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Ce n'est pas tout: le 29 mai 1795, un traité d'alliance défensive était conclu, à Vienne, entre l'empereur d'Allemagne et le roi d'Angleterre1, presque au moment même où, par un second rescrit présenté à la diète de Ratisbonne, l'Autriche invitait le corps germanique à s'unir à son chef, pour obtenir sous ses auspices une paix que « Sa Majesté impériale était-il dit dans cette déclaration désirait ardemment de procurer à l'Allemagne, comme État et comme membre de l'Empire3! >>

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Tandis que ces choses se passaient, Rewbell et Sieyes, envoyés en Hollande, y arrêtaient, avec Peter Paulus, Lestevenon, Mathias, Pons et Hubert, les bases du traité qui devait unir définitivement ce dernier pays à la France.

Les négociateurs étaient, de part et d'autre, si disposés à agir de concert, que la discussion n'occupa pas plus de quatre conférences. Ce fut le 27 floréal (16 mai) que le traité reçut les signatures des parties contractantes. Les principales conditions furent celles-ci :

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« La République française reconnaît la République des Provinces-Unies comme puissance libre et indépendante, lui garantit sa liberté, son indépendance et l'abolition du stathoudérat.

(< II y aura à perpétuité, entre ces deux Républiques, paix, amitié, bonne intelligence.

texte de la convention signée à Vienne par le baron de Thugut et sir Morton Eden, le 4 mai 1795, et rapprochez ce document du rescrit impérial, dont le texte se trouve aussi dans le t. XXXV, p. 245 de l'Annual Register.

Voy. le texte de ce traité dans les State papers, Annual Register, t. XXXV, p. 269-271.

Au milieu du mois de mai. Voy. le second rescrit en question, ibid., p. 246.

3 Lettre de Sieyes et Rewbell au Comité de Salut public, Moniteur, an III, n° 246.

5 Nous les avons sommairement indiquées dans le volume précédent.

de la

«< Il y aura entre les deux Républiques, jusqu'à la fin guerre, alliance offensive et défensive contre tous leurs ennemis, sans distinction.

« Cette alliance offensive et défensive aura toujours lieu contre l'Angleterre, dans tous les cas où l'une des deux Républiques sera en guerre avec elle.

« La République française ne pourra faire la paix avec aucune des autres Puissances coalisées sans y faire comprendre la République des Provinces-Unies.

« La République des Provinces-Unies fournira, pour son contingent, pendant cette campagne, douze vaisseaux de ligne et dix-huit frégates. Elle fournira en outre, si elle en est requise, la moitié au moins des troupes qu'elle aura sur pied.

« Les forces de terre et de mer des Provinces-Unies qui seront expressément destinées à agir avec celles de la République française seront sous les ordres des généraux français.

«La République des Provinces-Unies rentre, dès ce moment, en possession de sa marine, de ses arsenaux de terre et de mer, et de la partie de son artillerie dont la République française n'a pas disposé.

«La République française restitue pareillement, et dès à présent, à la République des Provinces-Unies, tout le territoire, pays et villes faisant partie ou dépendant des Provinces-Unies, sauf la Flandre hollandaise, Maëstricht, Venloo et leurs dépendances, ainsi que les autres enclaves et possessions situées au sud de Venloo, de l'un et de l'autre côté de la Meuse (acquisitions volontairement considérées comme une juste indemnité des restitutions consenties par la France victorieuse).

« Le port de Flessingue sera commun aux deux nations, en toute franchise...

« A la pacification générale, la République française cédera à celle des Provinces-Unies, sur les pays conquis

et restés à la France, des portions de territoire égales en surface à celles réservées par les articles précédents.

« La République française continuera d'occuper militairement, mais par un nombre de troupes déterminé et convenu entre les deux nations, pendant la présente guerre seulement, les places et positions qu'il sera utile. de garder pour la défense du pays.

<< La navigation du Rhin, de la Meuse, de l'Escaut, du Hondt et de toutes leurs branches jusqu'à la mer, sera libre aux deux nations française et batave.

« La République des Provinces-Unies payera cent millions de florins à la République française, à titre d'indemnité et de dédommagement des frais de la guerre.

