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ne s'agit pas de l'objet réel & abfolu de fa confervation. Les refforts qui les peuvent mouvoir font plus compliqués qu'ailleurs, & plus embarrassės. Ce ton d'harmonie fi utile, & quelquefois fi néceffaire, s'y rencontre rarement ou difficilement.

Ce prétendu intérêt, même de la liberté, y fait naître des obftacles intérieurs à la durée des grandes réfolutions; leur formation accréditeroit trop celui qui en feroit le principal auteur, pour ne pas exciter des ja loufies contre lui. Et comme l'exécution doit être confiée à quelqu'un privativement, l'efprit de liberté qui murmureroit contre ces échecs, s'effarouchera & s'alarmera de fes fuccès heureux, comme capables d'élever trop haut fa réputation & fa confidération. On a vu terminer des guerres par la feule crainte, ou par jaloufie contre ceux qui en avoient été les héros. C'est peut-être beaucoup plus par la connoiffance de cette difpofition populaire, que par principe de modération & de vertu, que les Confuls ou Dictateurs, dans les premiers âges de la République Romaine, paffoient de l'éclat du triomphe aux foins de l'agriculture & à la vie privée , pour n'y point faire naître des ombrages qui devoient s'y former bien aifément, puifque même une pofition élevée de maison, n'étoit pas exempte du murmure public. Le même efprit s'est toujours perpétué avec cette forme de gouvernement.

Delà vient dans les Républiques l'usage fenfé, peut-être à certains égards, quoique fujet à plus d'un inconvénient d'ailleurs, d'appeller des étrangers au commandement des armées, parce qu'ils peuvent être congédiés auffi aifément qu'ils ont été adoptés, & qu'ils ne portent rien avec eux qui puiffe bleffer le preftige ou l'efprit de liberté. C'eft entr'eux & l'Etat qu'ils fervent, une fimple capitulation, qui n'a rien qui puiffe alarmer le plus délicat Républicain.

Les Républiques doivent être fort circonfpectes dans leurs engagemens, & peut-être doit-on peu compter fur leur durée & leur folidité, dès que la nuance de leur intérêt direct peut commencer de s'affoiblir.

C'eft ce qui fait que les démêlés qu'elles peuvent avoir pour des faits particuliers ou pour des chofes qui n'intéreffent qu'une certaine confidération extérieure, fe terminent prefque toujours par des voies de conciliation, parce que la multitude ne fent ordinairement que tout ce qui touche l'intérêt réel, & qu'elle fe porte difficilement à des engagemens de pur honneur & de pure dignité.

Eft-ce une vérité fondée fur l'expérience, eft-ce un préjugé métaphyfique? Mais on les accufe de peu de gratitude des fervices qu'elles ont reçus. Peut-être auffi éprouve-t-on, de leur part, les effets de la méconnoiffance, fans que le principe y foit, parce que leur Conftitution populaire ne comporte pas le fentiment de reconnoiffance. Les hommes qui ont quelque prépondérance dans le gouvernement Républicain, n'y durent pas assez pour faire paffer leurs fentimens perfonnels dans le peuple, qui lui-même

change

change & fe renouvelle fans ceffe; enforte que, comme un arbre que l'on tranfplanteroit continuellement, le fentiment n'y peut pas prendre

racine.

Il ne faut donc, au gouvernement Républicain, demander de confeils que ceux de fes intérêts. Tant que l'intérêt effentiel fubfifte, cette forme de gouvernement eft peut-être autant que tout autre, capable & fufceptible de fermeté, parce que la multitude échauffée, ne se refroidit pas aifément, & que l'unanimité de fes vœux forme un torrent dont la chûte augmente graduellement la rapidité.

