Page images
PDF
EPUB

mois de l'année, ce qui réduit nos journées à vingt-quatre sous; et sur cette chétive paye, il faut que nous trouvions de quoi nous loger, nous vêtir, nous nourrir, et entretenir nos familles, lorsque nous avons femme et enfans; ainsi, après avoir épuisé nos forces au service de l'État, maltraités par nos chefs, exténués par la faim, et rendus par la fatigue, il ne nous reste souvent d'autre ressource que d'aller finir nos jours à Bicêtre; tandis que nos vampires habitent des palais, boivent les vins les plus délicats, couchent sur le duvet, sont traînés dans des chars, et qu'ils ou. blient dans l'abondance et les plaisirs, nos malheurs, refusant souvent à la famille d'un ouvrier, blessé ou tué à midi, le salaire du commencement de la journée.

[ocr errors]

› Recevez nos plaintes, cher àmi du peuple, et faites valoir nos justes réclamations dans ces momens de désespoir où nous voyons nos espérances trompées, car nous nous étions flattés de participer aux avantages du nouvel ordre de choses, et de voir adoucir notre sort.

[ocr errors]

Réflexions de Marat.« On rougit de honte et on gémit de douleur, en voyant une classe d'infortunés aussi utiles, livrés à la merci d'une poignée de fripons qui s'engraissent de leur sueur, et qui leur enlèvent barbarement les chétifs fruits de leurs travaux. Des abus de cette nature qui privent la société des services, ou plutôt qui tendent à détruire, par la misère, une classe nombreuse de citoyens recommandables, auraient bien dù fixer l'attention de l'assemblée nationale, et occuper quelques-uns de ces momens qu'elle consacre à tant de vaines discussions, à tant de débats ridicules. » (L'Ami du peuple, no CDLXXXVII.)

Les Annales patriotiques qui gardent le silence sur les coalitions de Paris, racontent ainsi un fait de ce genre, qui venait de se passer à Orléans. Les ouvriers séduits par les ennemis de la constitution, se sont portés en foule vers la municipalité et les corps administratifs, et demandaient avec les cris les pins séditieux, et les menaces les plus alarmantes, qu'on augmentât leurs salaires; mais les magistrats du peuple, inaccessibles à la crainte, ont déployé toute la force publique. On a fondu sur les mutins,

T. X.

8

et bientôt ils ont été dispersés. Trois des plus coupables ont été saisis et emmenés à la municipalité; on assure qu'en les fouillant, on a trouvé dans leurs poches des billets portant ces mots : Révoltez-vous, et venez à Paris. Ils sont bien gardés; on va faire leur procès, et tâcher de découvrir leurs infâmes instigateurs, ce qui ne sera pas difficile. (Annales patriotiques, 16 mai.) eo En outre des coalitions, les procès-verbaux manuscrits de la commune nous fourniront un dernier extrait. Il paraît que depuis la mort de Mirabeau la manie de débaptiser les rues et de leur imposer des noms nouveaux était en pleine manifestation. L'acte spontané du peuple, inscrivant rue de Mirabeau le patriote, à la place de rue de la Chaussée-d' Antin, provoqua des imitations. La municipalité intervint pour régulariser quelques-uns de ces actes, et pour en empêcher beaucoup. Voici sá délibération à ce sujet: Le corps municipal s'occupant de la question de savoir s'il ne serait pas convenable de changer les noms d'un grand nombre de rues, soit parce qu'elles en portent qui contrastent avec nos institutions actuelles, soit parce qu'il peut leur en être substitué qui rappellent des souvenirs chers à l'opinion publique'; informé que, sans attendre le résultat de sa délibération, quelques personnes ont fait poser au coin de quelques rues de nouvelles inscriptions; qu'il faut cependant considérer qu'il en est des noms des rues comme de ceux des hommes, qui ne peuvent être changés qu'avec le concours de l'autorité publique, et par des formalités dont les actes soient consignés dans les dépôts publics, parce qu'ils ont une influence sensible sur l'ordre dans les propriétés et dans les fortunes; qu'il est important de peser mûrement s'il n'y aurait pas des inconvéniens à changer tout à coup les noms de beaucoup de rues; s'il n'en résulterait pas pour le passé et pour l'avenir de la confusion pour la reconnaissance et la destination des propriétés, de l'obscurité dans le partage et dans les titres, et par conséquent des procès dans les familles et entre voisins pour les limites;

› Pensant néanmoins que ces considérations d'intérêt général et qui méritent d'être pesées avant de faire un grand nombre

[graphic]

de changemens à la fois, ne sont pas un obstacle à l'hommage que l'opinion paraît demander pour la mémoire de deux hommes justement célèbres, Voltaire et J. J. Rousseau, dont le génie et les ouvrages ont préparé la révolution;

>

› Arrête, 1o que le quai jusqu'ici reconnu sous le nom des Théatins, portera à l'avenir celui de Voltaire; 2° que le nom de J. J. Rousseau sera substitué à celui de la rue Plâtrière. » `Dans la suite de l'arrêté, des commissaires sont nommés pour présenter un rapport sur les autres changemens à faire, et les commissaires de police invités à tenir la main à ce qu'aucun particulier ne se porte de son chef à des changemens quelconques. (Séance du 4 mai.)

L'article suivant, extrait du Moniteur du 25 mai, complète les opérations municipales ayant valeur historique.

Population de Paris de l'année 1790.

