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CHAPITRE TROISIÈME

CRIMES DES CHOUANS.

Protestation de Stofflet contre la paix conclue par Charette. L'armée des côtes de l'ouest confiée à Canclaux.

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Jugement de Mallet du Pan

sur Canclaux. Charette appuie les républicains contre Stofflet. Succès des républicains. Stofflet abandonné par ses principaux offi

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ciers. Attaques de grand chemin. La révolte attisée par les prêtres. Charette se prépare à la trahison. Horrible situation de Nantes. Soumission de Stofflet. Paix mendiée et achetée, pacte entre la bassesse et le mensonge. Résultats de la pacification de Saint-Florent pillages, incendies, assassinats.

État des choses en

Bretagne. Effroyables déprédations. - Vil caractère de la politique thermidorienne. Plan de Hoche. Ses instructions. En quoi

elles étaient blâmables.

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Son système de concentrer ses forces. Plaintes que ce système provoque. Hoche dénoncé par Baudran et Dubois-Dubais. Insolence de Coquereau, un des chefs des Chouans. Traité de la Mabilaye; conditions avilissantes subies par le gouvernement thermidorien. Le commandement de l'armée des côtes de Cherbourg retiré à Hoche et confié à Aubert-Dubayet. - Manière de combattre des Chouans décrite par Hoche. Abominable hypocrisie de Cormatin et des chefs chouans. La révolte organisée à l'ombre de la pacification. — Crimes de toutes sortes commis par les Chouans : vols, massacres, contributions forcées, dévastation des campagnes, mesures pour affamer les villes. Règlement de police rédigé par Les prêtres réfractaires, fauteurs de la guerre civile. Le général républicain Humbert sous l'uniforme de Chouan. - Plan de la faction espagnole. - Offres faites aux royalistes par l'Espagne. -Impudence de Cormatin; ses menées. Il est découvert et arrêté. Soulèvements des Chouans réprimés.

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- La tête de Boishardy promenée au bout d'une pique; généreuse indignation de Hoche.

Pendant que les « agents de Paris » nouaient leurs intrigues, tout n'était que trahison dans les provinces de l'Ouest, où le royalisme était en force.

XII.

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On a vu avec quelle fougue Stofflet s'était séparé de Charette, lors des conférences de la Jaunaye': le 12 ventôse an III (2 mars 1795), il convoqua ses officiers à Jallais; et tous, réunis en conseil, ils signèrent contre la pacification une protestation véhémente. Elle portait que << vivement affectés du lâche abandon qu'avaient fait de leur poste MM. de Charette, de Couetus, Sapinaud, Fleuriot, Debruc, Béjary et Prudhome, ils invitaient à se joindre à eux dans le plus court délai les officiers fidèles à Dieu et au roi2. »

Cette protestation était l'ouvrage de Bernier, curé de Saint-Laud, de ce même Bernier qui, selon la remarque de Savary, «< vendit ensuite son parti pour avoir un évêché". »

Un décret du 13 ventôse (3 mars) avait mis le général Hoche à la tête des armées réunies des côtes de Brest et des côtes de Cherbourg : le même décret confia le commandement en chef de l'armée des côtes de l'Ouest au général Canclaux *.

Ainsi, c'était sur le plus tiède des généraux républicains que le parti dominant se reposait du soin de dompter le plus opiniâtre des généraux royalistes. Ce choix fut-il désagréable aux rebelles? On en jugera par ce mot d'une lettre que Mallet du Pan écrivait, un mois après, au comte de Sainte-Aldegonde: «On dit le général Canclaux destitué; c'est un malheur ! » Mallet du Pan n'aurait sans doute pas déploré aussi amèrement la destitution de Hoche, qui disait avec raison en parlant

1 Voy. dans le volume précédent, le chapitre intitulé La contre-revolution en Vendée, p. 370.

2 Savary, Histoire des guerres de la Vendée, t. IV, p. 386 et 387.
3 lbid.,
p. 392.

Moniteur, an III, numéro 165.

5 Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, t. II, chap. vIII, p. 172.

de lui-même: «Ma figure peut paraître de glace lorsqu'on ne me connaît pas; mais en matière de liberté, mon âme est de feu1. »

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Cependant, Canclaux se disposait à marcher contre Stofflet. Le 24 ventôse (14 mars) le représentant du peuple Delaunay en informa la Convention, ajoutant que Charette agirait de concert avec les républicains'. Et en effet le bruit courut que, pour favoriser l'expédition dirigée contre Stofflet, Charette avait établi un cordon de troupes sur les lignes qui séparaient son territoire de celui de son rival'. Ce qui est certain, c'est qu'il donna ordre à ses lieutenants Fleuriot et Sapinaud d'escorter avec cinq cents hommes un convoi considérable de subsistances destiné par Canclaux aux troupes qui devaient se réunir près de Chollet. Le convoi parvint à sa destination, et seize mille rations de pain s'étant trouvées de trop, ce fut grâce à la même protection qu'elles purent sans danger rétrograder sur les Sablesd'Olonne, où elles furent distibuées aux soldats de Charette*.