C'est celui, de tous les gouvernemens, qui ftipule le mieux fes conditions de paix, parce que la nation ne perdant jamais de vue le véritable objet pour lequel elle s'eft armée, elle ne fe contente que de ce qui peut la remplir & la fatisfaire, autant que les fuccès de la guerre peuvent le lui permettre. C'est le même principe qui, fi elle a eu des fuccès heureux, la rend plus haute, plus dure dans fes propofitions, & plus obftinée à les foutenir. Rien de plus difficile alors que de traiter avec les Républiques dont l'histoire générale nous apprend qu'on ne vient à bout pour les négociations, qu'en proportion avec les pertes qu'elles ont pu effuyer.

Concluons, qu'il faut avoir la faine politique de ne fe rien demander réciproquement, qui, dans le principe ou dans les effets, puiffe bleffer les intérêts des différentes Conftitutions d'Etats, parce qu'on fe tromperoit foimême en comptant fur des êtres de raifon. Nous l'avons déjà dit, chaque pays a fon arithmétique & fes calculateurs de politique, & il y auroit inconvénient prefque égal pour celui qui induiroit à un faux calcul, comme pour celui qui s'y laifferoit engager. C'eft pourquoi il eft fouvent dangereux de faire fes marchés trop bons; de tels marchés, manquant de folidité, ne fauroient tenir long-temps. Des projets qui forceroient les intérêts des Conftitutions nationales & leurs refforts, échoueroient néceffairement, quand même on auroit des forces fuffifantes pour les exécuter. L'Esprit des maximes politiques, par PECQUET,

LES

CONSUL, Magiftrat de l'ancienne Rome.

ES Confuls furent établis auffitôt après l'abolition de la royauté, l'an de Rome 244, lorfque la République commença à fe former, & que le peuple voulant fe gouverner par lui-même, confia l'autorité fouveraine à deux perfonnes qu'il appella Confuls, parce qu'elles donnoient leurs foins & leurs confeils à la patrie: Regio imperio duo funt, dit Cicéron, qui ajoute qu'on en créa deux, de peur qu'un feul n'eût plongé l'Etat dans le même malheur qu'il avoit éprouvé fous le gouvernement d'un Roi; qu'on les créa annuels, de crainte qu'ils ne fuffent devenus trop puiffans, s'ils

Tome XIV.

I

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euffent été plus long-temps en place: Ut fi unus improbus effe voluiffet, alter eandem habens poteftatem, eum coercere potuiffet; placuit quoque ne imperium Confulare longiùs quàm annuum effet, ne propter Magiftratus diuturnitatem, infolentiores fuperbiorefque effent, fed civiles femper fe redderent, qui fe poft annum fcirent futuros privatos. On les appella d'abord Préteurs, nom qui, quoique commun à toutes les dignités, fut particu-1 liérement attribué aux Confuls. Initio Prætores erant, qui nunc Confules dit Feftus; mais comme diftraits par des guerres perpétuelles, ils ne pouvoient marcher contre les ennemis, & remplir leurs fonctions à Rome, on jugea convenable de choisir un Magiftrat particulier, qui pût fuppléer à leur absence, on l'appella Préteur: Cùm Confules avocarentur bellis finitimis; neque effet qui in civitate jus reddere poffet, factum eft ut prætor crearetur, dit Pomponius. Comme on les fubftitua aux Rois, ils en eurent toutes les prérogatives & toute l'autorité, & au commencement ils furent revêtus de toutes les marques extérieures de leur dignité. Auffi Cicéron appelle-t-il le confulat une autorité royale: Regio imperio funto. Ils avoient donc les licteurs, avec les faifceaux & les haches, la chaife curule d'yvoire, la robe prétexte, le bâton d'yvoire à la main, & ils fe faifoient porter par la ville dans une litiere. Omnia jura, dit Tite-Live, omnia infignia Confules tenuére; id tantum eft cautum ne, fi ambo fafces haberent, duplicatus terror videretur.

