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sous le nom d'amis de la constitution; décrète qu'elle s'occupera sans relâche des moyens d'assurer la défense et la tranquillité des frontières. >

La séance est suspendue à 11 heures un quart.

Le 23, à midi.

M. Rabaud occupant le fauteuil pendant l'absence du président, annonce que la partie de l'assemblée nationale qui a assisté à la procession de Saint-Germain-l'Auxerrois est de retour. Aussitôt une musique militaire fait entendre aux portes de la salle l'air Ah! ça ira. Environ 200 membres de l'assemblée entrent précédés de la musique, et escortés par un nombreux détachement de grenadiers de la garde nationale qui se rangent en plusieurs haies au milieu de la salle.

M. le président. Le détachement de la garde nationale qui a escorté l'assemblée, lui demande la permission de prêter dans son sein le serment de tous les fonctionnaires publics militaires.

M. Bouthillier. N'ayant pu me trouver hier à l'assemblée, je m'empresse de suivre les traces de mes collègues, et de prêter le serment dans la forme décrétée par l'assemblée nationale, d'employer les armes qui me sont confiées à la défense de la patrie, de maintenir la constitution contre tous ses ennemis, tant extérieurs qu'intérieurs, etc.

Ce serment est répété au même instant par tous les gardes nationaux, au bruit des applaudissemens réitérés de l'assemblée. La musique reprend l'air : Ah ça ira, et le détachement se retire de la salle.

M. le président reprend le fauteuil, et l'assemblée se forme en corps délibérant.

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre par laquelle trois citoyens de Paris offrent à l'assemblée une contribution volontaire pour le paiement des gardes nationaux qui seront employés à la défense des frontières.

L'assemblée ordonne l'impression de cette lettre.

Plusieurs des citoyens qui ont contribué à arrêter le départ du roi sont introduits à la barre. L'un d'eux porte la parole.

«L'assemblée nationale est instruite qu'un détachement du régiment de Royal-Allemand devait protéger le départ du roi. Voici comment l'exécution de ce projet a été arrêtée. Le maître de poste de Châlons ayant conçu des soupçons sur la voiture qui renfermait le roi et sa famille, les a suivis jusqu'à Clermont. Là les conducteurs de la voiture demandèrent des chevaux pour Verdun. Les soupçons du maître de poste augmentèrent, lorsqu'il vit la voiture prendre le chemin de Stenay. Ce fut à Varennes que deux jeunes gens à qui il avait communiqué ses soupçons, arrêtèrent la voiture. Les courriers fouettèrent les chevaux; mais les jeunes gens ayant menacé de tirer dans la voiture, on arrêta. Aussitôt on sonna l'alarme, on fit descendre les voyageurs; ce qu'ils firent sans résistance.

>On ignorait encore qui ils étaient, lorsque je reconnus le roi et la reine, le dauphin, madame Elisabeth et Madame Royale. Les citoyens témoignèrent le plus grand zèle. La bonne contenance de la garde nationale et la fermeté des officiers municipaux prévinrent toutes les tentatives. Le roi ordonna qu'on avertît les différens détachemens qui étaient en route qu'il allait retourner à Paris. En moins d'une heure de temps, il y eut 4,000 hommes de gardes nationales réunis, sans compter les dragons qui, en bons patriotes, s'étaient joints à eux. On a aussitôt envoyé des courriers dans tous les lieux circonvoisins. J'ai cru devoir me rendre sur-le-champ à Paris pour exposer cès faits à l'assemblée nationale.» (On applaudit.)

Une députation du conseil-général de la commune de Paris se présente à la barre : l'un des officiers municipaux fait lecture de la lettre suivante adressée à la municipalité de Paris par le maire de Sainte-Menehould.

Sainte-Menehould, le 22 juin, à 4 heures du matin.

>J'ai l'honneur de vous annoncer que le roi est parti d'ici à deux heures du matin pour se rendre à Châlons, et de suite à Paris.

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Le roi et la reine m'ont fait promettre qu'il ne leur arriverait aucun accident dans la route et à leur arrivée à Paris, ainsi qu'aux personnes de leur suite. Je le leur ai promis sur ma tête, et leur ai assuré en conséquence que je ne les quitterais pas pendant toute la route. Je vous prie de prévenir les citoyens de la capitale, et de prendre toutes les mesures pour que l'arrivée du roi n'y trouble pas la tranquillité publique..

M. Muguet. Il est extrêmement important que le décret rendų hier soit exécuté sur-le-champ. Les commissaires ne sont pas partis, parce qu'ils ont pensé qu'il y avait lieu à leur donner de nouvelles instructions. Je demande qu'il leur soit enjoint de partir sur-le-champ.

Cette proposition est décrétée.

M. le président. Comme il est important que la nuit prochaine il y ait un plus grand nombre de membres que la nuit dernière, je propose que l'assemblée suspende la séance pour deux heures.

L'assemblée suspend sa séance, et cependant un certain nombre de membres demeure dans la salle, et un des ex-présidens occupe le fauteuil.

Le 23, à 4 heures du soir.

M. le président fait lecture d'une lettre des trois commissaires envoyés à la rencontre du roi. Cette lettre est ainsi

conçue:

La Ferté-Sous-Jouare, à 9 heures du matin.

Le roi est parti cette nuit de Châlons, escorté par une armée de gardes nationales accourues des départemens voisins, dès l'instant où la nouvelle de l'arrestation y fut répandue. Nous avons donné partout des ordres pour la sûreté et la tranquillité du retour du roi. Nous avons été parfaitement secondés par les dispositions des citoyens. Partout les impressions du peuple sont les mêmes qu'à Paris. Sa contenance est fière et tranquille. Nous n'avons cessé de recueillir des témoignages de respect et de confiance pour l'assemblée nationale. >

M. Rewbel. Les ennemis du bien public se flattaient qu'à peine

le roi serait parti, les mécontens se réuniraient et aideraient leurs projets. Partout la tranquillité publique a été maintenue, et l'on n'a vu éclater que des signes de patriotisme. Je demande que la lettre des commissaires soit imprimée.

L'assemblée ordonne l'impression.

La séance est suspendue et reprise quelques minutes après. Un de MM. les secrétaires fait lecture de deux lettres, l'une du département de Seine-et-Marne, et l'autre du département de la Somme, qui annoncent que la nouvelle du départ du roi n'a occasionné aucun désordre, et protestent de leur entier dévoùment aux décrets de l'assemblée nationale.

M. Robespierre. La patrie doit être reconnaissante. M. Mangin et les deux gardes nationales qui ont arrêté la voiture du roi ont rendu un service signalé. Je demande qu'il leur soit décerné une couronne civique.

L'assemblée renvoie cette proposition à son comité de consti

tution.

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de MM. les administrateurs du district de Sens; en voici l'extrait: Nous avons été informés à cinq heures du soir de la nouvelle du départ du roi. Aussitôt la municipalité a fait prendre les armes, publier une proclamation pour le maintien de la tranquillité publique, et distribuer des armes. Cette nouvelle a apporté l'étonnement, et non la terreur: un mâle et silencieux courage a succédé au premier moment de surprise. (On applaudit.)

P. S. Nous venons d'apprendre que M. Jaillant, député de notre département, est dans cette ville. La garde nationale s'est réunie à nous pour le presser de se rendre au corps-législatif.›

M. Jaillant. J'étais absent de l'assemblée nationale par congé. Aussitôt que j'ai appris la nouvelle du départ du roi, j'ai pris la poste, et je me suis rendu ici.

M. Rewbell. Je demande que les lettres qui nous sont arrivées des départemens soient insérées au procès-verbal, et envoyées aux autres départemens.

M. Dandré. Cet envoi est inutile; les adresses des départemens

seront insérées dans les procès-verbaux, qui apprendront à l'Europe la conduite de l'assemblée dans ces circonstances. M.Latouche. Je demanderais qu'on exceptât mon département de cet envoi. Il n'a pas besoin de cette stimulation.

Plusieurs voix s'élèvent : Le mien non plus.

L'assemblée passe à l'ordre du jour.

M. Thouret. Un grand crime a été commis dans l'événement de la nuit du 21. Sous quelqu'aspect qu'on l'envisage, soit que le roi ait été enlevé par violence, soit qu'il ait été égaré par des suggestions perfides, il est nécessaire que l'assemblée caractérise le crime et dévoue les coupables à la vengeance des lois. C'est l'objet du premier article que vous présente votre comité de constitution. Les autres articles sont relatifs aux dispositions nécessaires à la sûreté de la personne du roi, tant pendant la durée de son voyage qu'après son arrivée.

M. Thouret présente un projet de décret dont voici les dispositions :

. L'assemblée nationale déclare traîtres à la nation et au roi ceux qui ont conseillé, aidé ou exécuté l'enlèvement du roi, et tous ceux qui, pour favoriser des desseins pervers, aussi contraires aux droits du peuple qu'aux intérêts de la royauté, tenteraient de mettre obstacle à son retour, et à sa réunion aux représentans de la nation.

› L'assemblée nationale ordonne à tout fonctionnaire civil et militaire d'employer, chacun en ce qui le concerne, l'autorité qui lui est confiée pour protéger le retour du roi ; de repousser par force, saisir et mettre en état d'arrestation tous ceux qui oseraient porter atteinte au respect dû à la dignité royale.

Quelques membres demandent à aller aux voix.

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M. Robespierre. Le décret qu'on vous propose préjuge de grandes questions. On ne voit dans la première partie qu'une disposition sévère contre les conseillers de l'évasion du roi. Le devoir des représentans de la nation les oblige à agiter une question plus importante. Vous la pressentez tous; je ne veux pas la développer, et j'en demande l'ajournement. Vous avez reconnu

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