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Quoique régulièrement les abbayes confiftoriales doivent être propofées au Confiftoire, cependant le Pape s'en difpenfe fouvent, fur-tout lorfque ceux qui en doivent être pourvus ont quelque défaut d'age, ou d'autre qualité & capacité requife, qui obligeroit les Cardinaux à refufer la grace demandée en ce cas le Pape donne au pourvu des provifions par daterie. & par chambre, avec dérogation expreffe à la confiftorialité; & il accorde les difpenfes néceffaires.

Il faut donc, pour expédier par Confiftoire, que le pourvu ait toutes les qualités requifes; car le Confiftoire ne fouffre même aucune expreffion douteufe, ni conditionnelle dans les provifions.

Quand les expéditions font faites hors Confiftoire & par la daterie, la fupplique eft fignée du Pape feul, & les provifions font expédiées en la forme des bénéfices inférieurs.

On prend fouvent la voie de la daterie plutôt que celle du Confiftoire, foit pour obvier au défaut de quelque qualité néceffaire, foit parce que l'on trouve de cette maniere plus de facilité pour l'expédition des provifions; car elle fe peut faire tous les jours par la daterie, au lieu que la voie du Confiftoire eft plus longue, le Confiftoire ne fe tenant que dans certains temps; mais il en coûte un tiers de plus pour faire expédier par la chambre. Voyez le traité de Pufage & pratique de la cour de Rome de Caftel; tome I. p. 54. & tome II. p. 207. & fuiv.

CONSPIRATEUR, f. m.

CONSPIRATION, f. f.

QUOIQUE les mots Confpiration & Conjuration femblent fynonymes,

cependant on les diftingue quelquefois, & la Confpiration femble être l'union d'un plus grand nombre de perfonnes pour former un complot, & la Conjuration l'union d'un moindre nombre. Ainfi l'on dit la Conjuration de quelques particuliers, & une Confpiration de tous les ordres de l'Etat. On dit la Conjuration de Venife & la Confpiration des Poudres.

Mon deffein eft de dévoiler ici l'efprit des Confpirateurs, de faire voir leur mauvaise foi & la noirceur de leur ame. Nous voyons arriver bien des chofes qui ne fauroient être juftifiées en aucune maniere; les unes font le résultat de l'ignorance, les autres de l'ambition, & d'autres l'effet de la trahison. Des gens mal-intentionnés provoquent le peuple, en tâchant de lui rendre l'adminiftration odieufe. C'eft par-là que commencent ordinairement les Confpirations. Les plaintes & les murmures ont une grande influence fur le peuple ignorant, toujours prêt à blâmer des opéra

tions qu'il n'eft pas en état d'apprécier. On le trahit en lui témoignant de l'affection. La trahifon eft d'autant plus dangereufe à proportion qu'elle femble partir de perfonnes non fufpectes. Un ami n'eft jamais trahi plus furement, que par fon ami. Les cris des Confpirateurs contre les procédés du Gouvernement jettent l'alarme. Leur hypocrifie les fait paffer pour de juftes plaintes. L'incendie s'accroît, & ils ont bien foin d'en entretenir le feu.

Tout homme de bien fera porté à condamner des projets injuftes, de quelque part qu'ils viennent; mais les Confpirateurs ne fauroient avoir bonne grace à condamner les mefures les plus iniques, en fuppofant même leur reffentiment fincere. Dans tous les temps les Confpirateurs ont foutenu & défendu avec beaucoup de conftance & de zele les actions les plus mauvaises & les plus odieufes commifes par ceux de leur parti, parce qu'ils y étoient portés par la paffion & l'efprit de faction, efprit cabaleur, injufte, & prêt à tout facrifier à l'envie de nuire. Ce n'eft ni l'amour de la patrie, ni le défir de concourir au bien-être général, qui les anime & qui dirige leurs démarches. Suivant eux le droit & l'injustice, la religion & l'impiété ne réfident que dans le parti qu'ils épousent ou qu'ils combattent. Il n'y a point de démarche vile & indigne de tout homme de probité, à laquelle ils ne foient prêts de foufcrire aveuglément. Jamais de projet fondé fur la juftice contre lequel ils ne s'élevent, tant la paffion les tranfporte, & les aveugle. Tout dépendoit, pour mériter leur approbation ou leur blâme, de l'endroit d'où partoient ces démarches ou ces projets.

