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fidèles de deux contre-lettres envoyées en même-temps que la déclaration dont on a voulu qu'elles annulassent l'effet, et qu'elles ont en effet discrédité entièrement. (Cette déclaration est la lettre écrite par M. Montmorin, au nom du roi, pour les cours étrangères.) On annonce que l'on s'est soumis, pour très-peu de temps, aux lois de la nécessité; il fallait recourir à cet expédient, d'abord pour assurer sa vie, ensuite pour apaiser la défiance, et se servir de l'instant où elle se ralentirait, afin de reprendre les mesures de précaution récemment déconcertées. Voici l'explication de ces derniers mots : je l'ai puisée à la même source il y a peu de jours. Le voyage de Saint-Cloud, qui n'a pu s'effectuer (au 18 avril dernier), ne devait pas se terminer à deux lieues de Paris; la nuit suivante aurait conduit à Compiègne, et de là à Bruxelles. Alors un manifeste eût appris à l'Europe qu'on venait d'échapper à une longue et pénible captivité. Le correspondant du Moniteur termine ainsi : « Ces détails doivent obtenir votre confiance: ils partent des Tuileries et sont apportés, par une correspondance confidentielle, dans une cour d'Allemagne peu éloignée d'ici; deux fois j'ai vu les lettres originales: régulièrement j'en obtiens des copies. ›

Le 1er juin, le président de l'assemblée nationale reçut une lettre de Montmorin, réfutant le Moniteur, et renouvelant les protestations. Voici cette lettre:

. Ce serait une tâche difficile à remplir, et même absurde à tenter, que celle de répondre aux calomnies répandues habituellement dans une partie des nombreux journaux dont nous sommes inondés. Le parti le plus sage, et surtout le plus facile, est sans doute d'abandonner ces calomnies au mépris qui les attend, lorsque le calme, dont elles ont pour principal objet d'éloigner le retour, permettra de les apprécier à leur juste valeur. Mais cependant lorsque ces calonmies sont de natnre à alarmer la nation entière, lorsqu'elles tendent à élever les défiances les plus injustes et les plus outrageantes sur les intentions de la famille royale, lorsqu'elles se trouvent consignées dans un journal qui, jusqu'à présent, n'était pas encore confondu avec ceux qui pa

raissent n'avoir d'autre but que celui d'agiter le peuple, de l'égarer et de le porter à des excès; lors, dis-je, que tant de circonstances se trouvent réunies, il est de mon devoir, comme fonctionnaire public et comme ministre du roi, de démentir, avec la plus grande publicité, ce que la malveillance invente et répand, et ce que la défiance n'est que trop portée, dans les circonstances actuelles, à accueillir. Je crois donc devoir mettre sous les yeux de l'assemblée nationale un article inséré dans le numéro CLI du Moniteur, sous le titre d'Allemagne. L'auteur suppose que deux contre-lettres ont été, en même temps que les instructions du roi, envoyées dans les cours étrangères. Il prétend que son correspondant de Francfort a les copies fidèles de ces contre-lettres, et ne craignant pas de prêter à sa majesté le projet d'évasion le plus absurde, il affirme que les détails partent des Tuileries, qu'ils sont portés dans une cour d'Allemagne par des lettres confidentielles, et que le même correspondant de Francfort a vu deux fois les lettres originales.

› La précaution que prend l'auteur de garder l'anonyme, et de cacher le nom de son correspondant, porté assez le caractère de la calomnie; mais cette réflexion, toute simple qu'elle est, ne suffit peut-être pas dans ce moment. J'atteste donc sur ma responsabilité, sur ma tête, sur mon honneur, que le projet insensé qu'on ne rougit pas de prêter au roi dans cet article, n'a jamais existé. Ah! si l'on pouvait connaître dans tous les détails les soins et la vigilance de sa majesté, on verrait combien ils sont d'une nature différente.

› Quant aux contre-lettres qui paraîtraient me regarder personnellement, si j'étais nommé par le Moniteur, et il dépend de son auteur de me nommer, j'en traduirais sur-le-champ l'imprimeur devant les tribunaux ; l'auteur de l'article serait forcé de se faire connaître, et je croirais donner une preuve de mon respect pour la liberté de la presse, en sollicitant contre lui les peines de la calomnie. Il est temps de regarder comme des ennemis publics ceux qui, ne cessant de tromper le peuple pour l'agiter,

font naître au milieu de nous des périls réels en lui en présentant sans cesse d'imaginaires. ›

P. S. Je viens dans l'instant, M. le président, de mettre cette lettre sous les yeux de sa majesté, et non-seulement elle m'a permis, mais elle m'a ordonné d'avoir l'honneur de vous l'envoyer, et de vous prier d'en donner communication à l'assemblée nationale.

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Cette lettre obtint de nombreux applaudissemens.

Le Moniteur du 4 y répondit en ces termes :

[Nous ne voyons pas sans surprise que l'on soit étonné de notre silence sur la dénonciation de M. Montmorin, ministre. On prétend s'en servir pour affaiblir la confiance du public, et jamais nous ne l'avons mierx méritée.

Loin de nous justifier de l'emploi que nous avons fait DE LA LETTRE datÉE DE FRANCFORT, nous nous applaudissons de l'effet qu'elle a produit, et du désaveu ministériel dont cette lettre a été l'éclatante occasion.

