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16. LE MÊME A M. LE MARÉCHAL DE LA MOTTE

HOUDANCOURT.

La lettre suivante, adressée au maréchal de la Motte Houdancourt, m'a semblé mériter une place ici.

De Lunel, ce 3 mars 1642, au soir.

Monsieur mon cher cousin,

Vous verrez par la date de cette lettre que nous faisons toutes les diligences imaginables pour aller à vous; le roi voleroit volontiers et donneroit des ailes à ses troupes, si le pouvoir suivoit sa volonté, jugeant très-bien que vous avez besoin d'un prompt secours et que l'ennemi n'omettra rien pour vous pousser avant que le renfort que nous vous menons ne vous ait joint. Mais Dieu secondera vos bonnes intentions, et ne vous manquera pas au besoin après des assistances si visibles et si extraordinaires.

Le Roi a vu votre mémoire et S. E. aussi, en suite de quoi il a été résolu de l'exécuter ponctuellement, et comme tout ce qu'il y a de plus essentiel consiste à vous envoyer six mille hommes de pied et mille chevaux de renfort je, vous puis assurer que les ordres en ont été donnés, et que déjà les troupes sont bien avancées, dont nous augmentons le nombre au lieu de le diminuer.

Je vous ai déjà mandé la première défaite de Lamboy et je ne doute pas que vous n'ayez su la seconde, en sorte qu'il n'en reste pas un homme (1). En voici une autre qui n'est pas de moindre conséquence; mais comme elle n'est pas encore confirmée, je ne vous la donne pas aussi pour assurée : c'est ia victoire remportée par Torstenson, général des Suédois, à la

(1) Bataille de Leipsic.

place de Banier, sur l'armée impériale, en laquelle on nous mande de plus de six endroits en Allemagne que Piccolomini a été tué, l'archiduc Léopold fort blessé, huit régiments entièrement défaits et quantité d'officiers majors tués et blessés (1). Si Dieu veut que cela soit comme il y en a grande apparence, en vérité, nous avons grand sujet de louer et remercier Dieu de l'acheminement qu'il donne à la paix en abaissant l'orgueil de ceux qui n'y vouloient point entendre. Je le prie qu'il se serve de votre main pour leur donner le dernier coup, et qu'enfin ce soit vous qui mettiez le comble au triomphe du Roi donnant la paix à la chrétienté. Je ne puis finir sans vous donner encore avis de l'obligation que vous avez à M. le maréchal de Brézé des grands offices qu'il vous rend auprès de S. E., n'oubliant rien pour votre avancement, je dis en ce qui regarde l'essentiel de votre fortune. Je vous conjure de ne perdre aucune occasion de lui en témoigner votre reconnoissance. Je charge M. le chevalier de M.. (?) de son brevet d'aide de camp ainsi que vous l'avez désiré.

Commandez et vous serez servi avec toute la passion qui doit être,

Monsieur mon cher cousin, en

Votre très humble et très affectionné serviteur et ami

DES NOYERS.

17. CHAVIGNY A M. DE BRézé.

« Le comte de la Motte-Houdancourt, dit M. Jay (2), se signala, dès le commencement de la campagne, par des succès qui furent d'un heureux présage, et qui excitèrent l'émulation des autres gé

(1) Bataille de Kempen.

(2) Histoire du cardinal Richelieu, t. 11, p. 173.

néraux. Le 19 janvier, il battoit les Espagnols au combat de Vals.» Voici une lettre de Chavigny qui se rapporte à cette époque.

Monsieur,

A Narbonne, ce 7 avril 1642.

N'ayant peu me donner l'honneur de vous escrire il y a deux jours par vostre capitaine des gardes à cause que je m'estois fait seigner ensuite de deux petits accès de fièvre de défluxion dont je suis quitte à présent, je me sers de l'occasion de M. le chevalier de Jalesnes pour vous rendre mil très humbles grâces des marques de vostre souvenir que je reçois en toutes occasions, et pour me resjouir avec vous, Monsieur, des signalées prospérités qu'ont eu les armes du Roy dans la Catalongne, soubz la conduite de M. le maréchal de la Motte, qui a véritablement bien mérité cette dignité par beaucoup de belles actions. Je me resjouis aussy, Monsieur, de tout mon cœur, que le Roy et monseigneur le Cardinal altribuent à vos soins et à ce que vous avez fait dans le Roussillon une bonne partie de ces derniers succès, parce que c'est vous rendre la justice qui vous est deue, et que je prends part à tout ce qui vous touche comme à mes propres inté

rêts.