Dans aucun temps l'efprit de cabale ne fe manifefta mieux qu'en Angleterre en 1723. Mais quel étoit le but des Confpirateurs, complices du Docteur Atterbury? De piller & d'obtenir des emplois. Quel avantage la patrie retira-t-elle de leurs violences & de leur prétendu patriotisme? Avant leur foulevement, l'Etat fe trouvoit dans une crife dangereuse, tout y étoit dans le défordre & la confufion : les Confpirateurs remédierent-ils à ces maux accumulés? A-t-on vu qu'ils aient rétabli les principes de la propriété, le commerce ruiné ou perdu, l'agriculture anéantie? Au contraire l'Angleterre ne touchoit-elle pas au moment de voir avec effroi ses enfans armés les uns contre les autres, des légions nombreuses vomiffant la mort de leur fein, des batailles, des maffacres, une défolation générale, une terreur univerfelle, l'Anglois égorgeant fon frere, le pere maffacrant fes enfans; un Roi dépofé & peut-être même affaffiné. Tels furent les effets que manqua de produire cette Conspiration fi vantée; car les Confpirateurs ne peuvent pas fuppofer qu'ils fuffent venus facilement à bout de chaffer de fon trône un Roi puiffant par le nombre des troupes qui lui étoient dévouées, par l'étendue de fes richeffes, par la multiplicité de fes créatures en Angleterre, & par fes alliances au dehors. 11 eût fallu de toute néceffité en venir à une guerre civile, guerre d'autant plus cruelle,

que la plupart des Puiffances de l'Europe euffent voulu y prendre part, afin de renverfer & de détruire la liberté de la nation,

Mais, diront peut-être les Confpirateurs, l'Angleterre & la liberté Angloife, ainfi que la Religion Proteftante penchoient vers leur ruine? Mais ne fait-on pas que dans leur projet la religion & la patrie n'entroient pour rien, & qu'ils n'ambitionnoient que les premieres places de l'Etat? Tels étoient certainement leurs vues. Que je fouhaiterois que ce motif fût auffi nouveau qu'il eft dangereux & horrible! Mais hélas! il eft auffi ancien que le cœur de l'homme. Tout pays fur la terre, qui a fubi la loi d'un vainqueur, n'a été conquis que pour fatisfaire l'ambition d'un feul homme qui vifoit à ufurper un pouvoir abfolu fur fes femblables.

Rien n'eft plus ordinaire que d'entendre des Confpirateurs fe plaindre de l'abus du pouvoir & des maux occafionnés par la mauvaise conduite du Gouvernement. Ils ont fans ceffe ces plaintes dans la bouche, fans qu'on fache souvent quel peut en être le fondement. Mais je fuppofe qu'il foit jufte, & je demande aux Confpirateurs, quels garants ils nous donneront, après avoir heureufement accompli leurs deffeins, qu'ils feront humbles dans la grandeur, modeftes dans les dignités, & qu'ils feront ufage de leur pouvoir avec modération, défintéreffement, & conformément aux regles de la juftice. Quoi! ils feront modeftes, eux qui voudroient détruire les conftitutions, bouleverfer la terre de fond en comble, & la remplir de fang, de meurtre & de carnage, pour parvenir au pouvoir fuprême! Qui pourra jamais s'imaginer que la confidération du bien & de la propriété publique puiffe jamais avoir la moindre influence fur ces hommes qui voudroient facrifier le bien public & anéantir toute propriété, pour fatisfaire leur fureur & leur ambition perfonnelle! Comment l'amour de la liberté & de la paix pourroit-il modérer les paffions de ces hommes que ni les loix de l'humanité & de la patrie, ni la religion d'un ferment, ni l'augufte & redoutable Evangile de Jefus-Chrift ne peuvent réprimer.

Une des coutumes ordinaires des Confpirateurs eft encore de fe récrier fortement contre les taxes & l'entretien des armées. Mais ils font euxmêmes la caufe de ces inconvéniens contre lefquels ils proteftent avec tant d'éclat. Qui rend les armées néceffaires, fi ce n'eft ceux qui voudroient envahir, mettre en efclavage & détruire la nation en y introduifant des armées étrangeres? Qui rend les taxes néceffaires, fi ce n'eft ceux qui confpirant contre la paix & la propriété de l'État, & contre un établiffement qui affure l'un & l'autre, forcent les citoyens à abandonner une partie de leurs biens pour fauver le tout? Ce font les Confpirateurs qui deviennent les auteurs non-feulement des maux dont ils fe plaignent, mais encore de toutes les facheufes conféquences qu'ils peuvent avoir. Je fuppofe que ces gens aient réuffi dans leurs projets; auront-ils l'audace & le front de dire qu'ils auroient gouverné l'État fans armées? Non fans

