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me, a été condamné à payer le pari. Comme il y a fur le même fujet un grand nombre d'autres gageures pour des fommes très-considérables, tous ceux qui avoient cru une fille incapable de déguifer fi longtems fon fexe, & de fe rendre également célebre dans la carriere politique dans celle des armes, & dans celle des lettres feront des pertes fenfibles par la certitude qu'on femble avoir acquife de ce phénomene.

La compagnie des Indes reçut, le 27 du mois dernier, des dépêches de Madras, arrivées par terre, & en date du II Janvier dernier; tout Y étoit alors tranquille, & le lord Pigot, que d'abord on avoit voulu faire repaffer en Europe, étoit toujours relégué à fa maison de campagne. La compagnie a écrit, dit on, une lettre au nabab d'Arcate, par laquelle elle l'affure de la continuation de fon amitié, en lui déclarant en même tems fa réfolution de rétablir le raja de Tanjaour dans fes états, conformément à une ftipulation du dernier traité de paix de Paris, & des traités qui fubfiftent entre ce nabab & la compagnie.

Suivant d'autres avis, il s'en faut de beaucoup que les affaires de la compagnie foient dans une fituation favorable. On prétend, au contraire, que le nabab d'Arcate travailloit fous main à fufciter une révolte dans l'armée, fous prétexte de demander une augmentation de paie, qu'un autre corps étoit en marche pour venir exiger le paiement de quelques arrérages, & qu'Hide:Ali étoit auffi en mouvement avec un corps formidable de Marattes, pour inquiéter cette partie de la côte de Coromandel. On foupçonne, fans doute à tort, que les François qui ont un grand armement à l'ifle Maurice, pourroient bien fe joindre aux princes mécontens de l'Inde contre les Anglois, ce qui cauferoit une grande révo

ation dans les affaires de notre compagnie. Au furplus, il paroît d'après l'état des deniers de ladite compagnie, qu'il y avoit à la derniere affemblée générale un deficit de 125 mille liv. sterl., & qu'elle a emprunté à la banque une certaine fomme à un gros intérêt pour liquider les obligations qui font à fa charge.

La cour reçut le 10 de ce mois, des dépêches du général Howe dont elle n'a rien fait publier; ce qui fait préfumer qu'elles ne font pas favorables. Après bien des conférences tenues entre les miniftres fur ces dépêches, on a envoyé par un Courier à Falmouth au général & au lord Howe, fon frere, de nouvelles inftructions qui ont dû leur être portées par un bâtiment qui attendoit l'ordre de mettre à la voile. Ces inftructions ne pouvant être arrivées au plutôt que vers la mi-Août, ne feront peut-être plus fufceptibles d'exécution, puifqu'il y a lieu de croire qu'avant cette époque, les affaires, de quelque maniere que ce foit, ne feront plus dans la fituation actuelle : conféquence fâcheufe de l'éloignement de la puisfance qui ordonne, à celle qui exécute.

Les gazettes extraordinaires ne fourniffant plus. d'aliment à la curiofité publique, on lit avec avidité les gazettes américaines. Dans celle du nouvel Hampshire, du 31 Mai, on voit une let-` tre de Morris-Town du 17, par laquelle on apprend que quelques jours auparavant, il y eut une affaire affez vive entre les troupes du roi & les Américains, près de Pifcataway; que les premiers furent d'abord repouffés, & qu'étant venus à la charge une feconde fois, ils avoient encore été mis en déroute ; que ces deux actions, au rapport de quelques déferteurs, leur ont coûté près de deux cens hommes tant tués que bleffés, tandis que les infurgens n'en avoient perdu que la 8e. partie. On ajoute qu'on vient d'être ins

formé que depuis peu il eft arrivé de l'IleLongue au quartier-général des ennemis à Brunfwick, 200 chariots deftinés vraisemblablement pour retirer de cette ville leurs gros bagages. La gazette de la Virginie, à l'article de Philadelphie du 26 Mai, rapporte ce qui fuit:

« Le 19 de ce mois, à la pointe du jour, le lord Cornwallis, forti de Brunswick à la tête d'un corps de l'armée royale d'environ cinq mille hommes, vint attaquer près de Prince'ftown le général Putnam, qui commandoit à peu près autant de troupes américaines. L'action s'engagea, dura jufqu'à 5 heures du foir, & fut au défavantage des troupes angloifes, qui fe retirerent en défordre. On fitfur elles 600 prifonniers de trou-pes réglées, dont le plus grand nombre s'engagea volontairement à notre fervice, en déclarant qu'ils manquoient de fubfiftance depuis longtems & que le lord Cornwallis, & fes troupes n'avoient d'autre alternative que de fe battre ou de mourir de faim ».