Le 5 germinal (25 mars), les colonnes républicaines se mettaient en mouvement et s'emparaient, sans rencontrer aucune résistance, de Cérisais, de Bressuire, de Châtillon, de Maulevrier, de Chollet. Le général Caffin, qui commandait la division Dubreuil, entra, de son côté, à Chemillé, le 11 germinal (51 mars), mais non sans avoir perdu, au passage de Layon, deux braves officiers

1

1 Correspondance de Hoche,. Lettre au représentant du peuple Boursault, 9 fructidor, an III.

Savary, Histoire des guerres de la Vendée, t. IV, p. 397.

5 Mémoires sur la Vendée, par un ancien administrateur militaire, p. 189.

«Par mes soins, » dit l'administrateur militaire aux Mémoires duquel nous empruntons ce détail caractéristique.

5 Lettre des représentants Dornier et Morisson au Comité de salut public, Moniteur, an III, numéro 198.

que l'armée regretta fort: l'adjudant général Bardon, et Rateau, chef d'escadron du 11° régiment de hussards'.

Ces premiers et rapides succès accusaient vivement la faiblesse de Stofflet. La vérité est qu'il n'avait pu parvenir à former un rassemblement; jusque-là que Caffin écrivait au représentant du peuple Bézard, dès le lendemain de l'occupation de Chemillé : « Nos patrouilles vont jusqu'aux Gardes, Trémentine et Jallais. On ne rencontre personne, si ce n'est quelques hommes épars2. »

Quelques jours après, le représentant du peuple Dornier se rendait seul à Saint-Macaire, où il avait invité les principaux officiers de Stofflet à se réunir pour y traiter de la paix.

Là fut signée par Bérard, Rostain, Mounier, Lhuilier, Lejeay, Germain Bez, Desormaux, tous officiers de Stofflet, une déclaration dans laquelle ils prenaient l'engagement de ne jamais porter les armes contre la République.

Mais, chose honteuse! A cette poignée de rebelles qui ne posaient les armes que faute de pouvoir les garder plus longtemps, le gouvernement permit d'écrire en tête de leur déclaration : « Des attentats inouïs contre notre liberté, l'intolérance la plus cruelle, les injustices et les vexations les plus odieuses nous ont mis les armes à la main3.

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En d'autres termes, les signataires ne juraient fidélité à la République qu'à la condition de l'insulter. Et voilà ce que les Thermidoriens étaient condamnés à souffrir!

Encore si cette défection des principaux officiers de Stofflet eût réellement mis un terme aux maux qui désolaient ces contrées! Mais non à une guerre régulière

1 Moniteur, an III, numéro 198.

2 Moniteur, an III, n° 204.

3 Voy. cette déclaration dans Savary, Histoire des guerres de la Vendée, t. IV, p. 450 et 451.

qui, de la part des royalistes, était devenue impossible, avait succédé une guerre de brigandage, et celle-là n'était pas près de finir. Il n'y avait plus de vrais combats, mais il y avait toujours des attaques de grand chemin. Le transport des subsistances ne pouvait avoir lieu qu'au prix d'une vigilance de tous les instants; le meurtre secondait la rapine, et, presque toujours, la religion venait joner un rôle dans ces fureurs. Le 20 germinal (9 avril), le bataillon d'Ille-et-Vilaine ayant eu à protéger contre une attaque soudaine et violente un convoi qu'il escortait, les rebelles perdirent un drapeau orné d'un écusson qui représentait saint Jean-Baptiste, avec cette légende : Ecce agnus Dei qui tollit peccata mundi'. Ainsi se révélait l'influence des prêtres.

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D'un autre côté, l'attitude de Charette commençait à donner de sérieuses inquiétudes. Le traité conclu avec lui n'empêchait pas que la côte ne fût encore au pouvoir des rebelles, depuis l'île de Bouin jusqu'aux environs de Saint-Gilles. Savin commandait à Palluau. Dabbayes, dans le Marais, avait son quartier général à Saint-Jean-de-Mont. Pajot était du côté de Beauvoir. Dans les communes qu'on avait si follement placées sous l'autorité de Charette, il se formait des comités qui ne se cachaient pas pour agir au nom du roi. On faisait circuler des listes de proscription sur lesquelles se trouvaient inscrits les noms des hommes qui avaient le mieux servi la République2. Vainement les administrations adressaient-elles à Charette plaintes sur plaintes : à peine eût-il daigné y répondre,

1 Lettre du général Caffin au général Canclaux, en date du 21 germinal (10 avril) 1795.

2 Rapport de l'administration du district de Challans au Comité de salut public, en date du 21 germinal (10 avril) 1795.

Ce rapport, ainsi que plusieurs des rapports et lettres que nous citons dans ce chapitre, se trouvent reproduits par ordre de date dans le tome IV du livre de Savary. Leur ensemble constitue une sorte d'histoire officielle de la Vendée.

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