Page images
PDF
EPUB

DE THÉOLOGIE.

AARON, frère de Moïse, premier pon

tife de la religion juive. On peut voir son histoire dans l'Exode et dans les livres suivants : ce n'est point à nous d'en rassembler les traits; mais nous sommes obligés de justifier les deux frères de quelques reproches que leur ont faits les censeurs anciens et modernes de l'histoire sainte.

Ils ont dit que Moïse avoit donné à sa tribu et à sa famille le sacerdoce par un motif d'ambition. S'il avoit agi par ce motif, il auroit sans doute assuré à ses propres enfants le pontificat plutôt qu'à ceux de son frère; il ne l'a pas fait; les enfants de Moïse demeurèrent confondus dans la foule des lévites. Dans le testament de Jacob, Lévi et Siméon sont assez maltraités; la dispersion des lévites parmi les autres tribus est prédite comme une punition du crime de leur père. Gen., c. 49, 7. 5 et suiv. Qui a forcé Moïse de conserver le souvenir de cette tache imprimée à sa tribu? Nous ne voyons pas en quoi le sacerdoce judaïque pouvoit exciter l'ambition. Les lévites n'eurent point de part à la distribution des terres: ils étoient dispersés parmi les autres tribus, obligés de quitter leur famille, pour venir remplir leurs fonctions dans le temple de Jérusalem; leur subsistance étoit précaire; ils étoient exposés à la perdre lorsque le peuple se livroit à l'idolâtrie. Une preuve que le sacerdoce n'étoit pas par lui-même une source de prospérité, c'est que la tribu de Lévi fut toujours la moins nombreuse; on le voit par les dénombrements qui furent faits en différents temps.

A

A la vérité l'auteur de l'Ecclésiastique, c. 45, 7. 7, fait un éloge magnifique de la dignité d'Aaron et des priviléges qui étoient attachés à son sacerdoce; mais il les envisage sous un aspect religieux, beaucoup plus que du côté des avantages temporels; le privilége de subsister par les offrandes des prémices et par une portion des victimes ne pouvoit pas compenser les inconvénients auxquels les prêtres en général étoient exposés aussi bien que leur chef. Nous ne voyons pas dans l'histoire sainte que les pontifes des Hébreux aient jamais joui d'une trèsgrande autorité ni d'une fortune considérable, et nous ne comprenons pas quel motif auroit pu exciter l'ambition de gouverner un peuple aussi intraitable et aussi mutin que l'étoient les Hébreux.

Les mêmes censeurs ont ajouté qu'après l'adoration du veau d'or le peuple fut puni, et qu'Aaron, le plus coupable de tous, ne le fut point: que le gros de la nation porta la peine du crime de son pontife. C'est une calomnie. Aaron ne fut ni l'auteur de la prévarication du peuple, ni le plus coupable; il céda par foiblesse aux cris importuns d'une multitude séditieuse. Moïse, à la vérité, demanda au Seigneur grâce pour son frère, et l'obtint. S'il avoit agi autrement, on l'auroit accusé d'inhumanité, ou d'avoir profité de l'occasion pour supplanter son frère. La faute d'Aaron ne demeura cependant pas impunie. Il fut exempt de la contagion qui fit périr les prévaricateurs; mais il eut bientôt à pleurer la mort de ses deux fils aînés; il fut exclu, aussi bien que Moïse, de l'entrée dans la

terre promise, et subit une mort préma- | liézer, économe d'Abraham ; ils n'ont pas turée pour une faute assez légère. mieux rencontré. Il est fort aisé d'abuser de ces sortes de parallèles entre l'histoire sainte et la fable, et nous ne voyons pas quelle utilité il en peut résulter. Ceux qui voudront consulter les allégories orientales de M. de Gebelin, pag. 100 et suiv., verront qu'il n'a pas été nécessaire de copier l'histoire sainte, pour forger la fable de Mercure.

Si l'on veut faire attention à la multitude et à la rigueur des lois auxquelles le grand-prêtre étoit assujéti, à la peine de mort qu'il pouvoit encourir s'il péchoit dans ses fonctions, à l'espèce d'esclavage dans lequel il étoit retenu, on verra que cette dignité n'étoit pas fort propre à exciter l'ambition. Voyez LEVITE, PONTIFE, PRETRE, SACERDOCE.

