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Le 14 thermidor, 5 condamnations capitales: cinq propriétaires de Pont-Saint-Esprit; ce sont les dernières; la nouvelle de la chute de Robespierre étoit en chemin. Un arrêté du Comité de salut public, du 13 thermidor, envoyé par un courrier extraordinaire, défendit l'exécution des jugements rendus (1).

Après, le tribunal siégea, révolutionnairement, deux ou trois fois encore, mais ne prononça que des acquittements. Il y en avoit eu treize le 21 prairial, et quatorze le 2 messidor en tout une quarantaine contre 135 condamnations à mort (2).

La chute de Robespierre sauva la vie, dans le Gard (et ailleurs), à une masse de détenus. A Nîmes, la citadelle, aujourd'hui la maison centrale, le palais, le couvent des capucins, converti en prison, en renfermoient près de 800. Dans la nuit du 28 prairial (16 juin 1794), on avoit arrêté 152 personnes (3). A Uzès, il y avoit, dans la maison d'arrêt du district, environ 350 détenus (4); à Beaucaire, plus de 200 (5).

Après le 9 thermidor, le représentant Perrin fit mettre en liberté un nombre considérable de religieuses et de prêtres (6). De son propre aveu, Borie avoit, de Mende, envoyé 71 prêtres, en réclusion, à Nîmes (7).

A Nimes, Bertrand avoit commencé de pourvoir à la sépulture de nouvelles victimes. Le 28 thermidor, un juge de paix se transporte au cimetière du Jeu de mail, où il

(1) Papiers du Comité de salut public; Archives de l'empire, AF, 22. (2) Dits registres plumitifs, à ces dates.

(3, 4) Pièces et documents, p. 50, 85.

(5) Notice sur Beaucaire depuis 1788 (par le chevalier de Forton), 1836, in-8°, p. 73.

(6) Pièces et documents, p. 121.

(7) Moniteur de la 5o sans-culottide an 11, p. 1500.

constate l'existence d'une fosse, commencée, depuis peu, par les ordres de l'accusateur public, et assez grande pour recevoir 45 cadavres. La nouvelle du 9 thermidor fit cesser le travail (1).

Le tribunal voyoit se former l'orage; ses membres essayèrent de le conjurer. Ils accusèrent réception au Comité de salut public, de son arrêté de défense du 13 thermidor, dans une lettre qui se termine ainsi :

Les membres composant ce tribunal applaudissent aux mesures sages et rigoureuses qu'a prises la Convention nationale à l'égard du nouveau dictateur et de ses infâmes complices. Ils déclarent vouloir rester inviolablement attachés à la représentation nationale (2).

Le 19 thermidor, Giret et Boudon étoient au club; ils demandèrent la parole qui leur fut, à plusieurs reprises, refusée; enfin Boudon, désespérant de se faire entendre, s'écria Giret, il est tems, el, tirant un pistolet de sa poche, il ajouta je meurs pour ma patrie, et il se fit sauter la cervelle. Giret ne l'imita point, quoique armé de même (3).

Dans la nuit suivante, le district de Nîmes fit arrêter 13 robespierristes, parmi lesquels Courbis, et cinq membres du tribunal: Pallejay, président; Giret et Beaumet, juges; Pélissier, suppléant; Bertrand, accusateur public; de plus Bertrand, des Grignons; Allien, gardien de la prison des Capucins; Moulin, un des séides de Courbis, et Nogaret, prêtre défroqué, membre actif du Comité de surveillance (4). Il falut doubler l'escorte qui les conduisoit aux prisons, de crainte que le peuple ne se fît justice (5).

La plupart eurent une fin tragique et affreuse.

(1) Pièces et documents, p. 11.

(2) Ibid., p. 48.

(3) Ibid., p. 178.

(4) Ibid., p. 52.

(5) Moniteur du 29 thermidor an II, p. 1352.

On trouva, quelque tems après, Giret pendu dans son cachot, à la citadelle (1).

Plus de neuf mois s'écoulèrent sans décision annonçant la mise en jugement des terroristes de Nîmes. Le 6 prairial an 3, la Convention décréta le renvoi, devant le tribunal criminel de Vaucluse, des membres de la ci-devant commission d'Orange.

Courbis, Allien et Moulin furent, le 16 prairial, massacrés dans la citadelle, par des furieux armés d'outils aratoires et qui en forcèrent les portes (2). La mort de Courbis fut attribuée à un jeune homme dont le père étoit monté sur l'échafaud (3).

Beaumet, les deux Bertrand et Nogaret, transférés de la prison du palais à la citadelle, furent, le 19 prairial, massacrés sur la promenade du Grand-Cours (4).