Nous regarderions même çe DÉSAVEU comme parfaitement rassurant, si le correspondant de Francfort avait entendu par le mot de contre-lettre une expédition diplomatique faite par le ministre, et communiquée par la voie des ambassadeurs ou des envoyés. Ce n'est point là le sens que ni l'auteur, ni les lecteurs de cette lettre ont pu y attacher; ainsi nous n'en persistons pas moins à croire au sens éclairé et au patriotisme vrai de celui par qui la lettre a été écrite, en supposant même qu'il eût été trompé. Un ministre des affaires étrangères n'est pas toujours le confident de l'intérieur. Eh! que penserait-on d'un journaliste qui aurait négligé d'employer une lettre d'un si pressant intérêt, et qui ne se serait point dit à lui-même: Si la nouvelle est malheureusement véritable, il faut la publier; si elle est fausse, elle sera démentie? Dans tous les cas, même dans la supposition d'un mensonge déjà fort répandu, n'est-ce rien que d'avertir les ministres patriotes, s'ils le sont, que les mécontens abusent en pays étrangers de l'idée qu'on partagerait au château des Tuileries leur fureur et leurs abominables desseins.]

Un volume ne suffirait pas à rapporter les diverses preuves de l'immense mouvement qui partout se manifestait. Les villes frontières étaient traversées incessamment par des bandes d'émigrés; les lettres s'accordaient en ce point, que l'explosion aurait lieu au commencement de juillet.

Nous diviserons en deux parties le mois que nous allons raconter. Dans la première nous rendrons compte de toutes les séances de l'assemblée étrangères à la fuite à Varennes, ainsi que des faits capitaux accomplis à Paris et dans les provinces, du 1o au 21 juin; dans la seconde nous placerons le départ du roi, avec ses conséquences parlementaires et extra-parlementaires.

ASSEMBLÉE NATIONALE (du 1er au 21 juin.)

Nos lecteurs n'ont pas oublié que ce fut dans la séance du 1er juin que l'assemblée décréta le maintien de la peine de mort. Nous n'avons à ajouter de la longue discussion sur le Code pénal qu'une circonstance relative au mode même du supplice. Lepelletier proposa la décapitation, afin d'amener plus facilement l'opinion publique à ne point faire rejaillir la tache de l'exécution sur la famille du condamné. Chabroud et Lachèse, convaincus que ce préjugé n'existait plus, votèrent pour qu'on ne fît pas couler le sang aux yeux du peuple. Larochefoucault-Liancourt se rangea de leur avis, par le motif que la corde ayant malheureusement servi aux vengeances populaires, devait être proscrite. La décapitation fut décrétée.

Le 3 et le 4 juin, l'assemblée s'occupa du droit de grâce. Le comité en proposait l'abolition. Trois opinions furent ouvertes à ce sujet les uns voulaient que ce droit fût conservé au roi; les autres, qu'il fût attribué à l'assemblée; d'autres enfin qu'on le supprimât. Le club des Jacobins entreprit cette question en même temps que l'assemblée. Nous avons lu les discours prononcés en cette circonstance, et nous n'y avons rien trouvé qui méritât un extrait.La solution la plus raisonnable était celle d'abolir le droit de commutation ou de grâce toutes les fois qu'il s'agirait de délits politiques; et de la sorte la méfiance qui s'op

posait à laisser entre les mains du pouvoir le moyen d'absoudre ses propres amis, eût cessé aussitôt. Qui, en effet, eût pu s'alarmer du droit de grâce dans l'ordre des délits civils? — L'assemblée adopta l'avis du comité.

La séance du 9 fut consacrée à discuter l'incompatibilité des fonctions. Après de vifs débats, l'assemblée décréta, sur la rédaction de Duport, que les fonctions d'administrateurs, de juges et de commandant de la garde nationale étaient incompatibles avec la législature, et ne pourraient être reprises par ceux qui en étaient revêtus, qu'à l'expiration de leur mandat de députés au corps-législatif.

Le 10 et le 11, l'assemblée s'occupa d'une question importante, que tout le monde, à Paris et dans les départemens, agitait depuis plusieurs mois il s'agissait du licenciement de l'armée.

Le club des Jacobins avait déjà consacré plusieurs séances à traiter cette matière. Antoine y fit les motions les plus énergiques; Roederer y prononça un long discours sur les moyens de désaristocratiser l'armée; il était rapporteur du comité nommé

par

le club pour examiner ces moyens. Voici son discours et celui de Robespierre.

CLUB DES JACOBÍNS, séance du 8 juin.

M. Roederer. Le comité que vous avez chargé de vous rapporter les moyens de désaristocratiser l'armée, s'est acquitté avec empressement de la tâche que vous lui aviez imposée.

› Deux grandes circonstances l'ont frappé : les dangers et les remèdes pour le temps actuel, et les dangers et les remèdes pour l'avenir. Je ne veux pas vous parler des dangers qui menacent à Textérieur; je ne veux pas parler des projets de contre-révolution médités par M. de Condé et les princes étrangers. Ces projets et ces conspirations ne seraient dignes que de pitié, s'il n'était pas à craindre qu'ils trouvassent dans l'intérieur du royaume et dans notre armée une trop redoutable et trop puissante assistance.

› Pour le moment actuel, nous avons vu trois grands dangers:

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