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Je pourrois, peut-être, multiplier ces traits, grossis par la tradition contemporaine, surtout par Carrier, dans sa défense devant la Convention; ceux que je viens de rappeler suffisent pour aider, non pas à excuser, mais à comprendre, dans une certaine mesure, les impitoyables jugements des commissions militaires de l'Ouest.

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12. ANTOINETTE DE BOURBON (1) A M. L'ADMIRAL.

Au sujet de la garde de la forest d'Esparnay.

Joinville, 27 mars 15...

Monsieur, il a pleu au Roy donner à monsieur mon mary l'usufruict de la terre d'Esparnay, où il y a une belle forrest, dont le Roy faict vente chaculn an, de quatre ou cinq mil francs, et contient deux mil arpens. Il n'y a eu d'ancien

(1) Cette lettre n'est datée qu'imparfaitement, mais elle est encore du temps de Claude de Guise, alors en Bourgogne, vers 1548. Elle nous révèle une particularité intéressante pour l'histoire de la ville d'Epernay. Sous François Ier, cette terre se trouvoit dans la maison d'Angoulême-Orléans : En 1531, par la mort de Loyse de Savoie, qui en étoit Dame, elle étoit rentrée dans le domaine de la couronne. On ignoroit que Henri II en eût cédé l'usufruit à la maison de Guise. C'est sans doute en considération de cette première libéralité qu'à la mort de François II, Charles IX en donna la seigneurie, comme partie de son douaire à Marie-Stuart, petite fille d'Antoinette de Bourbon.

neté que deux sergens pour le garder, qui sont tous deux mors longtemps y a; et n'y a homme au pays qui veuille demander les offices, pour ce qu'il y a petits gaiges et quon les veult vendre. Le nombre des dicts sergens est trop petit pour garder la dicte forrest, pour ce qu'il y a douze ou treize villages, plusieurs thuilleryes et forges àl'entour, qui n'ont aucuns usaiges, et fais doubte que s'il ny a bonnes gardes ils ne facent dommaige en la dicte forrest; dont monsieur vous a bien voullu advertir pour y faire ordonner ce qu'il vous plaira, affin que sil en venoit faulte on n'en donnast charge a mon dict sieur mary; lequel veult bien payer les gaiges des dictz sergens, sil plaist au Roy les y commettre et me semble, monsieur, qu'il seroit bon d'y en mettre jusques à quatre, pour bien garder la dicte forrest. Mon dict sieur, mon mary vous en eust escript, mais il est en Bourgogne, comme savez: atant, je prieray à Dieu, monsieur, qu'il vous donne bonne vye et longue. Escript à Joinville ce vingt-septiesme de mars. Votre bien bonne amye,

Signé: ANTHOINETTE DE BOURBON.

Au dos Monsieur l'admiral. (Fr. 20468.)

13. ANTHOINETTE DE LORRAINE, ABBESSE DE FAREMOUSTIER A MADAME DE GUISE SA MÈRE.

On a vu qu'Anthoinette de Lorraine-Guise est née le 30 août 1531: elle étoit la dixième et dernière des enfants de Claude de Guise et d'Antoinette de Bourbon. Cette lettre, écrite au monastère de Saint-Pierre-les-Dames de Reims, où sa sœur aînée, Renée de Lorraine, étoit abbesse depuis 1542, doit dater à peu de temps près de l'an 1543 et la cotte à laquelle la jeune et future abbesse de Farmoutiers dit travailler, devoit être destinée à Marie Stuart, sa petite cousine germaine, âgée d'un an, et que la mort de son père venoit d'élever, pour son malheur, au trône d'Ecosse.

De l'abbaye de Saint-Pierre de Reims, 1er juin.

Madame, je suis bien ayse que madame ma seur anvoie la court, à ce que jay moyen vous escripre, pour vous supplier tres humblement me faire cest honneur me asseurer de vos nouvelles, quy, ce que plus je desire, soient telles comme journellement je supplie nostre seigneur pour vostre tres bonne et longue vie. Je ne doubte point, madame ne soyez bien ampressée a recepvoir le Roy. Je suys tant ayse de l'honneur que il luy plaist faire a monseigneur et à vous, et à tous messeigneurs mes freres, que il me semble ay grant ocasion de remercier Dieu et le louer de tant de grase que il nous faict et avecq tant de bien. Il fault que je vous die, madame, que je me trouve fort bien, ét ne suys point maladive en ce péis, qui me faict estre plus forte, pour mieulx faire mon devoir et garder ce que je dois.-Je ne veulx faillir ausy à vous mander que je aprens bien à ouvrer, et ay bien aydé a madame ma seur a la cotte de la Rayne, et désire bien savoir toute chose pour me ampleier à vour faire tres humble service en ce que il vous plaira me commander, et me tiendray tres heureuse toute ma vie de ce faire. Ce pendant je supplye le créateur, madame, après vous avoir présenté mes tres humbles recommandations a vostre bonne grase vous donner tres bonne et longue vie.