La révolte de Coré et de ses partisans, et leur punition éclatante, ont fourni aux incrédules de nouveaux traits de malignité. Coré, chef d'une famille de lévites, jaloux du choix que Dieu avoit fait d'Aaron pour le pontificat, se joignit à Dathan, à Abiron et à deux cent cinquante autres chefs de famille, et ils reprochèrent à Moïse et à son frère l'autorité qu'ils exerçoient sur le peuple du Seigneur. Moïse leur répondit avec modération que c'étoit à Dieu seul de désigner ceux qu'il daignoit revêtir du sacerdoce, et il le pria de confirmer, par la punition exemplaire des rebelles, le choix qu'il avoit fait d'Aaron et de ses enfants. En effet, la terre s'ouvrit et engloutit Coré avec ses complices et toute leur famille, et un feu du ciel consuma les deux cent cinquante autres coupables. Num., c. 16.

Reprocher ce châtiment à Moïse comme un trait de cruauté, c'est s'en prendre à Dieu même. Moïse ni son frère n'avoient pas sans doute le pouvoir de faire ouvrir la terre, ni de faire tomber le feu du ciel; et ce prodige se fit à la vue de tout le peuple assemblé. Dieu auroit-il approuvé par un miracle l'ambition ou la cruauté des deux frères?

Vainement certains critiques ont voulu trouver de la ressemblance entre l'histoire d'Aaron et la fable de Mercure; tous les traits du parallèle qu'ils en ont fait sont forcés. Homère et Hésiode ont connu la fable de Mercure longtemps avant que les Grecs aient pu avoir aucune connoissance de l'histoire des Juifs; Hérodote, qui a vécu quatre cents ans après ces deux poëtes, connoissoit très-peu les Juifs. D'autres ont cru que le personnage de Mercure avoit été copié sur celui d'E

AB, ABBA. Voyez PÈRE.

ABADDON, est le nom de l'ange exterminateur dans l'Apocalypse; il vient de l'hébreu Abad, perdre, détruire.

ABAILARD ou ABÉLARD (Pierre), docteur célèbre du douzième siècle, mort l'an 1142. Nous n'aurions rien à en dire, si l'on n'avoit pas travaillé de nos jours à réhabiliter sa mémoire, à faire l'apologie de sa doctrine, et à donner au déréglement de sa jeunesse toute la célébrité possible; ce que l'on en a dit est tiré du Dictionnaire de Bayle, articles Abélard, Bérenger, Héloïse. Saint Bernard y est accusé d'avoir persécuté Abailard par jalousie de réputation. Mosheim, Brucker et d'autres protestants, n'ont pas manqué d'adopter cette calomnie.

Malgré les efforts de Bayle et de ses copistes, il résulte de leurs aveux, 1o que le déréglement des mœurs d'Abai lard n'est point venu de foiblesse, mais d'un fond de perversité naturelle; il avoit formé le dessein de séduire Héloïsc avant qu'elle fût son écolière; c'est dans cette intention qu'il se mit en pension chez le chanoine Fulbert et lui offrit de donner des leçons à sa nièce; et il en convient lui-même dans la relation qu'il fait de ses malheurs.

2o La vanité, la présomption, la jalousie, le caractère hargneux d'Abailard, sont prouvés par ses écrits et par sa conduite. Son ambition étoit de vaincre ses maîtres dans la dispute, d'établir sa réputation sur les ruines de la leur, de leur enlever leurs écoliers, d'être suivi d'une foule de disciples. On voit par ses ouvrages qu'il entraînoit ses auditeurs, beaucoup plus par ses talents extérieurs que par la solidité de sa doctrine; il étoit séduisant, mais il instruisoit très-mal : il se fit des ennemis de propos délibéré,

pour le seul plaisir de les braver. Jaloux de la réputation de saint Norbert et de celle de saint Bernard, il osa les calomnier l'un et l'autre.