Monsieur Denoyers s'est chargé de vous mander ce que Vous auriez à faire de vos prisonniers, de sorte que je ne vous en importunerai pas.

receu très

La santé de S. Em. va toujours très bien. Elle agréablement les témoignages de passion et de tendresse que vous luy avés rendus, mais elle n'estime pas que vous deviez quitter Barcelonne. J'espère que dans peu de temps il n'y paroistra plus à son mal.

Le Roy n'a plus la goutte. Il commença hier à jouer au mail. Il ne manque rien pour la santé de S. M. et de S. Em.

que de sortir de cette ville où l'air est très pernicieux. Je me resjouis de tout mon cœur, Monsieur, que la vostre soit meilleure qu'elle n'a esté. Je prie Dieu qu'il vous la conserve aussi longue et aussi heureuse que le désire passionnément,

Monsieur,

Vostre très humble et très fidelle serviteur

CHAVIGNY.

18. LA DUCHESSE D'AIGUILLON A 'M. DE BRÉZÉ.

Cependant la politique extérieure n'absorboît pas les soins du cardinal de Richelieu. Une conspiration formidable sembloit sur le point de ruiner pour toujours sa puissance, et le grand écuyer Cinq-Mars alloit, au nom du foible Louis XIII, tenter une dernière fois de renverser le ministre. Il n'est pas nécessaire que je raconte ici les détails de cette affaire au moment où la duchesse d'Aiguillon écrivoit la lettre que je vais reproduire : l'histoire en est assez connue. Cinq-Mars et son ami de Thou étoient arrêtés, et le roi réconcilié avec Richelieu.

Je crois que vous ne doutez pas de l'extrême joie que j'ai de votre retour en France, et de ce que j'espère que j'aurai bientôt l'honneur de vous voir à Paris, mais en vérité vous ne sauriez l'imaginer au point qu'elle est.

Je reçus hier des lettres de la cour par lesquelles on me mande que le Roy vit samedi à Tarascon monseigneur le Cardinal avec de grands témoignages d'amitié, que S. M. devoit partir lundi pour venir ici et S. E. trois jours après, et que le Roy l'attendroit à Lyon. Vous pouvez juger combien cette nouvelle me donne satisfaction tout à la fois, car c'est une preuve indubitable que S. M. et S. Em. sont en meilleure santé.

Dieu a bien fait des miracles cette campagne, et a témoi

gné très particulièrement son assistance à la France, et sa bénédiction sur la personne de monseigneur le Cardinal.

Je crois que vous avez appris la disgrâce de M. le Grand avec beaucoup de douleur, mais comme la mienne s'est trouvée pareille, vous me dispenserez de vous en consoler.

J'ai été extrêmement surprise de la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire touchant votre logement, car puisque vous savez bien que vos intérêts me sont plus chers mille fois que les miens propres, vous pouviez bien croire que j'abandonnerois aisément ceux de mon frère s'ils se rencontroient contraires aux vôtres; mais dans cette rencontre il n'y a rien de si éloigné. Ma sœur me pria, il y a quelque temps, de faire dire à Coquet qu'il leur louât son logis; je l'en refusai parce que je savois bien qu'il y vouloit loger; ensuite l'on me dit que vous le désiriez avoir. J'en parlai à son meilleur ami qui me protesta qu'il ne le vouloit point louer, qu'il l'avoit refusé à mon frère, et que ce seroit le désespérer que de l'obliger à quitter son logis. Jugez après cela s'il y a justice à ce qu'on vous a mandé, et vous me feriez une grâce extraordinaire de me faire savoir qui c'est, afin que je m'en puisse un jour justifier en votre présence. Je crois que vous me connoissez assez sincère pour être persuadé que je vous mande la pure vérité; je vous ferai quelque petit reproche d'avoir ajouté foi à une chose pareille quand j'aurai l'honneur de vous entretenir; cependant faites-moi celui d'être assuré que je suis avec toute l'affection et le respect que je dois

Votre très humble et très obéissante servante.

M. Le Cœur, qui vous présentera ma lettre, a désiré que je vous le recommandasse, bien qu'il soit superflu puisqu'il est à monseigneur le Cardinal, qui est une qualité assez avan

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