Ce fut Valerius Publicola qui régla par une loi, qu'un feul des deux Confuls auroit le droit de faire porter les faifceaux devant lui, pour ne pas épouvanter le peuple, & ils le faifoient alternativement durant un mois. De vingt-quatre licteurs qu'ils avoient auffi au commencement, on les réduifit à douze, qui marchoient devant eux, mais fur une même ligne; de-là vient que le licteur qui marchoit le plus près du Conful, étoit appellé le dernier. Le Conful qui n'étoit pas de mois, étoit feulement précédé d'un huiffier, & les liteurs marchoient après lui, fans porter ni faisceaux ni haches, comme Suétone nous l'apprend: Antiquum retulit morem ut quo menfe fafces non haberet, accenfus ante eum iret, lictores penè fequerentur. Valerius Publicola, celui que Brutus affocia à Collatinus, porta dès la premiere année de leur création deux loix qui tendirent à diminuer l'autorité des Confuls, & à augmenter celle du peuple ; par la premiere, il fut défendu d'exercer aucune magiftrature fans l'agrément du peuple, & il étoit permis à tout citoyen de tuer celui qui en agiroit autrement; par la feconde, il rétablit l'appel au peuple, inftitué dès le temps du Roi Tullus, & aboli par la tyrannie de Tarquin-le-Superbe. Les Confuls s'élifoient tous les ans dans le champ de Mars par le peuple affemblé par centurie, & quand l'élection étoit faite, le Conful en exercice qui avoit convoqué les comices, & qui préfidoit, annonçoit à haute voix à l'affemblée ceux qui venoient d'être élus auffitôt après, ils alloient au Capitole, accompagnés du Sénat & du peuple, offrir des facrifices à Jupi

ter Capitolin, & des vœux pour la profpérité de la République; enfuite ils juroient d'obferver les loix & de maintenir les privileges du peuple Romain, & de procurer en toutes chofes le bien de la République; puis on les reconduifoit dans leurs maifons. Les Confuls gouvernoient tourà-tour, & celui qui étoit le plus âgé, ou qui avoit le plus d'enfans, entroit en charge le premier mois; mais celui qui étoit en exercice avoit toutes les marques d'honneur; il donnoit le premier fon avis dans le Sénat, & il congèdioit l'affemblée, en difant » Nous ne vous retenons plus, >> peres confcripts « Ce n'étoit que dans le cas d'un interregne, ou pour remplacer un Conful mort, que les nouveaux Confuls entroient d'abord en exercice; hors ces deux cas, ils demeuroient pendant cinq mois après leur élection dans l'état de fimples particuliers, pour avoir le temps de s'inftruire des devoirs de leur charge. Cet intervalle étoit auffi employé par leurs compétiteurs à chercher des moyens pour se faire fubroger à leur place, en intentant entr'eux l'accufation de ambitu; car c'étoit un ufage reçu que, fi l'accufateur prouvoit l'accufation qu'il avoit intentée il étoit fubftitué à l'accufé; c'eft ce qui arriva à Sylla & à Antoine, Confuls défignés, qui furent fupplantés par Torquatus & Aurelius Cotta, leurs accufateurs. Il entroient en exercice aux kalendes de Janvier depuis l'an. de Rome 600 ou 599; car auparavant le temps de leur élection & de leur inauguration avoit varié. Les premiers, après l'expulfion des Rois, furent élus aux kalendes de Mars, ou le 24 de Février, d'autres en différens temps; & ce fut à l'occafion de la guerre que déclarerent aux Romains les Celtiberes, guerres qui exigeoient le miniftere des Confuls, que l'on fe hâta d'en élire aux kalendes de Janvier; ce qui fut toujours pratiqué depuis tant que dura la République. Dans les premiers jours de leur élection, ils faifoient entr'eux le partage des provinces, qu'ils tiroient au fort, ou dont ils convenoient mutuellement, fans avoir recours au hafard, & auffitôt qu'ils étoient entrés en exercice, ils partoient pour leur gouvernement, du moins dans les premiers temps de la République, que les provinces étoient fans ceffe expofées aux incurfions des ennemis. Ils les gouvernoient fous le titre d'imperatores, que l'on peut rendre par Capitainesgénéraux des armées Romaines. Si pour quelques raifons d'utilité ou de néceffité, on jugeoit à propos de les continuer dans leurs poftes, après que le temps du confulat étoit expiré, on ne les appelloit plus Confuls, mais proconfuls, & ils jouiffoient des mêmes prérogatives & des mêmes marques d'honneur. Quand ils partoient pour leur province, ils alloient faire leurs vœux au Capitole; puis fortoient de la ville fuivis de tous les ordres de l'État, qui les accompagnoient par honneur; ils étoient habillés non de la prétexte, mais de la cafaque militaire, ainfi que tous ceux de leur fuite. Ipfe, dit Tite-Live, en parlant du Conful Acilius, ante diem quintum nonas Maias, paludatus, urbe egreffus eft. La République leur fourniffoit tout ce qui étoit néceffaire pour le voyage, & Auguste

