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nave que Desmoulins défendait contre les attaques du rédacteur du Patriote français. La lettre de Brissot est d'un pédantisme et d'une hauteur; il y règne un ton de protection froide, de sentiment de ses forces, tels, que Camille, entre les mains de son antagoniste, a l'air d'un écolier semoncé par son maître. Ce ne fut pas la seule aventure de ce dernier. Marat lui écrivit aussi une lettre en plusieurs parties. Nous regrettons de ne pouvoir donner place à cette lettre. On y sent d'un bout à l'autre l'autorité d'une profonde conviction; on y voit Marat exerçant une sévérité toute paternelle sur un franc étourdi, et le faisant rougir à force de probité, de quelques mauvaises plaisanteries qu'il s'était permises. Mentionner ces débats suffit à l'histoire; elle s'arrête là où com. mencent les détails personnels.

Nous signalerons sur ce même Desmoulins, une preuve de la faiblesse qui plus tard lui fera commettre tant de bévues politiques, disons le mot, tant de sottises. Voici comment il s'en explique: On me reproche d'avoir dîné ces jours derniers avec quelques-uns des grands pivots de l'aristocratie royale. Le mal n'est pas de dîner, mais d'opiner avec ces messieurs : j'ai cru que je valais bien un docteur de Sorbonne, à qui il était permis de lire les livres à l'index, que de même je pourrais bien dîner avec des auteurs à l'index. Il serait à souhaiter que les forts de Judas allassent se promener ainsi quelquefois dans le camp ennemi, non pas pour coucher avec les belles filles de Madian; mais pour reconnaître les batteries, observér les manoeuvres qu'on veut bien leur montrer, et comparer le fort et le faible des deux armées. J'avoue que je suis sorti de la tente ennemie, accablé de réflexions désolantes, cependant j'ai un peu repris mes esprits, avec nos héros jacobins, et en jetant les yeux sur les derniers événemens. (Révol. de France, etc., n° LXXVIII.)

Notre dernier extrait sur la presse est un compte-rendu de l'ouvrage de Lavoisier, précédemment annoncé par nous. Ce travail était tiré de son livre sur la richesse territoriale du royaume de France; il était imprimé par les ordres de l'assemblée nationale.

[M. Lavoisier, par une méthode très-simple et très-ingénieuse, est arrivé à des résultats que nous ne nous permettrons pas de juger, et qui peuvent être très-utiles pour le travail des imposi tions. Cette brochure de peu d'étendue renferme toutes les bases de l'économie politique; elle n'est cependant que le précurseur d'un ouvrage considérable. dont M. Lavoisier ne saurait assez hâter la publication. C'est bien utilement servir la patrie que de multiplier les connaissances sur une matière si intimement liée à la prospérité publique. Ce travail n'est pas de nature à être extrait. Nous nous bornerons à citer un calcul très-patriotique et dont l'exactitude arithmétique paraît démontrée:

Les ci-devant nobles, en y comprenant les anoblis, ne formaient qu'un trois-centième de la population du royaume, et leur nombre, hommes, femmes et enfans compris, n'était que de 85,000, dont 18,525 seulement étaient en état de porter les armes. Les autres classes de la société, celles qu'on avait coutumé de confondre sous la dénomination de tiers-état, peuvent fournir un rassemblement de 5,500,000 hommes en état de porter les

armes.]

(Moniteur.)

Faits révolutionnaires. Nous avons dit que le bataillon des Cordeliers avait changé son nom en çelui de l'Observance. Voici ce que nous lisons là-dessus dans l'Orateur du peuple, tome 5, page 47. La minorité du bataillon des Cordeliers, influencée par les mouchards du général, après avoir prêté le fameux serment, rougissant d'avoir une identité de nom avec le redoutable club des Cordeliers, avait cru devoir prendre le titre de bataillon de l'Observance. Le conseil municipal s'était empressé de donner par un arrêté sa sanction à cette mascarade; mais la majorité patriote s'est ralliée à la voix du brave Danton. Le résultat unanime de la délibération a été que le bataillon reprendrait son glorieux nom de Cordeliers. ›

-La compagnie des grenadiers de l'Oratoire, qui avait été licenciée, fut immédiatement réorganisée; on en exclut cependant douze membres. Ce replàtrage, dit Brissot, n'efface point la flétrissure, et les quatorze hommes exclus ont le droit de de

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mander à être jugé. Il est évident que tous les principes sont ici violés, puisqu'on a puni avant d'avoir jugé. › (Patriote français de mai.) Il parut bientôt dans plusieurs journaux une lettre justificative des grenadiers inculpés, signée par Ducruix, l'un d'entre les quatorze. A l'occasion de cet écrit, les griefs contre la Fayette furent énergiquement résumés. On revenait sur la protestation contre le serment du 22 avril, faite par Dubois de Crancé, sur l'arrêté du club des Cordeliers, et sur celui de la section du Théâtre-Français du 28, arrêté qui donnait acte à Danton d'une dénonciation contre le maire et le général, pour avoir réuni et employé tous leurs efforts à exciter le département de Paris à donner ordre de faire tirer sur le peuple qui s'opposait au départ du roi. Cet arrêté est signé : Boucher de Saint-Sauveur,` président; Leclerc Saint-Aubin et Montmoro, secrétaires.

