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teur le plus subtil de me prouver que ce n'est pas là la vraie traduction, en termes intelligibles et clairs, du décret. J'aurais pensé qu'il n'y avait qu'un pape ou un consistoire qui pût rendre de pareils décrets. Mais en tout pays, la chose la plus rare, c'est le sens commun. Peut-on en douter, quand on voit que c'est pour dire dans le même décret, en deux lignes, blanc et noir, que nos pères conscrits se sont égosillés pendant trois jours. › (Révolutions de France, etc., n° LXXVI.)

Le décret que porta l'assemblée nationale dans sa séance du 25, sur cette même affaire, réunità peu près les suffrages de la presse patriote. Comme, pour éviter les redites où nous entraînerait un thême sur lequel les orateurs se répètent continuellement depuis la première discussion, nous avons omis tout ce qui fut débité pour et contre la réunion du comtat, pendant le mois de mai, nous allons reproduire le dernier mot provisoire qui ferma les débats. Il fut décrété sur la proposition de M. de Tracy.—‹ L'assemblée nationale charge son président de se retirer pardevers le roi, pour le prier, 1° d'employer les forces qui sont en son pouvoir, afin d'empêcher que les troupes qui se font la guerre dans le comtat Venaissin ne fassent aucune irruption sur le territoire de France; 2o de réclamer tous les Français qui ont pris parti dans l'une et l'autre des deux armées, et de publier à cet effet une proclamation qui fixe un délai et accorde une amnistie aux militaires français qui rentreront dans le délai prescrit, et qui déclare déserteurs à l'étranger tous ceux qui ne rentreraient pas; 3o de faire poursuivre et punir comme embaucheur, tout homme qui ferait en France des recrues soit pour un parti, soit pour l'autre ; 4° d'envoyer, suivant le vœu connu de toutes les parties intéressées, des médiateurs qui interposent les bons offices de la France entre les Avignonais et les Comtadins, afin de les amener à la cessation de toute hostilité, comme un provisoire nécessaire avant de prendre aucun parti ultérieur relativement aux droits de la France sur ces pays. ›

Le rapport de Talleyrand et le discours de Sieyès dans l'affaire du directoire de Paris, et par occasion sur la tolérance religieuse,

furent longuement réfutés par Brissot. Il y consacre un article en neuf réflexions, dont nous allons exposer les principales.

« Je ne copie point le discours de M. l'abbé Sieyès; il est trop long pour être copié en entier, trop serré en argumentation pour être scindé. Nous sommes tous d'accord sur les principes; il faut examiner les justes reproches qu'on peut faire à ces deux membres.

» 1° Qu'est-ce que la comédie qu'ils jouent ici? Tous deux sont membres de l'assemblée nationale et du directoire de Paris. Or, n'est-il pas ridicule et dangereux de voir M. Sieyès faire au directoire un arrêté, et le justifier à la tribune; et le collègue de M. Sieyès au directoire, chargé, comme membre du comité de constitution, du rapport sur cet arrêté.

» 2o C'est fort bien que de prêcher la liberté religieuse, mais il était très-maladroit de choisir le moment que l'on a pris.

› 5o J'ai dit et Je répète que le peuple de Paris a montré plus de bon sens, en cette occasion, que le directoire du département. Ce peuple, que les nouveaux administrateurs calomnient déjà, est plus disposé à la tolérance qu'eux-mêmes. Car, si sans parler de vos prêtres schismatiques, vous eussiez élevé une synagogue, une mosquée, une pagode; il aurait vu paisiblement les juifs hurler, les mahométans crier allah, les Indiens faire leurs simagrées. Mais le peuple ne peut voir avec la même modération le culte des prêtres non assermentés; il ne considère en eux que des factieux qui veulent prêcher la contre-révolution, et tant que vous n'aurez pas marqué, d'un signe distinctif et frappant, les contre-révolutionnaires, de ceux qui sont de bonne foi, il les verra tous de mauvais œil, et il aura raison.

. 4° 5° M. l'abbé Sieyès s'écrie : « Quels sont ces hommes qui, sous le voile du patriotisme, éveillent les défiances contre les corps administratifs? > -Ensuite, il les déchire. Quelques-uns de ces hommes, que M. l'abbé Sieyès a eu sans doute en vue, sont des citoyens indépendans, qui n'occupent et n'ambitionnent aucune place, qui n'intriguent point pour les accaparer, mais qui sont bien convaincus que tout gouvernement

est corrupteur, que l'on devrait surveiller un Socrate dans le gouvernement. Jugez de la nécessité de surveiller nos corps administratifs. J'ai remarqué cinq pas dans le directoire de Paris. Le premier, sur la publicité, est inconstitutionnel; le second était lâche; le troisième était faux; le quatrième annonce doucement le despotisme; le cinquième l'affiche. » (Le Patriote français, 10 mai.)

