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& de cette forme il réfultera que les biens des Seigneurs feront fans ceffe foumis à des difcuffions de la part de leurs vaffaux: sujet perpétuel de difcorde qu'il n'a jamais été dans le cœur de votre Majefté de femer entre fes fujets. "

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Seroit-il poffible que des Magiftrats fideles à leur Roi puffent vérifier un Edit auffi contraire à fes véritables intentions & au bien de fon peuple?“ Peuvent-ils oublier que l'origine de prefque toutes les impofitions a été la même : que prefque toutes ont été établies fur les peuples pour les rédimer d'une charge?"

"

,, Que leur produit a toujours été, lors de leur établiffement, affecté à un objet déterminé. “

Mais que bientôt des befoins réels ou apparens ont entraîné le divertiffement des fonds: "

"

Que le produit de l'impofition a été verfé au Tréfor Royal, appliqué à d'autres dépenfes que celles auxquels dans le principe il étoit deftiné; “ Et qu'auffi-tôt on a vu renaître la charge en nature, fans pofition établie pour en affranchir ceffat d'exifter. "

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que l'im

Qu'ainfi le dernier effet du rachat de la Corvée feroit de faire retomber inévitablement fur les corvéables un double fardeau. “

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Eclairé par trop d'exemples de ce genre, le peuple même n'y eft plus trompé. Pourroit-it l'être en confidérant l'emploi des fonds provenans des différentes impofitions, telles que la Taille, Taillon, Turcies & Levées, Ponts & Chauffées, Hôpitaux, Dixieme & Quinzieme d'amortiffement? Prefque tous ces fonds, finon en totalité, au moins en grande partie, ne font pas employés à leurs ufages primitifs."

"

Votre Parlement, Sire, pourroit-il avoir moins de prévoyance & adopter un projet qui rendroit infailliblement le fort du peuple plus fâcheux, au lieu de l'adoucir?"

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Seroit-ce enfin, Sire, faire le bien du peuple que d'augmenter encore le prix des denrées par une, nouvelle impofition fur les fonds? "

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Une conftante & trifte expérience a prouvé qu'à mesure qu'augmente la maffe des impofitions fur les fonds, le propriétaire fe trouve dans la néceffité d'augmenter en proportion les denrées que le fonds produit.

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Et comment, au taux où font aujourd'hui toute espece de denrées, le peuple pourra-t-il fubfifter i ce taux eft encore inévitablement accru par l'effet d'une nouvelle impofition fur les fonds? "

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Il ne nous fuffit pas, Sire, de vous repréfenter toute l'illufion du nouveau fyftême fur les Corvées, tous fes inconvéniens & fes dangers pour le peuple, "

Il faut vous préfenter de plus grandes vues, fixer votre attention fur les atteintes que ce fyftême porte à l'état des perfonnes & aux principes conftitutifs de la Monarchie. "

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La Monarchie Françoife, par fa conftitution, eft compofée de plu fieurs états diftincts & féparés. "

Cette distinction de conditions & de perfonnes tient à l'origine de la nation; elle eft née avec fes mœurs, elle eft la chaîne précieuse qui lie le Souverain à fes fujets. "

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Si l'état des perfonnes n'étoit pas diftingué, il n'y auroit que défor» dre & confufion, (dit un de nos Auteurs les plus éclairés) nous ne » pouvons pas vivre en égalité de condition. Il faut par néceffité que les » uns commandent, & que les autres obéiffent les fouverains Seigneurs » commandent à tous ceux de leurs Etats, adreffent leurs commandemens » aux grands, les grands aux médiocres, les médiocres aux petits, & les » petits au peuple." (Loifeau.)

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Dans l'affemblage formé par ces différens ordres, tous les hommes de votre Royaume vous font fujets; tous font obligés de contribuer aux befoins de l'Etat. "

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Mais dans cette contribution même, l'ordre & l'harmonie générale se retrouvent toujours. "

,, Le fervice perfonnel du Clergé eft de remplir toutes les fonctions relatives à l'inftruction, au culte religieux, & de contribuer au foulagement des malheureux par fes aumônes."

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Le noble confacre fon fang à la défense de l'Etat, & affifte de fes confeils le Souverain. "

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La derniere claffe de la Nation qui ne peut rendre des fervices auffi diftingués, s'acquitte envers lui par les tributs, l'induftrie & les travaux corporels. "

"

Telle eft, Sire, la regle antique des devoirs & des obligations de vos fujets. Quoique tous foient également fideles & foumis, leurs conditions diverfes n'ont jamais été confondues, & la nature de leurs fervices tiens effentiellement à celle de leur état."

Le fervice des Nobles eft noble comme eux: Noble n'eft tenu payer la taille, ni faire vile Corvée, mais fervir en la guerre & autres ađes de noblesse,"

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Ces inftitutions ne font pas de celles que le hasard a formées, & que le temps puiffe changer.

