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«Bonaparte, pour me prouver, comme je l'ai su1.....que ses intentions à mon égard n'avaient point varié et que ma conduite en Angleterre ne me serait pas reprochée, ordonna que l'on insérât dans le cours de l'ouvrage un grand nombre de (des extraits des) passages de mes Mémoires où mes opinions à l'égard de cette Puissance sont conformes à celles énoncées par le comte de Vauban. Le livre, ainsi rédigé, fut imprimé au nombre de dix mille exemplaires en français et à un nombre trèsconsidérable dans toutes les langues du continent. Les exemplaires qui sont parvenus en Angleterre ont été achetés chez les libraires par ordre des princes français et jetés au feu. Celui que j'ai l'honneur de vous confier, Mylord, avec un autre qu'a, je crois, le général d'Allègre, sont parvenus par une voie particulière; ils n'ont été communiqués qu'à une ou deux personnes, car, quelque injustes qu'aient été les princes français à mon égard, si je n'ai pas pour leurs personnes l'affection qu'ils n'ont pas voulu m'inspirer, j'ai, pour leur rang, pour leurs malheurs, et pour moi-même, le respect qu'il ne dépend pas d'eux de m'ôter 2. »

La' << question ordinaire et extraordinaire » étant abolie en France lorsque l'Empire fut établi, il est assurément fort peu probable que, pour forcer le comte de Vauban à faire ce qu'on désirait de lui, on ait étalé sous ses yeux les « instruments de torture. » Ceci est apparemment un détail imaginé par Puisaye pour rendre d'autant plus odieuse la contrainte à laquelle son ami fut soumis, et pour expliquer la faiblesse avec laquelle il céda.

Quoi qu'il en soit, ce que prouve la lettre ci-dessus, le comte de Vauban est bien, en effet, l'auteur

c'est

que

Ici un mot illisible. Note de M. Louis Blanc.

Puisaye papers, vol. VIII.

Manuscrits du British Muséum.

de ce livre dont tant de gens étaient intéressés à nier l'authenticité. Napoléon força le comte à publier ce qui n'était pas destiné à la publicité; il le força, en outre, à grossir son ouvrage d'un grand nombre de passages, tirés des Mémoires de Puisaye; mais la contrainte ne porta que là-dessus. Le livre de Vauban doit donc être classé parmi les documents qui appartiennent au domaine de l'Histoire. Et c'est là un document d'autant plus précieux, d'autant plus digne de foi, qu'il consiste, selon l'expression de Puisaye, dans un journal exact que Vauban écrivit pour se rendre compte à lui-même de tout ce qu'il avait vu, fait et pensé depuis le commencement de la Révolution. Où trouver la vérité, si on ne la cherche pas dans des pièces de ce genre? Car enfin, on ne prétendra pas qu'un homme écrive un livre uniquement pour se mentir à lui-même !

Nous n'en dirons pas davantage : ce qui précède suffira, nous l'espérons, pour mettre le lecteur en état de juger que nous avons mis un soin particulier à récourir aux sources et que nos assertions ne manquent d'aucun des caractères qui appellent la confiance du public et la justifient.

HISTOIRE

DE LA RÉVOLUTION

FRANÇAISE

LIBRARY

OF THE

UNIVERSITY

CALIFORNIA

LIVRE QUATORZIEME

CHAPITRE PREMIER

LA COALITION DISSOUTE

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La

La Coalition frappée au cœur. A qui appartenait l'honneur de l'avoir rendue impuissante. Cette impuissance proclamée par Fox. Coalition condamnée par le sentiment des peuples. -- Sacrifices que la guerre avait coûtés aux Anglais. Subsides demandés par l'Autriche. Mauvaise foi de la Prusse, révélée par les débats du parlement anglais. Motifs de la Prusse pour se détacher de la Coalition. - Mésintelligence entre la Prusse et l'Autriche. Haugwitz. - Impulsion donnée par le premier.

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Hardenberg.

Manoeuvres diplomatiques du

second. Politique du Cabinet de Vienne; Thugut; Colloredo.-- Les trois colléges de l'Empire se déclarent pour la paix, avec le roi de Prusse pour médiateur. --Irritation sourde et embarras de l'Autriche. Le comte de Goltz chargé de négocier la paix. Instructions rédigées par Haugwitz. Premières difficultés écartées. Le négociateur français Barthélemy à Bâle. de la Hollande par les Français. qu'ils y excitent.

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Invasion

Questions à résoudre.
Causes historiques des sympathies

Le parti anglais et le parti français en Hollande.

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soldats français.

à leurs besoins.

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Les Français reçus en Hollande à bras

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Retraite des Anglais; leurs souf

Antipathie qui leur est témoi

Les Français dans Amsterdam.

Procla

gnée sur leur passage. mation du Comité révolutionnaire de cette ville. Noble attitude des Généreux empressement de la Hollande à pourvoir Révolution de Hollande, en conformité avec les principes de la Révolution française. — La Belgique sollicite sa réunion à la France. Influence de ces événements sur la Prusse. Mort du comte de Goltz.-Hardenberg, son successeur, reprend les négociations de paix de la Prusse avec la France. Efforts de l'Angleterre pour empêcher la paix; tentatives de corruption; Henry Spencer et la comtesse de Lichtenau. Paix de Bâle. — Intérêts de l'Empire germanique sacrifiés par la Prusse. Impression produite en France, en Prusse, en Allemagne. Déchaînement à Vienne. — Rescrit impérial contre le système des paix partielles; mensonges diplomatiques de l'empereur d'Autriche. Il est subventionné par l'Angleterre. Traité de la Haye. Sa signification. Union intime de la France et de la Hollande. Motion du comte Stanhope dans la Chambre des Lords d'Angleterre en faveur de la paix; rejet de cette motion; belle protestation du comte Stanhope. Débats dans la Chambre des Communes sur une motion de Wilberforce en faveur de la paix; rejet de cette motion. A aucune époque la France n'était apparue, au dehors, sous Résumé de ses prodiges militaires.

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un aspect plus imposant.

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Mot profond de Pitt : « l'effet survivait à la cause. »

Le but héroïque assigné à l'action de la France sur le monde; son génie guerrier mis au service des droits, non du Français, mais de l'homme; - ses ressources immenses, maniées avec une vigueur sans exemple; dans le peuple, une intrépidité, un élan, un mépris de la mort, une aptitude à souffrir, une certitude de vaincre, impossibles à surpasser, presque impossibles à comprendre, et, dans ceux qu'il voulut à sa tête, une foi profonde, une volonté de granit, la faculté de créer des prodiges à force de compter sur des prodiges, une audace enfin, une audace que rien n'étonna, que rien n'arrêta, qui n'hésita devant rien, voilà ce qui avait rendu, dès la fin de 1794, le maintien de la Coalition absolument impossible. