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ait un lieu exclusivement destiné aux affiches de l'autorité publique, et d'où elles ne puissent être arrachées sans délit ; car la promulgation presque ignorée qui se fait dans les greffes des tribunaux est insuffisante. M. Goupil va lire deux articles qu'il a rédigés ; l'assemblée optera entre eux et ceux que je lui ai présentés; mais dans tous les cas, je demande qu'on consacre par un décret quelconque le principe qu'aucune section, aucune société non constituée ne puisse prendre ni afficher des délibérations. (On applaudit dans le milieu de la salle. On murmure dans l'extrémité gauche.)

M. Goupil. Voici les articles que j'ai rédigés :

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Art. Ir. Il sera assigné dans chaque ville un lieu exclusivement destiné à recevoir les affiches qui seront faites par l'autorité publique.

II. Ceux qui feront mettre dans ledit lieu une autre affiche quelconque seront condamnés à une amende de 100 liv., et même, s'ils sont trouvés en flagrant délit, ils pourront être arrêtés et conduits à la maison d'arrêt, jusqu'à la connaissance que les tribunaux auront faite du délit.

M. Legrand. Je crois que les articles de M. Goupil sont insuffisans et même dangereux; car il en résulterait que, sauf les lieux destinés aux actes de l'autorité publique, tout citoyen pourrait placarder, (Plusieurs voix de la gauche : Oui.) Or, il me semble que la responsabilité serait alors nulle; car on ne peut rendre un mur responsable. (Plusieurs membres du milieu de la salle applaudissent. Dans l'extrémité gauche on murmure et on rit. La droite garde le silence.) Je demande que le comité de constitution fasse un code pénal et un projet de loi pour la responsabilité qui doit accompagner l'exercice du droit de plat arder.

M. Noailles. Le droit de placarder est une dépendance de la liberté de la presse; il tient à la liberté de manifester sa pensée d'une manière quelconque. Il ne doit pas y avoir plus de responsabilité pour l'exercice de ce droit que pour celui d'écrire et d'imprimer.

M. Legrand. Ce que je demande, c'est qu'on fasse une loi pour empêcher qu'on puisse placarder des calomnies contre les citoyens, nuitamment, par exemple. (On rit.)

M. Prieur. Quand vous feriez une loi contre les placards calomnieux, je demande si vous empêcheriez qu'on en affichât nuitamment. Voulez-vous au contraire consacrer les principes de la liberté? les écrits calomnieux et incendiaires tomberont dans le mépris. Voulez-vous détruire les placards incendiaires, calomnieux et factieux; laissez-en couvrir les murailles, et bientôt ils tomberont dans l'avilissement. Si vous les défendez, ils deviendront rares; plus ils seront rares, plus ils seront recherchés, et plus ils feront d'effet. (On entend des rumeurs.) Et voici la preuve de ce que j'avance. La calomnie n'a-t-elle pas aiguisé tous ses poignards contre nous? Ces libelles se vendaient dans les rues; vos corridors en étaient pleins; aujourd'hui il n'y en a plus. (On murmure.) On me dit qu'il y a encore l'abbé Royou, l'Ami du peuple; je dis qu'ils ne sont plus lus que par les insensés, et que non-seulement tous ces libelles ne se vendent plus, mais que les honnêtes gens n'en veulent plus pour rien. Laissez donc une liberté entière, et les mauvais écrits tomberont d'eux-mêmes dans le néant.... Le droit d'affiche doit être respecté comme tout autre moyen de manifester sa pensée.

M. Regnaud, député de Saint-Jean-d'Angely. Le droit d'affiche appartient à tous les particuliers, sous les mêmes conditions que l'édition de leurs pensées. Mais je réclanie contre l'attribution de ce droit aux sociétés, parce que je crois qu'il se rapprocherait du caractère de la loi, et semblerait leur consacrer une existence politique. Je demande donc que ce droit soit attribué seulement à tous les individus, et point aux sociétés.

M. Barnave. Je ne crois pas que la discussion, envisagée sous son véritable point de vue, puisse être l'objet d'un dissentiment d'opinion. Je distingue deux choses dans la question, l'une est le caractère légal qui doit être exclusivement attribué à la loi, et l'autre la manifestation de la pensée. Je vois trois points très-distincts dans la contexture des actes émanés des autorités consti

tuées, savoir: l'intitulé, l'affiche et la publication. Quant à l'affiche, je pense comme M. Goupil, qu'il doit lui être réservé une place particulière. La publication doit être assujettie aux mêmes principes: c'est être sacrilége à la loi, que d'en emprunter les formes. L'intitulé doit aussi être particulier; aucun acte d'association établi par la loi, ne pourra porter le même protocole. Si elles veulent faire connaître leur sentiment, ce ne doit être que sous le titre d'avertissement. Cela tombe alors, comme l'a dit M. Regnaud, sous les mêmes règles que la manifestation des opinions; et je crois qu'à cet égard les individus réunis ont autant de droit que les individus séparés. Je demande s'il est quelqu'un dans cette assemblée qui puisse contester à un homme le droit de publier un livre. Eh bien! par la même raison, il peut annoncer que ce livre traite de telle matière, qu'il renferme telles maximes. Si ce livre a été fait par une société littéraire, ou par une académie, cette société n'a-t-elle pas aussi le droit d'annoncer son livre comme un individu isolé : hors de cela vous franchissez les limites que votre caractère même a posées.