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Pour les abolir, il faudroit renverfer toute la Conftitution Françoise. " On peut par la voie législative changer ce qui a été établi par elle." " Mais ce que le génie, ce que les mœurs, ce que le vœu général d'une Nation, dans la formation & pendant toute la durée d'un Empire, lui rendent propre, ne peut être changé.

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C'eft à fon antique conftitution que la Monarchie doit fon luftre & fa gloire; c'eft la Nobleffe qui en a pofé les fondemens, qui les a foutenus. C'eft elle qui a porté la couronne dans la maifon royale, c'eft elle qui l'y a maintenue, fans elle les Rois font fans force, les peuples fans défenfeurs."

Nous l'apprenons par le témoignage de nos Souverains eux-mêmes. “

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Et parce que la principale force de notre Royaume, difoit Henri III, » confifte dans la Nobleffe, en la diminution de laquelle fe trouve l'af » foibliffement de l'Etat, nous voulons & entendons qu'elle foit confervée » & maintenue dans les anciens honneurs, droits, franchises & immuni»tés accoutumées. " ( Ordonnance de Blois.)

Si l'on dégrade la Nobleffe, fi on lui enleve les droits primitifs de fa naiffance, elle perdra bientôt fon efprit, fon courage, & cette élévation d'ame qui la caractérise. "

"

Ce corps, inaltérable dans fa valeur & dans fa fidélité, ne peut fouffrir de changement, de diminution dans les honneurs & les diftinctions dus à la naiffance & aux fervices de ceux qui le compofent. "

» Ces diftinctions, ou plutôt ces droits n'ont été méconnus dans aucun âge de la monarchie. «

» Ils ont été confacrés par une foule d'ordonnances; & pour se borner aux plus récentes: <<

>>

François premier dans une ordonnance du 4 Avril 1540 reconnoît: << » Que les gentilshommes ne lui paient aucun aide ni fubfide au moyen » de leur exemption.

» Et ordonne, afin qu'il ne foit pas abufé de cette prérogative, qu'ils » foient cottisés aux tailles, & contraints aux paiemens d'icelles, fi tenant » d'autrui des fermes & cens, ils exerçoient comme fermiers le fait d'a>>griculture & labourage & tous autres actes mécaniques & roturiers, tout » ainfi que font les plébéïens & gens du tiers & bas état, contribuables » aux tailles & aides. «

» L'article 109 de l'ordonnance d'Orleans de 1560, rendue fur les remontrances des députés des trois Etats, fait aux gentilshommes les mêmes défenfes à peine d'être impofés à la taille. «<

» Cette exemption a été dans tous les temps commune au clergé, & fans entrer dans le détail des confidérations particulieres qu'il a pu faire valoir, il a toujours partagé avec la nobleffe la franchise attachée à la dignité du rang & aux poffeffions nobles. «<

» Louis XIV même, ce Prince fi jaloux de fon autorité, n'a jamais méconnu les droits de la nobleffe & du clergé.

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» Lorsqu'en 1695, il fe vit obligé d'établir la capitation, il daigna témoigner aux perfonnes du clergé comme à celles de la nobleffe les fentimens particuliers dont il eft affecté à leur égard. «<

Ce n'eft point une impofition à laquelle il les affujettit.

» C'eft une contribution volontaire à laquelle il eft perfuadé que les eccléfiaftiques fe foumettront volontiers. «

» C'est une légere portion des revenus de fa nobleffe, qu'il ne doute pas,, qu'elle ne facrifie avec le même dévouement qu'elle verse fon fang » pour le bien de fon fervice. «

» Lorfqu'en 1710, forcé de montrer aux ennemis qui se refusoient à la

paix une maffe d'impofitions qui pût affurer les dépenfes de la campague, il ordonna la levée du dixieme du revenu des biens de fon Royaume. «< » Il ne crut pas déroger aux droits de la fouveraineté en difant à fes

fujets :

»

: «

Que c'eft après l'examen le plus réfléchi dans fes confeils, qu'il s'eft » déterminé à leur faire la demande du dixieme du revenu de leurs biens. <<< >> Ce principe fait efpérer que cette levée lui donnera les moyens d'accorder à fes peuples un cinquieme de diminution fur la taille de l'année 1711, & il ajoute cette affurance bien remarquable: «<

» Et comme nous ne demandons le dixieme du revenu que dans la né» ceffité de foutenir la guerre, la levée en ceffera trois mois après la » publication de la paix.