doute Le joug de l'ufurpation & de la fervitude ne fe maintient que par l'épée. Eux qui rendent maintenant les armées néceffaires, trouveroient alors qu'on ne peut bien gouverner fans elles. D'ailleurs il y auroit du ridicule à eux, de prétendre que leur mérite & leur conduite populaire fuffiroit pour retenir toutes chofes dans l'ordre, puifque dans le cas dont je parlois tout-à-l'heure, ils ont démontré d'une maniere convainquante que rien ne leur paroiffoit trop affreux pour l'accompliffement de leur trahifon. L'injuftice la plus criante, la cruauté la plus effroyable, voilà quels en étoient les inftrumens. Un pillage univerfel, une dévaftation générale, les meurtres les maffacrés devoient, fuivant eux, fervir merveilleufement leurs projets, & devenir les heureux commencemens de leur regne. Le Roi Jacques dont ils occafionnerent & dont ils déplorerent peu après l'infortune, prétendit-il jamais, ou pouvoit-il prétendre maintenir fa religion & fon gouvernement arbitraire, fans ufer de violence, fans être fecondé par de puiffantes armées. Le Prétendant étoit-il d'une religion différente ou devoit-on efpérer qu'il fût plus modéré? Promettoit-il un Gouvernement plus doux ? Les Gouvernemens ne continuent-ils pas à fubfifter par les mêmes moyens qui leur ont donné naiffance? Un regne qui commence par les armées, la violation de la propriété, doit fe foutenir par des armées fans ceffe fur pied, par la violence & l'oppreffion.

Ce que je viens de dire des impôts & des armées toujours fubfiftantes, peut s'entendre de tous les autres objets de plaintes de ces gens toujours mécontens, quoi que faffe le Gouvernement. Cependant à force d'intrigues, de menfonges & de calomnies ils parviennent quelquefois à foulever un peuple imbécille trop peu inftruit pour voir que l'administration qu'on lui peint fous des traits fi odieux, vaut infiniment mieux même avec les défauts vrais & fuppofés, que celle que de tels boute-feux font capables de lui fubftituer. Ces perturbateurs de l'ordre public font une pefte dangereufe. Ils nous enfeignent à être mécontens de notre condition préfente, fans pouvoir lui en offrir une meilleure. Au contraire ils aggravent les maux fouvent imaginaires qu'ils nous peignent, par des maux réels qu'ils nous caufent, favoir le défordre & l'inquiétude où ils nous plongent.

CONSTANCE

CONSTANCE, Ville du Cercle de Suabe, fituée fur le Rhin à l'extrémité d'un grand Lac nommé Lac de Conftance, & en Allemand Bodenfée.

CONST

ONSTANCE fut vraisemblablement ou fondée ou fortifiée par l'Empereur Conftance I, pour fervir de barriere contre les nations Germaniques. La tranflation du fiege épifcopal de Windish, ruiné par les Huns, à Conftance, fut la premiere caufe de l'agrandiffement de cette derniere ville. Elle jouit dans la fuite de tous les privileges d'une ville impériale, & fut liée par des alliances avec Strafbourg, Bâle, Zurich, St. Gall, &c. En 1415 s'affembla le concile, qui donna une célébrité plus étendue à cette ville & l'enrichit par le concours des étrangers. Son union avec la nobleffe de la Suabe & avec le parti Autrichien, lui attirerent fouvent des hoftilités de la part des Suiffes, dans les guerres entre les deux nations. Par la paix qui termina la campagne, très-fanglante de 1499, Conftance fut dépouillée de la jurifdiction criminelle fur la Turgovie, que Sigifmond lui avoit hypothéquée à l'époque du concile. Elle chercha à entrer dans la confédération Helvétique, vers l'année 1510. La propofition imprudente de fe faire céder une portion de la Turgovie, & de transférer chez elle le fiege de la juftice fur cette province, fournit à la jaloufie des Cantons démocratiques un prétexte pour la refufer. Le mauvais fuccès de cette démarche décida dans la fuite du fort de cette ville. La réformation s'étoit établie dans Conftance; déjà l'Évêque & la plupart des Chanoines avoient abandonné la ville, qui s'étoit liée par une combourgeoisie avez Zurich & Berne, pour fe foutenir dans leur nouvelle profeffion de foi. L'iffue de la guerre civile de religion en Suiffe, fatale aux réformés, rompit cette liaison. Une guerre semblable, auffi défavantageuse au parti proteftant en Allemagne, abattit la ligue de Smalcalde, dans laquelle la ville de Conftance s'étoit engagée. Alors Charles-Quint dicta la fameufe loi de l'interim, que l'abattement d'un parti fans chef fit recevoir par la plupart des villes proteftantes. Les députés de la ville de Conftance perdirent le temps à fuivre la Cour pour obtenir des conditions. moins dures; tandis que l'Empereur fe préparoit à profiter de fa fupériorité pour donner un exemple de châtiment, & augmenter les domaines de fa maison en Allemagne: il fit publier le ban de l'Empire contre la ville de Conftance. Un Officier partifan raffembla fecrétement quelques troupes Espagnoles & Italiennes en Suabe, & chercha à s'emparer de la ville par un coup de main; mais les bourgeois qui fe tenoient fur leur garde, repoufferent les affaillans avec perte. Cependant la crainte d'un siege & la tranquillité timide des cantons réformés de la Suiffe, découragerent Tome XIV.

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