M. Dupont. Aucun citoyen ne doit être responsable des actions d'autrui: ainsi je demande que le droit d'affiche ne soit accordé qu'à toute société qui voudra faire signer ses membres au bas de l'imprimé, parce qu'un nom collectif ne suffit point à la responsabilité.

M. Baumetz. Toute la différence qu'il y a entre la manière d'énoncer son opinion par la voie d'une affiche ou d'un livre, c'est que dans le premier cas, on s'arrête au coin de la rue pour vous lire, et que dans le second, on vous achète des mains d'un libraire ou d'un colporteur; ainsi je pense qu'il doit être permis de faire une affiche en nom collectif, comme un livre. On objecte qu'alors le droit de responsabilité n'existe plus. N'avezvous pas le président et les secrétaires de la société, que vous traduirez devant les tribunaux, comme particuliers. Je demande donc que le droit d'affiche ne soit pas retiré aux sociétés.

M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely. Dans une société il n'y aura jamais qu'une partie de ses membres qui aura été de l'avis

de la délibération, comment voulez-vous rendre la minorité responsable d'un acte auquel elle aura refusé de concourir?

M. Chapelier. J'adopte les diverses propositions qui ont été faites. Il en est cependant une à laquelle je m'oppose. On demande que les sociétés puissent afficher sous un nom collectif. Sous le point de vue de l'intérêt particulier, rien ne serait plus nuisible aux sociétés qui pourraient se trouver liées par vingt de leurs membres; et, sous le rapport de l'intérêt public, on donnerait lieu de craindre la renaissance d'associations qui finiraient par prendre un caractère politique. Je pense que les sociétés peuvent donner des avertissemens par la voie d'affiche, en mettant au bas la signature de deux ou trois personnes, et en y joignant le nombre des individus, au nom desquels cet avertissement sera donné.

La discussion est fermée.

L'assemblée consultée décrète l'article suivaut :

‹ Art. XIV. Aucune affiche ne pourra être faite sous un nom collectif. Tous les citoyens qui auront concouru à une affiche seront tenus de la signer. ›

M. Roederer. Je demande, non pas seulement pour l'intérêt du trésor public, mais par une raison politique que toutes les affiches soient soumises aux droits de timbre. (On applaudit à plusieurs reprises.)

M. Biauzat. Vous ne devez pas établir le droit de timbre sur les affiches des personnes qui veulent débiter leurs ouvrages.... Je demande le renvoi de la proposition de M. Roederer au comité, qui nous en fera un rapport détaillé.

On demande à passer à l'ordre du jour.

M. Roederer. On peut décréter le principe et renvoyer au comité les détails. Il y a au droit d'affiche un petit danger qui n'est point attaché à la publication des livres ; c'est particulièrement pour le prévenir que je propose le timbre. Lorsque dans un libelle, un aristocrate me traite de factieux, j'ai contre lui un facile recours, parce que je trouverai toujours, soit l'imprimeur, soit le libraire, soit le colporteur. L'affiche ne présente.

BIBLIOTECA

STORIA

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pas le même avantage. Je demande donc, avec le comité, que celui qui met l'affiche soit obligé de la signer, et je demande encore que l'on ne puisse pas mettre une fausse signature; cela n'arrivera jamais si on est obligé de la porter chez un homme pu→ blic pour y apposer le timbre.

L'assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de passer à l'ordre du jour.

Le renvoi de la proposition de M. Roederer au comité est décrétée.]

Organisation du corps-législatif.

SÉANCE DU 16 MAI.

[M. Thourel. Dans le rapport que je vais vous faire, je ne me livrerai point au développement auquel pourraient donner lieu les articles que vous présente votre comité de constitution: mon objet est d'offrir sur l'ensemble de simples aperçus généraux. Le travail du comité est composé de quatre-vingt-dix-neuf articles dont vingt-cinq ont déjà été decrétés. Je vais en indiquer les divisions. Par votre décret du mois de septembre 1789, vous avez décrété que le pouvoir législatif résidait dans l'assemblée natio nale permanente, et qu'elle ne serait composée que d'une chambre. Ces dispositions font la matière des cinq premiers articles. Par votre décret du 22 décembre de la même année, vous avez établi les principes de la représentation, le mode des élections et les conditions d'éligibilité. Pour compléter ces premières bases, deux questions restent à résoudre. La première, celle de savoir si les membres de cette assemblée seront éligibles à la prochaine législature. (Plusieurs voix s'élèvent dans toutes les parties de la salle: Non, non, non. On applaudit à plusieurs reprises. Quelques minutes se passent dans une agitation assez vive.) Je suis convaincu que l'assemblée n'a pas perdu de vue qu'il faut entendre avec calme le développement des objets dont elle doit s'occuper. La seconde question qui reste à décider est celle de savoir s'il y a quelques fonctions publiques qui puissent exclure

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