelqu'un de l'Académie ne pourrait pas juger qui pouvait en être le peintre.

On assurait qu'un grand nombre de loups s'étaient attroupés du côté de Corbeil, où ils dévorèrent plusieurs personnes et firent d'autres ravages, ce qui obligea les habitants des lieux voisins de s'armer afin de pouvoir exterminer ces bêtes féroces.

— Les capitaines du régiment des gardes eurent ordre alors d'augmenter sa compagnie chacun de cinquante hommes.

- On eut aussi pour lors quelques alarmes sur nos frontières de Flandre, y Lille, à Valenciennes, à Condé et en d'autres places, de ce que quarante mille hommes de troupes impériales s'étaient avancés du côté de Tournay, dans la crainte que l'on avait que ce ne fût pour quelque dessein qui tendît à une rupture de la paix. Mais la tranquillité fut bientôt rétablie quand on fut certain que ces troupes devaient servir de garnison à Tournay, à Ypres, à Menin et en d'autres places au lieu des troupes hollandaises, qui devaient en sortir suivant les conventions

faites entre l'Empereur et les États-Généraux des Pro

vinces-Unies.

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On écrivait de Londres, du 22 de ce mois, qu'on y avait conçu de grands ombrages au sujet des entreprises que la Compagnie des Indes de France commençait à faire pour établir son commerce dans toutes les Indes et dans la Louisiane, où cette Compagnie a le privilége d'envoyer tous les ans neuf mille personnes des deux sexes, dont six mille Européens, la plupart Français, et trois mille nègres ou Africains pour augmenter cette colonie et pour la peupler; duquel privilége cette Compagnie doit jouir durant l'espace de vingt-cinq ans, ainsi qu'il est spécifié par les lettres patentes que le Roi lui a accordées. Sur lequel établissement la Chambre des communes principalement, devait à la rentrée du Parlement faire de grandes remontrances au roi de la Grande-Bretagne, et lui faire connaître le préjudice que le commerce de la nation anglaise en souffrait déjà et en souffrirait dans la suite si Sa Majesté n'y apportait pas bientôt quelque tempérament par son crédit à la cour de France ou autrement.

On mandait de Vienne qu'on y venait d'apprendre par des lettres de Constantinople qu'il s'y était fait un soulèvement extraordinaire de la part des janissaires, dans lequel on assurait que le Grand Seigneur, le grand vizir et le comte de Wirmond, ambassadeur de l'Empereur, avaient été étranglés, parce que le Grand Seigneur et le grand vizir n'avaient pas voulu rompre le traité de paix conclu en 1718, après la réduction de Belgrade, afin de recommencer la guerre contre l'Empereur.

- Le 29, M. le duc de Chartres, né le 4 août 1703, pendant que M. le duc d'Orléans son père était au siége de Lérida, monta pour la première fois à cheval en l'Académie, en présence de Son Altesse Royale et d'un grand nombre de courtisans.

- Le même jour, on envoya ordre à tous les officiers

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