« La République française emploiera ses bons offices auprès des Puissances avec lesquelles elle sera dans le cas de traiter, pour faire payer aux habitants de la République batave les sommes qui pourraient leur être dues par suite de négociations directes avec le gouvernement avant la présente guerre1. »

Ce traité, lorsque Sieyès en donna communication à la Convention nationale, y fut applaudi avec transport. Nul doute, en effet, qu'il ne fût très-favorable à la France, et que Sieyès ne fût fondé à dire : « La Tamise doit voir avec inquiétude les destinées de l'Escaut . » Cependant, si l'on considère que, renonçant à la dure logique du droit de conquête, la France restituait volontairement une partie très-considérable du territoire que le sort des armes lui avait livré et qu'il ne tenait qu'à elle de garder; si l'on considère que, même pour ce qu'elle croyait juste de retenir, elle s'engageait à indemniser plus tard la Hollande, et que, non contente de proclamer l'indépendance et la liberté des Provinces-Unies,

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elle contractait l'obligation de les défendre, il faudra bien reconnaître qu'il n'y eut rien dans le traité de la Haye qui ressemblât à un abus de la victoire. Cela est tellement vrai, que le Comité de Salut public encourut, contraire, de la part de quelques esprits étroits, le reproche de n'avoir pas fait suffisamment tourner au profit de la France les triomphes de son génie guerrier. Les royalistes, que l'annexion de la Hollande à la République française eût désespérés si elle avait eu lieu, affectèrent de se récrier contre la politique qui sacrifiait une conquête magnifique à ce que Beaulieu, un des leurs, appelle une << jonglerie révolutionnaire; » car c'est ainsi qu'il qualifie le fait de l'indépendance de la nation batave, solennellement reconnue 1!

Tout autre, et non moins injuste, fut, dans les pays étrangers, l'appréciation de ceux qui haïssaient le peuple français, moins encore à cause de ses principes qu'à cause de sa puissance. Ceux-là ne manquèrent pas de déclarer oppressif le traité imposé, disaient-ils, à la Hollande 2.

La Hollande se chargea de leur répondre.

Le 4 messidor (22 juin) 1795, des applaudissements réitérés annoncent, dans la Convention, l'arrivée de Blaw et Meyer, ministres plénipotentiaires de Hollande. Ils entrent, sont placés en face du président, et l'un d'eux, prenant la parole, commence en ces termes : « Citoyens représentants, les ministres plénipotentiaires du peuple batave remplissent aujourd'hui un devoir bien cher à leur cœur, celui de la reconnaissance, celui de l'admiration. Le reste du discours était sur le même ton, et il se terminait par les paroles suivantes : « Voici le drapeau

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1 Voy. Essais historiques sur les causes de la Révolution.

2 « Oppressif » est le mot dont se sert Schlosser dans son Histoire du dix-huitième siècle, livre qui respire d'un bout à l'autre une haine peu réfléchie de la Révolution et de la France.

de notre nation. Nous vous prions de l'agréer comme un gage de la fraternité qui nous unit, et de la bonne foi avec laquelle nous remplirons les engagements sacrés que nous avons contractés. »

Les deux ministres furent alors invités à monter au Bureau, où ils reçurent l'accolade fraternelle du président, au sein de l'émotion générale, et au cri mille fois répété de Vivent les deux Républiques'!

Ainsi, sur le continent, la Coalition s'écroulait. Quel parti allait prendre l'Angleterre ?

Dès le 6 janvier 1795, le comte Stanhope, dans la Chambre des Lords, avait présenté une motion contre toute intervention dans les affaires intérieures de la France; et cette motion ayant été repoussée par un vote d'ajournement, à la majorité de soixante et une voix contre une, il avait consigné les motifs de son opposition solitaire dans une des plus belles protestations qu'aient jamais inspirées le culte de la justice et le génie de la lìberté. Elle mérite d'être reproduite ici; d'autant qu'on y trouve, résumées avec non moins de force que de noblesse, toutes les raisons qui, aux yeux de la partie la plus généreuse de la nation anglaise, militaient en faveur de la paix.

1 Moniteur, an III, no 277. - Il va sans dire que Schlosser a soin d'omettre cette preuve de l'oppression exercée sur la Hollande!

Au reste, les omissions coûtent peu à Schlosser, lorsqu'il les juge utiles politiquement, et il a, sur ce point, une théorie que lui-même fait très-ingénument connaître dans le passage suivant: « Nous passons sous silence la faiblesse que montra alors l'Allemagne, déchirée par des dissensions intérieures, la scandaleuse façon dont on perdit la rive gauche du Rhin par le honteux abandon de Rheinfels aux Français, alors que Hardenberg mettait en mouvement tout le cercle de Franconie, et que la Saxe, Bade, le Palatinat et Mayence poursuivaient la paix à Ratisbonne, pour ne pas exposer aux yeux du monde les fautes de nos gouvernements, qu'il vaut mieux tenir cachées. » T. VI, p. 604 (traduction anglaise de Davison). Voilà une étrange manière de comprendre les devoirs de l'historien !

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