- Le club des Cordeliers était le foyer révolutionnaire que l'état-major de la garde nationale, ledépartement et les municipaux cherchaient principalement à éteindre. C'était presque à cause de lui, à cause de la section du Théâtre-Français, composée de ses membres et de quelques autres sections tracassières, que la loi sur les pétitions et affiches avait été sollicitée et rendue. On avait emprisonné des individus qui appartenaient à ce club connu aussi sous le nom de Société des droits de l'homme et du citoyen. Fréron publie dans son journal, t. 6, p. 68, une dénonciation faite au garde-des-sceaux par le club des Cordeliers, des vexations inouïes et emprisonnemens exercés envers plusieurs de ses membres. Cette dénonciation déclamée outre mesure, hardie par-delà toute limite, est signée Peyre, président; Rutledge, Montmoro, secrétaires; Vincent, secrétaire-greffier. Le même Fréron mentionne aussi, t. 6, p. 61, une adresse des Marseillais au club des Cordeliers au sujet de la Fayette. Elle était envoyée au nom des 50 citoyens qui s'étaient emparés du fort de La Garde, et signée, Jacques Monbrion, secrétaire; Carrière, Joly, commissaires. Ce manifeste est la première pièce dans laquelle s'annonce le rôle que joueront les Marseillais dans la suite de cette histoire. Aussi Fréron n'a-t-il pu résister au plaisir de contribuer à la

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publication de leurs principes et de leurs sentimens si dignes d'un peuple libre : quelle énergique leçon pour les Parisiens et pour les quatre-vingt-deux départemens! »

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Le terme des persécutions contre le club des Cordeliers, fut de fermer leur lieu de réunion. Voici comment Fréron raconte le fait. Il commence par énumérer tout ce que la société a eu à souffrir du département et de la municipalité; ensuite il ajoute : • La municipalité vient de poser les scellés sur la salle des Cors deliers, comme faisant partie des biens nationaux, après avoir inutilement cherché à mettre le trouble dans leurs assemblées par des provocations tumultueuses des gardes nationales soudoyées. Le club, errant et dispersé, s'est réuni au jeu-de-paume du sieur Bergeron, rue Mazarine, et à l'instar du tiers-état, poursuivi par le despotisme ministériel, ses membres y ont fait le serment solennel de ne pas se séparer. › (L'Orateur du peuple, t. 6, p. 96.) A la page 121, ce journal donne la nouvelle sui vante : « Le club des Cordeliers n'est plus errant et sans asile ; il vient de louer la salle du Musée de la rue Dauphine, et le bail est passé; comment la municipalité s'y prendra-t-elle pour le dé loger? emploiera-t-elle, comme elle l'a déjà infructueusement essayé, 30 ou 40 petits chasseurs pour venir casser ses vitres, faire les bravaches, et crier à travers les carreaux, à bas la motion! Mais ce moyen est usé; elle en sera pour la honte. Le comité central de tous les clubs et sociétés fraternelles de Paris se tiendra rue des Boucheries-Saint-Germain, où a été louée aussi par bail, la vaste salle de bal du citoyen Cirier. Ce dernier, sur le bruit qu'il avait loué sa salle aux Cordeliers, a reçu la vi site de l'aristocrate Serrat, commissaire de la section des Carmes du Luxembourg, qui lui a fait envisager avec effroi à quels risques il allait s'exposer en souffrant chez lui une assemblée de factieux. Il a offert de l'argent pour que le bail fût rompu. Il était bien évidemment l'agent de la municipalité. ›

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Nous avons annoncé que Huber avait donné sa démission, et qu'il avait été remplacé par Lafontaine. Nous n'avons à emprunter aux différens écrits auxquels donna lieu cette affaire,

que certaines réflexions de Brissot sur l'avocat de cet homme. It s'agit du fameux de Sèze. « Je me doutais bien qu'on préparait quelque comédie pour excuser la prévarication du ministre dans le choix de M. Huber pour l'un des commissaires de la trésorerie. En effet M. de Sèze, s'est chargé de la jouer cette comédie, dans un mémoire imprimé, portant ce titre : Mémoire à consulter, et consultation pour le sieur Huber. Le nom de l'avocat répond à la cause qu'il défend. On l'a vu jusqu'à présent élever la voix en faveur des ennemis de la révolution, que l'opinion publique n'a cessé de flétrir, malgré ses plaidoyers et les sentences du tribunal impur qui les accueillait. » (Patriote français, no DCXXX.)

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Tous les journaux renferment l'annonce qu'on va lire : ◄ Manuscrit perdu. M. Robespierre a laissé dans un fiacre qu'il a pris à neuf heures et demie du soir, jeudi 12 mai, sur le quai des Augustins, un manuscrit sur la liberté indéfinie de la presse et sur les sociétés populaires. Il prie les bons citoyens qui pou raient en avoir entendu parler, de le lui faire recouvrer. Il donnera une récompense à ceux qui se seront donné quelque peine pour cela. On s'adressera chez lui rue Saintonge, au Marais, no 8, ou bien chez M. F. Lanthenas, rue Guénégaud, hôtel Britannique, faubourg Saint-Germain.

-Clubs. Nous n'avons rien à ajouter d'intéressant à l'histoire des clubs, pendant le mois de mai. Le discours de Condorcet prononcé au Cercle social, et les aventures du club des Cordeliers sont les seuls détails dans l'ordre des idées, et dans l'ordre des faits, qui méritent d'être conservés. Au reste nous avertissons nos lecteurs qu'à partir du 1er juin, nous aurons un secours qui nous a manqué jusqu'à cette heure. Nous avons entre les mains le journal suivant, annoncé ainsi par le Moniteur du 8 mai.

Journal des débats de la société des Amis de la constitution de Paris, séante aux Jacobins, Ce journal, dont le titre annonce complétement le but, paraîtra tous les lundi,mardi, jeudi et samedi de chaque semaine, à compter du premier juin prochain. Il contiendra exactement le récit fidèle de ce qui se sera passé dans la séance de la veille, et l'analyse au moins des discours qui

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