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Commissions militaires de Granville et de Cherbourg.

Tribunal criminel de la Manche.

Coutances.

D'Alençon, nous allons à Granville, où fonctionna une commission militaire établie, par le représentant Lecarpentier, aussitôt après le siége de cette ville par les Vendéens.Malgré mes recherches, je n'ai pu découvrir les jugements de cette commission; il a fallu me contenter des condamnations recueillies par Prudhomme (1), et des renseignements incomplets tirés de lettres conservées aux archives de la Manche (2).

Les 43 condamnations à mort que cite Prudhomme ont dû être prononcées; j'en ai retrouvé une quinzaine (3) dans la correspondance en question et rien ne me fait suspecter les autres.

Le siége de Granville (4), un des événements mémorables de la révolution (5), commencé, le 24 brumaire, par la grande armée vendéenne, dut être levé le lendemain, dans la soirée. Dès le 29, la commission militaire était à la besogne, et, le jour même, elle prononçait 11 condamnations à mort; problablement contre des traînards ou des blessés vendéens. 27 autres suivirent, par intervalle; la dernière est du 22 floréal an 11. Je ne crois pas, néanmoins, que la commission de Granville eût limité ses opérations à ces 43 condamnés. Entre quelques jugements sont des lacunes considérable; entre autres du 3 frimaire au 11 nivôse, et du 24 nivôse

(1) Dictionnaire des victimes, 1797, 2 vol. in-8°.

(2, 3) Communiquées, en janvier 1868, par M. Dubosc, archiviste de la Manche.

(4) M. Quénault, sous-préfet à Coutances, a publié une intéressante brochure intitulée: Siége de Granville, où l'on voit que Lecarpentier ne montra pas une grande fermeté pendant le combat.

(5) On donna à cette commune ou elle prit le nom de Granville-la-Victoire. Monit. du 24 thermid. an 11, p. 1327.

au 16 pluviôse; pendant ces 58 jours pas une seule condamnation. Un si long chômage, en un tel temps, n'est pas présumable. Outre les prisonniers laissés par les Vendéens, la commission, la Sainte-Piscine, avait reçu le tribut patriotique des autorités républicaines du pays, surtout du directoire d'Avranches. Ces administrateurs écrivaient :

A la commission administrative du département, le 17 frimaire (1):

En exécution d'une lettre de Jean-Bon-Saint-André, nous envoyons à la commission militaire de Granville, un grand conspirateur, un grand coupable (Tesson). Sa conduite constante doit lui mériter l'honneur d'une prompte exécution et nous invitons cette commission à ne pas le faire languir et à abréger les formes. A mesure que nous en découvrirons nous les acheminerons promptement vers la sainte piscine, et ils n'en sortiront que bien purifiés.

Au commandant temporaire d'Avranches, le 24 frimaire (2):

Nous vous invitons à donner les ordres nécessaires pour qu'un nombre suffisant de gendarmes et de cavaliers se trouvent, demain, huit heures du matin, dans la cour de l'administration et escorte les treize personnes dont les noms sont transcrits ci-dessous et les déposent à Granville, entre les mains des membres de la commission militaire, etc.

Le procureur syndic d'Avranches écrivait, au même commandant, le 25 frimaire (3) :

Nous avons encore en la maison d'arrêt six mauvais sujets prévenus d'avoir servi contre la patrie ou d'avoir conduit les brigands dans les maisons des patriotes. Il est intéressant d'en purger notre sol et de les livrer à la commission militaire qui doit les juger; c'est pourquoi je vous invite à donner les ordres nécessaires, etc.

(1, 2) Correspondance communiquée par M. Dubosc.

(3) Même correspondance.

De ces six personnes, trois, deux hommes et une femme, furent condamnées à mort, à Granville.

Les mêmes administrateurs écrivaient au Comité de salut public, le 26 frimaire (1).

Aussitôt que nous avons été informés que l'armée scélérate avait évacué la ville d'Avranches, nous nous sommes empressés d'y rentrer et de reprendre nos fonctions. Un de nos premiers soins a été de faire fusiller cinquante-cinq à soixante de ces coquins, que nous avions fait arrêter ou qui étaient RESTÉS A L'HOPITAL.... Nous nous sommes occupés, sans perdre de temps, des moyens de découvrir et de livrer au glaive de la loi ces êtres lâches et perfides qui, sans avoir eu le courage de se joindre à la horde fanatique, ont partagé ses forfaits en lui indiquant des patriotes à piller et à égorger; déjà plusieurs sont arrêtés et envoyés à la commission militaire de Granville, et l'œil attentif des patriotes est à la poursuite des autres.