30 Il se mit à professer la théologie sans l'avoir étudiée suffisamment; il y porta les subtilités frivoles de sa dialectique et un esprit faux ; cela est évident par le premier ouvrage qu'il publia. Rien n'étoit plus absurde que de donner un traité de la foi à la sainte Trinité, pour servir d'introduction à la théologie; de vouloir expliquer ce mystère par des comparaisons sensibles: s'il pouvoit être comparé à quelque chose, ce ne seroit plus un mystère ou un dogme incompréhensible.

enfers. Qui l'empêchoit de rétracter les unes et d'expliquer les autres, comme il fut obligé de le faire dans la suite? Sans vouloir le faire dans le concile de Sens, il en appela à la décision du pape, et se retira, Par respect pour son appel, le concile se contenta de condamner les propositions et ne nota point sa personne.

En effet, il fut condamné à Rome aussi bien qu'à Sens. Est-ce encore par haine ou par jalousie que le pape et les cardinaux prononcèrent l'anathème contre lui? Ce n'est qu'après cette condamnation qu'il fit enfin son apologie et sa profession de foi, dans laquelle il rétracta formellement la plupart des propositions qu'on lui avoit reprochées, et tâcha d'expliquer les autres.

On dit, pour l'excuser, qu'il vit bien que saint Bernard et les évêques du concile de Sens étoient prévenus contre lui, et que sa justification n'eût servi à rien. Mauvais prétexte dont un opiniâtre peut toujours se servir quand il le veut. S'en rapporter d'abord au jugement du concile, en appeler ensuite avant même qu'il soit prononcé, est un trait de révolte et 4o Ses apologistes sont forcés de con- de mauvaise foi : les évêques étoient ses venir qu'il y a des erreurs dans cet ou-juges légitimes; en refusant de se justivrage et dans les autres; ce n'est donc fier, il méritoit condamnation. pas injustement qu'il fut condamné dans un concile de Soissons, l'an 1121, et que l'auteur fut obligé de se rétracter. Cet événement rendit avec raison les évêques et les autres théologiens plus attentifs sur sa doctrine. Vingt ans après, Guillaume, abbé de Saint-Thierry, crut trouver de nouvelles erreurs dans les écrits d'Abailard; il en envoya le précis et la réfutation à Geoffroi, évêque de Chartres, et à saint Bernard, abbé de Clairvaux. At-on quelque motif de prêter de la jalou- | sie, de la haine, de la prévention à l'abbé de Saint-Thierry? Saint Bernard, loin de témoigner ces mêmes passions contre Abailard, lui écrivit pour l'engager à se rétracter et à corriger ses livres. Cet entêté n'en voulut rien faire : il voulut attendre la décision du concile de Sens, qui étoit près de s'assembler, et demanda que saint Bernard y fût présent. L'abbé de Clairvaux s'y trouva en effet; il produisit les propositions extraites des ouvrages d'Abailard, et le somma de les justifier ou de les rétracter.

Parmi ces propositions, que l'on peut voir dans le Dictionnaire des hérésies, article Abailard, il y en a quatre qui sont pélagiennes, trois sur la Trinité, dont le sens littéral est hérétique; dans une autre, l'auteur enseigne l'optimisme; dans la quatorzième, il soutient que Jésus-Christ n'est pas descendu aux

Le grand reproche que l'on fait à saint Bernard, est de s'être exprimé trop durement au sujet d'Abailard, dans les lettres qu'il écrivit à Rome et aux évêques de France à ce sujet; mais ce ne fut qu'après le refus que fit Abailard de s'expliquer et de se rétracter. Cette conduite dut persuader au saint abbé que ce novateur étoit un hérétique obstiné. Mosheim et Brucker disent que saint Bernard n'entendoit rien aux subtilités de la dialectique de son adversaire; mais celui-ci s'entendoit-il lui-même ? On voit, par les ouvrages du premier qu'il étoit meilleur théologien que son antagoniste, et qu'Abailard auroit pu le prendre pour maître ou pour juge, sans se dégrader, Toujours est-il vrai que les protestants qui reprochent à l'abbé de Clairvaux la haine, la jalousie, la violence, l'injustice contre l'innocence persécutée, sc rendent eux-mêmes coupables de tous ces viccs.

« PreviousContinue »