[L'usage existe depuis long-temps de présenter tous les ans au roi un état de la population de Paris. Autrefois c'était le magistrat chef de la police qui avait cet honneur; aujourd'hui c'est M. le maire et les administrateurs au département de la police.. Ce devoir fut négligé l'année dernière par l'effet des circonstances; mais le résultat du travail n'en, fut pas moins inséré dans la Gazette de France, d'où tous les journaux le copièrent comme une instruction utile.

Un commissaire au Châtelet, M. Joron, était chargé de la rédaction de cet état; il le faisait sur les relevés qui lui étaient adressés par les paroisses, hôpitaux, maisons religieuses, et sur d'autres renseignemens authentiques. C'est véritablement un travail utile et bien présenté. La municipalité vient de prendre des arrangemens pour qu'il se continue sous la direction d'un administrateur de police: M. Joly en est chargé aujourd'hui.

C'est ce travail que, conformément à l'ancien usage, M. le maire, à la tête du département de police, a eu l'honneur de présenter au roi le 16 de ce mois.

Il résulte des tableaux qu'il contient, qu'en 1790 le nombre

des baptêmes s'est élevé à Paris à 20,005, savoir : 10,133 garçons et 9,872 filles, Celui des morts a été de 19,447, savoir: 10,074 hommes et 9,373 filles et femmes. Dans ce nombre sont comprises les personnes mortes en religion et les étrangers.

Le nombre des mariages a été de 5,866, et celui des enfans trouvés reçus à l'hôpital qui leur est destiné, de 5,842, savoir: 2,967 garçons, et 2,875 filles.

Il résulte de la comparaison de ce tableau avec celui de l'année 1789, qu'il y a eu en 1790 123 enfans trouvés, 622 baptêmes, 1,085 mariages de plus, et 914 morts de moins qu'en 1789.

Il résulte aussi de la comparaison des morts et des naissances que celles-ci ont surpassé les premières de 558 en 1790.

On voit encore par ce travail qu'en 1790 il est mort 6,019 personnes dans les divers hôpitaux de Paris, savoir: 3,572 hommes et 2,647 femmes, et que 1,660 femmes y ont fait leurs couches; ce qui fait 1,570 morts et 15 naissances de moins dans les hôpitaux qu'en 1789.

Ce résultat certain prouve que malgré la suspension des travaux, et les autres causes de détresse publique, moins de personnes sont mortes aux hôpitaux pendant 1790 qu'en 1789. I est vrai que le nombre des enfans trouvés s'est accru de 123; mais cette circonstance peut tenir en partie à la négligence des réglemens si sagement établis par M. Necker sur le transport de ces innocentes créatures. Il en vient des provinces à l'hôpital de Paris; on les y fait passer avec d'autant plus d'empressement, que l'intolérantisme des campagnes ne connaît point de mesure à l'égard des enfans illégitimes, et qu'ils y sont, comme leurs mères, un objet d'opprobre et de réprobation publique.

On a pu remarquer encore que le nombre des mariages a été, en 1790, de plus d'un cinquième plus considérable que celui de l'année précédente, et que les naissances, pendant ce même temps, ont surpassé les morts de 558.

Dans une ville comme Paris, où les affaires, le commerce, les plaisirs et la liberté morale attirent un grand nombre d'individus qui n'y sont pas nés, je crois qu'on peut adopter, pour l'estima

tion du nombre des personnes qui l'habitent, le plus grand des rapports indiqués par les économistes pour calculer la population; c'est 33. Ce nombre multiplié par 20,005, nombre des naissances en 1790, donne un produit de 660,165 habitans. En multipliant le nombre des morts par le même facteur, on a 641,751, ce qui est à peu près le terme moyen des calculs ordinaires sur la population de Paris.

Polémique sur les actes parlementaires. Desmoulins fait une analyse très-détaillée des séances consacrées à l'affaire d'Avignon; il commence ainsi : Eh bien! dit en triomphant, M. Duval d'Espremenil à un patriote, au sortir de la séance de mercredi (4 mai): Je vous le disais bien que votre asssemblée nationale, par sa corruption, vous ferait regretter les parlemens. Le parlement d'Aix renouvelait de 10 ans en 10 ans pour la France, les actes conservatoires du comtat, et voici que l'assemblée nationale vient de démembrer Avignon de la France. Notez que le pendard de Robin, qui fait cet aveu, en sa qualité de membre du cul-desac et d'ennemi de tout bon décret, venait de voter le démembrement et de prononcer non à l'appel nominal; et appréciez les aristocrates qui avouent eux-mêmes que, pour diffamer l'assemblée nationale, ils disent non quand leur conscience dit oui. Le mot de d'Espremenil n'en est pas moins le sarcasme le plus amer contre 89 et le centre corrompu de l'assemblée nationale, et c'est le plus rude coup de fouet que nous puissions donner aux Clermont-Tonnerre, aux Malouet, aux Desmeuniers, aux Chapelier. ›

>

[ocr errors]

Après avoir résumé la discussion, Desmoulins termine de la sorte. Enfin on á décrété cette rédaction: « L'assemblée déclare qu'Avignon et le comtat ne font point partie intégrante de la France, sans entendre renoncer ni préjudicier à ses droits; » ce qui signifie en d'autres termes : L'assemblée juge qu'Avignon n'est point partie intégrante de la France, sans juger toutefois si Avignon n'est pas partie intégrante de la France. Je défie l'ergo

« PreviousContinue »