Ainsi, des blessés, des malades, tirés de l'hôpital, étaient fusillés à Avranche et le Comité de salut public le savait officiellement ! Que dut faire ce comité après un tel acte de barbarie? ce qu'il fit, quelques jours plus tard, instruit, par le Moniteur, des noyades de Nantes : RIEN!

Le district d'Avranches ne borna pas ses libéralités à ces deux convois; jusqu'en prairial, un certain nombre d'autres prévenus furent, par ses soins, envoyés à la commission de Granville, qui en condamna plusieurs à mort.

Près de là, le Mont-Saint-Michel n'était point inoccupé ; une lettre, du même district (3), nous apprend qu'au commencement de ventôse, il s'y trouvait environ trois cents prêtres, condamnés seulement à la réclusion; une vingtaine d'autres, du département, sujets à la déportation, avaient re

(1) Même correspondance.

(2) Archives de la Manche; lettres du district d'Avranches, du 19 pluviose; 15 et 25 ventôse; 7, 15 et 26 germinal.

(3) Ibid., lettre du 11 ventôse an 11.

couvré leur liberté, lors du passage de la grande armée vendéenne.

Deux autres villes de la Manche, Coutances et Cherbourg, furent aussi visitées par la justice révolutionnaire.

A Coutances, le tribunal criminel de la Manche, jugeant révolutionnairement, prononça, du 19 mai 1793, au 7 thermidor an II, treize condamnations capitales; une pour fabrication et émission de faux assignats; une contre un religieux prémontré, dit réfractaire, l'abbé Toulorge; plusieurs pour faits de chouannerie; plusieurs pour désertion. La condamnation de l'abbé Toulorge a laissé un douloureux souvenir dans le pays, où la mémoire de ce religieux est vénérée comme celle d'un saint. Lors de son jugement, et jusque sur l'échafaud, il montra une résignation profonde et un véritable courage (1).

Si ce tribunal n'eut pas à prononcer un plus grand nombre de condamnations, ce n'était pas faute d'arrestations; à Avranches, à Coutances, à Valognes, Lecarpentier les avait multipliées, au point que, dans cette dernière ville, le vaste hôtel de Chiffrevast (2), avait dû être converti en maison d'arrêt supplémentaire (3); les suspects les plus marquants avaient été expédiés, par le proconsul, à Paris, où, le 3 thermidor, sur une fournée de 29 personnes venues de Coutances, le tribunal révolutionnaire (4), en condamna 19 à la peine de mort. Dans des lettres qui sont au Moniteur, Lecarpentier avait donné à la Convention avis de cet envoi et puis, peu

(1) Greffe de Coutances; mémoire de M. Quénault, du 22 novembre

1863.

(2) Son propriétaire, Danneville de Chiffrevast, fut condamné à mort, à Paris, le 19 messidor. Moniteur du 24, p. 1204.

(3) La Terreur dans une ville de province, par M. Quénault, 1862, in-12, p. 7 et s.

(4) Moniteur du 9 thermidor an 11, p. 1266.

de jours, avant le 9 thermidor, lui en avait annoncé (1) un autre, qui heureusement, demeura sans résultat.

De Cherbourg, je ne connais qu'une seule condamnation capitale, prononcée, le 23 messidor an II, par le tribunal criminel de l'armée des côtes de Cherbourg, assisté de 9 jurés militaires, et autorisé par un arrêté de Lecarpentier, du jour même, à juger le délit contre-révolutionnaire de l'excapucin J. P. Nicolas Leroux. Le jugement porte que « Leroux serait fusillé, n'existant pas, à Cherbourg, un instrument vengeur de la loi (2). »

Après les tribunaux de la Manche, les commissions de Saint-Malo se présentent; j'en ai déjà parlé dans le Cabinet (3), et viens, ici, à celle de Lamballe et au tribunal criminel des Côtes-du-Nord.

Commission militaire de Lamballe.

Tribunal criminel des Côtes-du-Nord.-Saint-Brieuc.

Je n'ai trouvé, de la commission militaire de Lamballe, qu'un seul jugement, du 2 avril 1793, condamnant Joseph Hervé et six autres bretons à la peine de mort, pour avoir ětě, dans un attroupement séditieux, pris les armes à la main (4).

Le tribunal criminel des Côtes-du-Nord, séant à SaintBrieuc, se révéla davantage; il était ainsi composé :

Leroux, président;

Besné, accusateur public;
Gourlay, greffier,

(1) Lettres du 14 messidor, Moniteur du 20, p. 1187; du 28 messidor, Monit. du 7 thermidor, p. 1257.

(2) Placard imprimé; Archives de l'empire, W, carton 46, dossier 3067. (3) Cabinet, 1864, 2o article, p. 38; 3o art, p. 118.

(4) Décision visée dans un jugement du tribunal criminel des Côtes-du

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