leur fit délivrer, à la place, une fomme d'argent, pour fe procurer ce dont ils avoient befoin; ils ne pouvoient quitter ni leur province, ni la conduite des armées, fans l'ordre exprès du Sénat, & il falloit qu'ils attendiffent leur fucceffeur. A leur retour, ils faifoient au peuple une harangue, qu'ils finiffoient avec des fermens de n'avoir rien fait ni contre les loix, ni contre le bien de la République, pendant tout le temps de leur magiftrature. Itaque abiturus Confulatu jurafti te nihil contra leges feciffe, dit Pline à Trajan. Dans la guerre, les Confuls avoient une autorité absolue: ils levoient des troupes, nommoient des Officiers, faifoient punir les foldats, & difpofoient à leur gré de la caiffe militaire. A Rome, ils étoient les chefs de la République; tous les Magiftrats leur étoient foumis, excepté les Tribuns du peuple, qui feuls avoient droit de s'oppofer à tous Jeurs actes; ils convoquoient l'affemblée du peuple, ils traitoient avec lui, lui propofoient des loix auxquelles ils donnoient leur propre nom : ils faifoient exécuter les arrêts du Sénat & du peuple; ils donnoient audience aux Ambaffadeurs; ils affembloient le Sénat, recueilloient les avis, rompoient les affemblées; & ils jouirent de tous ces droits, tant que dura la liberté de la République. Cette dignité ne fut d'abord conférée qu'à des Patriciens; mais l'an de Rome 387, on élut pour la premiere fois un Conful Plébeien, & le peuple, dans la fuite, obtint la permiffion de parvenir comme les nobles à toutes les charges de la République : Comitia confulum adverfà nobilitate habita, quibus L. Sextius, de Plebe, primus Conful factus eft, dit Tite-Live. Ce pouvoir ne s'avilit point entre les mains du peuple, & le confulat jouit de tous fes droits jufqu'à Jules-Céfar, qui en fut le deftructeur, ainfi que de la liberté de fa patrie. Sous ce Prince, & encore plus fous fes fucceffeurs, on n'élut les Confuls que pour la forme feulement, & ils n'avoient prefque plus d'autorité; pour avilir même davantage cette dignité, on la rendit commune, & on fit plufieurs Confuls dans la même année. On les élifoit pour fix mois, pour trois, même pour deux, quelques-uns ne le furent que pour quelques jours, d'autres quelques heures; on les appelloit les petits Confuls, & il n'y avoit que les premiers qui donnoient leur nom à l'année, & qui euffent quelque crédit. Enfin, fous l'Empire de Juftinien, l'an de Jefus-Chrift 541, le confulat fut entiérement détruit, & il n'en refta d'autre trace que le titre de Conful que les Empereurs fe faifoient donner la premiere année de leur regne, ufage qui fubfifta jufqu'au temps de Charlemagne, que le peuple Romain proclama Empereur.

Conful défigné; c'étoit celui qui étoit deftiné à cette magiftrature. On défignoit d'abord les Magiftrats, & quelques mois après ils entroient en charge.

Conful honoraire, qui l'étoit par des lettres particulieres du Prince, & que l'on peut nommer un Conful à brevet. Céfar imagina ce titre; Auguste &fes fucceffeurs le multiplierent,

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