Vostre tres humble et tres obeissante fille,

Seur ANTHOINETTE DE LORRAINE.

De Saint-Pierre, ce premier de joing.

Madame, je vous supplie tres humblement avoir pour recommendė laffaire de monsieur de Vernin, tant pour l'amour de madame de Hamer que pour le service que me faict sa niepse ils ont toute leur espérense en vous.

Au dos: A Madame.

14. ANTHOINETTE DE BOURBON A LA DUCHESSE DE guise.

Ma fille, ma mie, estant partie se matin de Nancy, Lullier m'a trouvé encore près de la vylle où il avet couché, j'ay par luy receu les lestres que m'avez escrit: par la première j'ay veu l'ayse qu'a eu la Royne de l'euheureus acouchement de madame sa fille, quy toujours se porte de bien en mieux (1) come hier je l'escryvis a la Royne, a laquelle je n'escris pour set heure, ne sachant quant l'on luy depeschera se porteur. Je lay encore se malin avant partir veue; il n'est possible d'estre mieulx. Ma mye, feste mes tres humbles recommandations à la bonne grace de la Royne, a quy je n'eust su d'avantaige dire que se que mes lestres d'hyer contenoient; l'asurant que madame sa fille se porte bien que faict monsieur son fils. Au reste, ma mye, je voy côme l'on vous fait attendre la response de vostre requeste (2). Il n'y a remede; se quy ne se peut prontement faire, se fera avec le tans, et bien, se Dieu plest. Il est juste et bon, il ne lerra tel acte si malheureux inpugny. Ayés pascience, ma mye, et ne vous souciez; fout yra bien (3). A la fin, il me semble, avez bien faict envoyer vostre fils à Paris et ne doubte point aye grant peine voir les persones estant cause de tel faict: sella n'avvendra je ne puis pencer il l'entrepregne, ny que l'on le puist justement permestre, sens premier en estre punye (?) Par

(1) Ces lignes précisent la date de cette curieuse lettre. Claude de France, seconde fille d'Henri II et de Catherine de Médicis, épouse du duc de Lorraine, accoucha, le 6 août 1565, de Christine de Lorraine qui, plus tard devint grande-duchesse de Toscane.

(2) Allusion aux poursuites que faisoit alors Anne d'Est contre l'amiral Coligny considéré par les princes de Lorraine comme l'instigateur de Poltrot, l'assassin du duc Guise. (Voy. les pièces du procès. Cab. hist., t. 3, p. 48, 59, etc.)

(3) La bonne duchesse ne prévoyoit point alors la lamentable tragédie de la Saint-Barthélemy comme expiation du crime de Poltrot et de ses adhérents.

vostre seconde lestre j'ay veu côme madame la mareschalle de Sainct-André continue en son acoustumée follye (1) et côme aveis esté appelée au conseil en tant par vostre dite lestre, que le dire de se porteur. Il me semble n'eustes seu plus sagement respondre : J'entends monsieur le prince de Condé s'en est faché et retiré chez luy, et fait le couroucé pour ne luy estre donnèe la fille et accordée sy promptement quy voullet! Il feret sagement n'estre sy collere. Il se doit contenter du passé et estre plus prudent pour l'avenir: pour le moings je le desire ainsy (2).

s'en trouvera toujours.

Quant à ma responce, ma mye, vous savé se que souvent en avons dit ensemble, pour vostre aysné. Je desire pleus bonne allyance que aultre bien, et n'aré regret, qu'il demeure libre, pour en choisir telle que pourrez aussy il est vray, sil se peut faire garder sete fille, pour vostre puisné, je l'eusse bien desiré: sy l'on ne peut, de par Dieu, il Je serés bien ayse sy se que m'escrivés de vostre frere le cardynal pouvest avenyr, je n'ay guarde d'en faire bruist.... dant sa personne il vous mendera sependant son avys. Je suis bien ayse la court ne vyendra sy tost, tout en yra mieux pardeça. Mes que je soye à Joinville je vous mendré le plus tost que pouré des nouelles de vos anffans: jen ay eu ennuyst, (aujourd'hui): tout sy porte bien, je ne vous en diré davantaige. — C'est se

(1) Curieuse allusion aux folles amours du prince de Condé. On sait qu'à peu de temps de la mort d'Eléonore de Roye, sa femme, le prince redevenu libre, courtisoit en même temps et la veuve du mareschal SaintAndré et la belle Isabeau de Limeuil dont il venoit d'avoir un fils, affaire qui fit grand scandale à la cour, car la Limeuil étoit demoiselle d'honneur et parente de la reine mère. La maréchale de Saint-André qu'il amusoit de vaines promesses, lui donnoit, pour se l'attacher, sa belle terre de SaintVallery, tandis que le volage recherchoit la belle fille de la maréchale -qu'il prétendoit épouser. La mort de celle-ci vint à temps rompre toutes ces intrigues. (Voir le charmant récit de M. le duc d'Aumale dans sa récente et précieuse Histoire de la maison de Condé.)

(2) Curieuse allusion.

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