» C'eft d'après ces principes & ces exemples que votre Parlement, Sire, fupplie Votre Majefté de confidérer les difpofitions & les conféquences de l'édit qu'elle lui a dreffé. «

» En affranchiffant des Corvées la derniere claffe des citoyens qui y avoit été jufqu'à présent affujettie; (a) l'édit rejette cette charge fur les deux ordres de l'Etat qui n'en ont jamais été tenus. «<

» Il n'eft plus de différence entre tous vos fujets : le noble, l'eccléfiaftique deviennent corvéables; ou, ce qui eft la même chofe, ils deviennent tous contribuables à l'impôt qui doit tenir lieu de la Corvée. «<

» Ce n'eft point ici, comme on a effayé de vous le perfuader, Sire, un combat de riches contre les pauvres. «<

>> C'est une question d'Etat & une des plus importantes, puifqu'il s'agit de favoir fi tous vos fujets peuvent & doivent être confondus; s'il faut ceffer d'admettre parmi eux des conditions différentes; des rangs, des titres & des prééminences. >>

» Affujettir les nobles à un impôt pour rachat de Corvées au préjudice de la maxime que, nul n'eft corvéable s'il n'eft taillable: c'eft les décider corvéables comme les roturiers, & ce principe une fois admis, ils pourroient être contraints à la Corvée perfonnelle auffitôt qu'elle feroit rétablie. «<

» Ainfi les defcendans de ces anciens chevaliers qui ont placé ou fou

(4) Cette confufion des Etats par l'impôt territorial n'eft-elle point un fophifme? C'est la perfonne qu'il faut diftinguer & non pas la glebe. Les nobles comme poffeffeurs de terres confidérables ont des chariots, des domeftiques pour l'entretien de ces mêmes terres; c'eft donc la terre, ou du moins fa culture qui occafionne en partie la dégradation des chemins; il eft donc jufte que la réparation foit prife fur la terre ou fur fon produit; & jamais l'homme de bon fens ne verra que les nobles, par cet arrangement, perdent rien de leur nobleffe, de leur fupériorité fur le refte des citoyens.

N'est-ce point un autre fophifme de dire que les nobles pourroient être contraints à la Corvée perfonnelle auffi-tôt qu'elle feroit rétablie? Car fi l'impôt territorial a lieu, à quel propos la Corvée territoriale feroit-elle rétablie ?

tenu la couronne fur la tête des aïeux de Votre Majefté; ces lignées pauvres & vertueufes qui depuis tant de fiecles ont prodigué leur fang pour. l'accroiffement & la défenfe de la monarchie, ou qui par un autre genre de mágnanimité ont négligé le foin de leur propre fortune, & l'ont fouvent confommée pour fe livrer en entier aux foins dont le bien public eft l'objet des nobles de race dont le revenu eft borné au modique produit de l'héritage de leurs peres, qu'ils cultivent de leurs mains, & fouvent fans le fecours d'aucuns autres ferviteurs que leurs enfans. «<

» Des gentilshommes, en un mot, pourroient être expofés à l'humiliation de fe voir traînés à la Corvée. «

» Qui pourroit même répondre aux nobles qu'après les avoir rendus corvéables, on ne prétendit pas dans la fuite les rendre taillables? «<

» L'intervalle immenfe qui féparoit leur condition de celle des anciens ferfs, feroit-il donc moins difficile à franchir, que celui qui les fépare des citoyens de condition libre, quoique roturiers? «<

» Non fans doute: «<<

» La premiere barriere une fois rompue, la feconde feroit bien plus aifée à renverfer, «<

» Comment même la Nobleffe pourroit-elle ne pas prévoir & ne pas craindre cette nouvelle atteinte à fes droits, lorfque déjà elle eft de même annoncée & préparée, comme une fuite de la premiere dans des écrits que l'on répand avec affectation. «

» Nous fommes bien convaincus, Sire, qu'on ne s'eft pas permis de représenter à Votre Majefté l'étendue inconfidérée de ces injuftes projets : fon équité, fa fageffe, ne les eût jamais admis. «

» Mais il n'eft que trop ordinaire aux partifans des nouveautés de ne dévoiler leur fyftême que par degré, & de chercher à induire le gouvernement à des premieres démarches qui l'engagent infenfiblement dans une route dont ils fui cachent le terme, afin de l'entraîner ainfi plus loin que ne le croit & que ne le veut un Monarque ami des loix, qui, dans la cérémonie la plus augufte, vient de jurer, à la face des autels, d'en être le protecteur & l'appui, & qui a déclaré ne vouloir régner que par elles. «<

» Il est enfin du devoir de votre Parlement, Sire, de vous obferver que l'édit par une furcharge impofée en temps de paix, fans néceffité, óteroit à l'Etat toute resource pour fubvenir en des temps orageux aux befoins les plus preffans. «

» Daignez, Sire, jetter un regard favorable fur votre peuple. Daignez vous peindre fa douleur & fa furprise de voir, au-lieu des économies annoncées, des fo des foulagemens espérés, éclore tout-à-coup un impôt auffi accablant pour des fujets dont la fituation ne préfente que le tableau touchant de la mifere & de la calamité publique. «

» Qu'il eft affligeant pour votre Parlement d'avoir à y délibérer, dans

le

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