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culière. D'ailleurs les substances gazeuses appartiennent indifféremmert aux trois règnes, et il n'est pas facile d'assigner à laquelle de ces trois grandes divisions appartient le principe odorant des différens corps. On peut ajouter, pour ce dernier principe, que tous les fluides élastiques sont soumis aux diverses affinités du calorique qui est un agent général pour toute la nature, et qu'il fait peut-être la principale base des propriétés des corps, puisque sur le sommet glacé des plus hautes montagnes l'éther et l'alcohol sont sans action sur les sens du goût et de l'odorat; que le musc, l'ambre, la civette, etc., sont sans parfum; que tout ce que nous voyons liquide, actif et pénétrant, est là solide, inerte, etc. (1).

Sans nous arrêter à l'observation que malgré tant de découvertes la chimie est encore dans un état de fluctuation sur l'essence des gaz et des substances salines, et sur la place qu'il faut leur assigner dans les trois règnes, il est de notre devoir de faire remarquer que les substances gazeuses et volatiles, impropres à la respiration, ne nuisent pas simplement par l'interruption de cette fonction, mais qu'il faut y ajouter le modus agendi de chaque substance, suivant qu'elle détermine la septicité, le narcotisme, ou des phlegmasies. Il pourrait même se faire que la qualité antirespirable ne fût pas la principale, et que ces substances, en général nuisibles, ne le fussent que suivant le degré de sensibilité des corps orgnisés soumis à leur ac

(1) Voyage de La Condamine aux Cordillières.

tion. Ainsi M. Saissy de Lyon, dans ses considérations sur quelques animaux hybernans, a prouvé que ces animaux, les moins sensibles peut-être des quadrupèdes, peuvent respirer pendant un temps assez considérable un air qui n'est plus propre à la combustion ni à la respiration des autres animaux, et qu'ils sont de tous les animaux à sang chaud ceux qui peuvent vivre le plus long-temps dans le gaz azote (1). Ainsi l'observation des fabriques d'acides minéraux nous offre tous les jours des ouvriers rudes, empâtés (pareils peut-être pour la sensibilité aux animaux hybernans), qui respirent sans danger des vapeurs acides dont les autres individus seraient suffoqués; et nous aurons occasion de voir que les diverses espèces de végétaux suivent la même gradation; de sorte que nous sommes tentés de considérer les gaz, relativement à la sensibilité des corps vivans, non point par leurs propriétés absolues antirespirables, mais suivant leurs effets.

La nature du principe odorant des différens corps ne se manifestera vraisemblablement jamais à nos sens autrement que par les impressions qu'ils en éprouvent, telles que la nauséabonde, l'acre et l'aromatique: impressions qui, par leur intensité, peuvent occasioner l'asphyxie, et même la mort. Le principe odorant est souvent mélangé avec les gaz qui se développent des corps qui le fournissent, de manière que le composé en résultant est

(1) Séance publique de la société de médecine de Lyon, 1810, pag. 55.

non-seulement impropre à la respiration, mais qu'il est encore nuisible sous plusieurs autres rapports. Cela est particulièrement sensible dans les émanations des substances animales qui se pourissent dans le gaz des marais (gaz oléfiant), et dans l'atmosphère chargée du résultat de la respiration et de la transpiration de plusieurs personnes. Dans le premier cas, les fluides élastiques qui se dégagent sont d'abord mélangés du gaz ammoniacal et du principe odorant nauséabonde de la putréfaction; puis il reste l'odeur fétide pure, particulière à cette opération de la nature, suivant les espèces des corps organisés. Dans le second cas, le gaz qu'on a appelé acide carbonique, et le gaz azote, résultans de la respiration, ne sont pas purs, mais ils sont mélangés d'un principe odorant, particulier à certaines constitutions, à certaines maladies, à l'air des hôpitaux et à celui des prisons, lequel s'attache aux vêtemens et constitue proprement ce qu'on nomme miasme contagieux. Or, ces gaz et autres, lorsqu'ils sont purs, sont, à proprement parler, aussi inodores que diaphanes.

Par toutes ces raisons et autres qu'il est inutile de déduire, nous ne diviserons plus les poisons d'après leurs principes constitutifs ou leur état d'aggrégation, mais nous les classerons d'après leurs effets connus sur nos organes, sans égard au règne auquel ils appartiennent, et avec d'autant plus de raison que les trois règnes fournissent les analogues dans le même ordre de symptômes. Ainsi que nous nous en sommes déjà expliqués précédemment (§. 823 et suiv.), quoique moins savante en apparence, cette division est plus utile à la pratique.

Nous adoptons en conséquence la division suivante, en six classes, de tous les poisons connus, et de toutes les manières possibles par lesquelles les substances vénéneuses peuvent nuire au corps humain :

Poisons septiques;

Poisons stupéfians ou narcotiques;
Poisons narcatico-acres;

Poisons acres ou rubéfians;

Poisons corrosifs ou escarotiques

Poisons astringens.

Je n'ignore pas que Richard Méad a dit, et que l'expérience prouve, que le même poison peut varier dans ses effets; que, quoique tirée du même genre, une substance vénéneuse aura une efficacité différente, et produira des symptômes étrangers au genre (1); mais nous répondons à cela qu'indépendamment des explications que l'on pourra déjà en trouver dans la section précédente, ces anomalies sont rares, et qu'il sera toujours possible de découvrir, par l'analyse des symptômes, lorsque d'ailleurs l'on ne pourra pas se procurer l'échantillon du poison, s'il appartient à l'une des six classes cidessus, ou s'il est composé des effets de plusieurs de ces classes.

r

(1) Méad, de venen. examen venenorum.

§. 835. Poisons septiques ou putréfians.

ESPÈCES 1. Miasmes contagieux émanés des corps pestiférés, ou des ballots de marchandises venant d'un lieu infecté de la peste.

:

Idem, émanés d'un lieu étroit où plu-
sieurs personnes se trouvent renfer-
mées, ne recevant l'air que par de pe-
tites ouvertures.

Idem, émanés des corps vivans attaqués
de fièvres putrides, de grandes plaies
en suppuration, de gangrène, de scor-
but, de dyssenterie.

2. Exhalaisons des cimetières, des hôpitaux,
des prisons, des vaisseaux, des cloaques
ou fosses d'aisances, des marais, des
végétaux pouris, de l'eau croupie.

3. Gaz hydrogène sulfuré.

4. Venin de la vipère et de certains reptiles.
5. Viandes, poissons, œufs pouris.

6. Passions d'âme fort tristes, crainte d'un
danger imminent, consternation.

:

PREMIERE

CLASSE

géneraux des

poisons de la prem. classe.

§. 836. Cette classe de poisons agit en pro- Symptômes duisant un relâchentent et une faiblesse générale dans tous les systèmes, une dissolution des humeurs; en déterminant des syncopes, des sueurs froides, des hémorragies universelles, l'ouverture de tous les sphincters, l'abattement. subit des traits du visage, la pâleur générale, l'extinction des forces du cœur, l'anéantisse

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