Voilà sept assassinats de la réaction, à Nîmes; quant à ceux de l'action, combien y en avoit-il eu, à ne prendre que les fournées des 29 messidor et 1er thermidor? Sur cinquanteun accusés, quarante-huit envoyés à l'échafaud, en deux séances, par Pallejay, Giret et Beaumet; on peut se demander si ces juges, soi-disant, n'avoient pas, et de sang-froid, commis plus d'assassinats que les furieux de prairial an III.

A la fin de messidor, Pallejay et Pélissier, avec onze autres personnes, parurent devant le tribunal qui, après thermidor, avoit été reconstitué et completté d'un jury. Là, ils reçurent de la réaction, toutes les garanties que l'action avoit refusée à ses victimes; au lieu d'une seule séance, les débats en occupèrent vingt; on entendit leurs témoins, leurs défenseurs. Déclarés coupables, par le jury, « d'assassinats judiciaires, Pallejay et Pélissier furent condamnés à mort;

(1, 3) Pièces et documents, p. 52 et 53.

(2) lbid., p. 123.

(4) Ibid., p. 53 à 64.

quatre autres à la déportation ou aux fers; les sept derniers furent acquittés (1).

A la suite d'un pourvoi en cassation, les condamnés furent renvoyés devant le tribunal criminel de l'Isère; il est probable que le décret d'amnistie de brumaire an iv amena leur mise en liberté (2).

(Sera continué.)

CH. BERRIAT SAINT PRIX,
Conseiller à la Cour impériale de Paris.

XVII. HISTOIRE DE L'ACADIE FRANÇOISE.

Nos lecteurs se souviendront peut-être que nous avons publié dans le tome xn du présent recueil l'avant-propos de l'Histoire de l'Acadie françoise, que projetoit alors de mettre sous presse M. Moreau, le savant auteur de la Bibliographie des Mazarinades. Malgré l'immense intérêt dont pourroit être pour notre histoire le travail que nous annoncions, il nous faut avouer que l'éditeur a fait défaut. En ce temps de préoccupations politiques et autres, il devient à peu près impossible à un littérateur sérieux de trouver sa voie hors du journalisme. MM. les libraires ne veulent plus courir le risque d'impressions coûteuses dont les bénéfices aléatoirés n'excitent point leur convoitise; et, on l'a déjà dit, l'Esprit des lois, s'il étoit à produire, courroit risque de rester inédit. La presse périodique est aujourd'hui la seule puissance littérairé qui ait quelque crédit près du public; et elle a fait si bon usage de son empire qu'il n'est plus besoin de bibliothèque, et qu'il ne se lit plus rien que le livre sans fin qu'on nomme Journal. Nous ne pouvons faire que nous ne regrettions quelque peu cet état de chose: Les bibliothèques d'es xviie et xvII° siècles se recrutoient d'autres produits. Quoi qu'il en soit, ce n'est point au Cabinet historique à s'en plaindre, puisqu'il trouve par cela même l'occasion et la fortune de pouvoir publier des travaux tels

(1) Pièces et documents, p. 52 et 53.

(2) Ibid., p. 53 à 64.

que la Justice révolutionnaire, de M. Berriat Saint-Prix; les Esquisses historiques, de M. de Rochambeau; l'Histoire de l'Acadie françoise, de M. Moreau.

CHAPITRE Ier.

Découverte de l'Acadie. — Roberval. - Le marquis de la Roche, 1534-1598.

Le nom d'Acadie a été donné alternativement, et simultanément quelquefois, à la presqu'île qui sépare le golfe de Saint-Laurent de la baie de Fundy ou Baie française, et au pays compris entre le fleuve de Saint-Laurent au nord, le golfe du même nom à l'ouest, l'Océan atlantique au midi, depuis le cap de Canseau jusqu'à la rivière de Penobscot, à l'est enfin une ligne droite partant de l'embouchure de cette rivière pour aboutir à Québec ou à Montréal; mais, à quelque portion du continent qu'il ait été appliqué, les limites de cette portion n'ont jamais été déterminées d'une manière précise, quoiqu'elles aient été à plusieurs reprises, depuis la paix d'Utrecht, l'objet de négociations très-longues et trèslaborieuses entre l'Angleterre et la France. Nous n'essaierons pas de faire ce que n'ont pu les diplomates des deux nations; encore moins essaierons-nous de concilier les opinions contradictoires soutenues par les historiens. Nous y perdrions notre temps; et il n'y auroit pour notre sujet dans ce travail ingrat aucun avantage. Nous nous bornerons donc à dire aussi clairement que possible ce que nous entendons par l'Acadie. Ce sont les terres et îles que baigne l'océan de la baie Verte à Pentagoet, et plus particulièrement les côtes de la presqu'île acadienne, la rive de la baie de Fundy qui s'étend de son extrémité septentrionale la plus reculée dans la baie de Beaubassin jusqu'à l'île de Menane, près de l'embouchure de la rivière de Sainte-Croix, et la partie du littoral qui la continue à l'est jusqu'à la rivière de Penobscot.

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