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-La lettre de l'abbé Raynal à l'assemblée nationale, fut accueillie par un tolle général de la presse révolutionnaire. Desmoulins en est aux regrets de n'avoir pas publié en son temps une lettre de l'abbé Rives, dans laquelle était démasqué l'auteur de l'Histoire philosophique. Ce même abbé Rives lui écrit une nouvelle lettre à ce sujet. Nous y remarquons la phrase suivante. <Thomas Raynal, par les fournitures qu'il à reçues de Diderot, s'est déclaré lui-même un citoyen insociable, en biffant le dogme de l'immortalité de l'âme, qui est le seul lien des sociétés policées. Parmi plusieurs notes dont Desmoulins a enrichi cette lettre, nous prenons une esquisse biographique de Raynal par Cloots. Raynal ne fut jamais philosophe, ni homme de génie. Ce n'est pas pourtant à cette friperie qu'il dut sa grande fortune; mais quand il ne pouvait vendre des nègres aux colons de Saint-Domingue, il faisait à Paris le commerce de la féminine denrée. (Nous savions bien que l'abbé Raynal avait fait longtemps le Mercure, mais non pas dans ce sens.) Quoique ces deux trafics de chair humaine, chacun très-lucratifs, pussent suffire à la cupidité d'un homme qui avait pris le manteau de la philosophie, il faisait un troisième métier, non moins honnête, celui d'espion de police. Un peu honteux de tant de bassesses, pour se rendre supportable à ses yeux, il se fit une superbe queue de paon, des plumes des Pechméja, des Diderot, Dubreuil, Naigeon et d'Holbach. Toutes les grandes tirades contre la superstition et le despotisme, qui ont fait la fortune de l'Histoire philosophique, et que l'on peut évaluer à quatre volumes, sont de Diderot. La fille de ce philosophe en possède le manuscrit, et doit l'insérer dans l'édition complète des œuvres de son père. Bien plus, Di

derot qui craignait que le père putatif ne lui contestât sa paternité, a pris la précaution de faire reconnaître à l'illustre Raynal, par-devant notaire, la véritable filiation de cet ouvrage. (Révolutions de France, etc., no LXXX.)

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Royou fait l'éloge de l'athée Raynal. Voici ses réflexions : ⚫ M. l'abbé Raynal, écrivain trop hardi, mais bon citoyen et bon Français, n'a pu voir sans douleur l'affreuse situation de sa patrie. Il s'est reproché amèrement d'avoir fourni des armes à ses ennemis, et il a cru devoir expier l'imprudence de ses écrits par un hommage solennel rendu à la vérité. On dirait qu'il a fait un extrait dans les colonnes de l'Ami du roi. Le début foudroyant de sa lettre a répandu le trouble dans le camp des démagogues. Le lecteur aura dû remarquer cette exclamation naïve de Royou se reconnaissant lui-même. Mais ce qui seul suffirait à faire suspecter toutes les tirades religieuses du rédacteur de l'Ami du roi, ce qui est inexplicable de la part d'un vrai croyant, parlant d'un insigne matérialiste, ce sont les phrases suivantes : « Ces remontrances si touchantes, ces avis si lumineux, si pressans, du plus célèbre philosophe de la France, n'ont pu trouver que des cœurs endurcis. Cet illustre vieillard, dont les années ont augmenté l'expérience, tempéré l'imagination, sans affaiblir le génie; ce philosophé éloquent qui prouve par sa lettre même qu'il n'a rien perdu de la vigueur de sa raison et de son style, n'est, pour les factieux, qu'un radoteur, qu'un imbécille que l'âge a ramené vers l'enfance. Si quelque chose peut excuser l'abbé Royou, c'est qu'il avait été professeur de rhétorique.

-La loi sur le droit de pétition et d'affiche fut vivement controversée. Brissot la discute en une volumineuse lettre insérée par parties dans une suite de numéros du Patriote français. Nous nous contenterons de citer quelques passages de son analyse des séances. Lorsqu'on a lu le projet de décret sur le droit de pétition, lorsqu'on se rappelle que la déclaration des droits n'est pourtant pas une chimère, on ne conçoit pas qu'il existe des hommes assez dévergondés pour oser proposer à l'assemblée régénératrice de la France de fouler aux pieds les droits les

plus sacrés de l'homme. On assure que Mirabeau, avant sa mort, avait formé le projet d'enchaîner Paris par le département, et la France par Paris. Disposant à son gré du directoire et du comité de constitution, il aurait fait ici la loi, et présidé là à l'exécution. Cette idée acquiert une grande vraisemblance, quand on observe la conduite du directoire de département, la coalition qui s'est formée entre ces deux sociétés, les adresses insidieuses de l'un, et les projets abominables de l'autre. »

› Un décret sur le droit de pétition! ne faut-il pas être bien écolier, ou profondément 1yran, pour en imaginer un! Un décret en dix-huit articles, pour une chose aussi simple, pour régler un droit que l'homme tient de la nature! Mais les valets du despotisme savent bien que multiplier les lois, c'est le secret de ressusciter le despotisme, Et voilà pourquoi ils empilent décret sur décret, volume sur volume.» (Le Patrioté français, 10 mai).

Les Révolutions de Paris émettent aussi sur ce sujet de longues observations. L'auteur de l'article épuise la série des objections qui ont été faites par les orateurs de l'assemblée. Il y ajoute celleci: Ce décret renferme d'ailleurs une contradiction manifeste avec les décrets rendus précédemment on a permis constitutionnellement aux corps administratifs, municipaux et judiciaires, de présenter des mémoires au corps-législatif. Or, ces mémoires ne sont-ils pas de véritables pétitions. Le projet sur lequel le comité lui-même vient de faire une loi, n'avait-il pas été présenté par le directoire du département de Paris, sous le titre de pétition.» Il termine ainsi : Imitons, il en est temps, la fermeté de ces fiers insulaires, nos précurseurs et nos maîtres en liberté. Ne les a-t-on pas vus, sous Richard II, condamner le comte de Suffolk, chancelier du royaume, le duc d'Irlande, l'archevêque d'Yorck, et un grand nombre de juges pour avoir pris des mesures qui tendaient à renverser la liberté publique; et quelles étaient-elles? Les mêmes, citoyens! les mêmes qu'on emploie aujourd'hui contre nous. Les chevaliers Robert Belknap et Robert Trésilian avaient voulu faire passer des propositions attentatoires au droit qu'avaient les citoyens d'entamer tous les sujets de débats,

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