Cette derniere nouvelle s'eft foutenue pendant plus de 8 jours, mais des avis apportés à Corke par un vaiffeau qui y eft arrivé de New Yorck en 25 jours, font monter la perte des Américains, dans cette action, à 12co hommes, & à 700 prifonniers.

Le général Howe eft encore à New Yorck. Comme fes opérations paroiffent dépendre de celles des généraux Carleton & Burgoyne dans le Canada, nous allons donner quelques détails fur la pofition, les préparatifs & les mouvemens de ces deux généraux. Une lettre d'un officier employé dans cette armée, donne une idée affez jufte de l'état des affaires dans cette partie de l'Amérique; elle eft datée du 16 Avril dernier & porte ce qui fuit :

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L'hyver commença de fi bonne heure après que c s

nous eûmes pris poffeffion de Crown-Point, que, faute de bois de charpente & d'autres articles néceffaires, il nous fut impoffible de rendre cette place tenable, de forte que nous terminámes la campagne par l'évacuer. Les quartiers d'hyver furent le premier objet auquel nous penfámes; &, par l'heureufe difpofition des troupes, cette faifon nous a été beaucoup moins rude qu'elle l'eft fouvent en Europe. Les amufemens fuccederent aux travaux ; & le bruit de la guerre fit place aux bals, aux affemblées &c. Les habitans accorderent volontiers l'hofpitalité aux foldats, & parurent fort aifes de donner toute l'affiftance poffible à ceux qu'ils regardent comme leurs libérateurs. Voici la difpofition des troupes.

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Le 20e. régiment,avec un détachement d'artillerie, en quartier à l'ifle aux Noix, forme le pofte avancé. Le aze., aux ordres du brigadier-général Hamilton, occupe St. Jean. C'eft ici que tous nos vaiffeaux & bateaux ont été arrangés, fans qu'il leur foit arrivé aucun accident. Au fort de Chambly, le 3e. régiment fe trouve avec le brigadiergénéral Powel. La riviere de Sorel jufqu'au village eft commandée par le 31e. régiment. Longueuil, la prairie, & toute la rive du fleuve St. Laurent jufqu'à Sorel, font occupés par les grenadiers, l'infanterie-légere, & le 24e. régiment, fous le commandement du brigadier-général Fraser. Montréal a pour garnison l'artillerie avec le age. régiment; & le général-major Philips y a pris fon quartier. Le ge. & le 47e. régiment, avec les corps du colonel Maclean, & du chevalier Jean Johnfton, tiennent l'ifle de Montréal. Les Allemands font cantonnés depuis Repentigny, qui fait la pointe de l'ifle, jufqu'au Cap Santé, à 13 lieues environ de Quebec au nord du fleuve St. Laurent, & depuis Sorel au fud. Leur quartier-général, commandé par le général-major Riedefel, eft aux Trois-Ri

vieres. Le général Carleton eft reflé avec fa famille à Quebec, où le 34e.régiment eft en garnifon; le 6e. eft pofté à Point-Levi, vis-à-vis de Quebec.

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Telle a été la diftribution de notre armée dans fes quartiers d'hyver. Nous nous préparons à préfent à nous avancer, auffi-tôt que le tems le permettra. Quoique nous allions être en mouvement dans peu de jours, il fe paffera du moins trois femaines avant que nous commencions la campa gne. Nous croyons que les rebelles ne viendront pas à notre rencontre fur les lacs, parce que leur force n'eft point proportionnée à la nôtre, mais qu'ils tiendront ferme à Ticonderago, place qu'ils ont confidérablement fortifiée, ayant conftruit un pont pour communiquer avec leurs ouvrages, & fermé par une barre le paffage pour les vaiffeaux, Ils y ont aduellement a mille hommes ; mais le 1er. du mois prochain, ils doivent y en avoir 20 mille. Voilà notre fituation. Peu de femaines décideront de nos fuccès.

Les dépêches apportées à la cour par un bâtiment le 4 Juin, portent, entr'autres chofes, que le général Burgoyne arriva d'Angleterre à Quebec le 16 Mai dernier, ainsi qu'une partie des convois de troupes, de munitions & de vivres envoyés d'Angleterre, & 28 autres bâtimens de différens endroits; qu'une partie des troupes étoit déjà fortie de Quebec pour s'embarquer fur les lacs; que le général.Carleton fuivroit avec le refte immédiatement après l'arrivée du convoi parti de la Grande-Bretagne au mois d'Avril. Le gros de l'armée, compofé de 12 mille Anglois & Brunfwickois, auxquels font joints 4 mille Canadiens & 2 mille Indiens aux ordres du général Burgoyne, devoit s'embarquer le 4 Juin fur le lac Champlain. On laiffoit à Quebec un régiment de Canadiens, un autre de montagaards écoffois, & un corps de milice, avec une

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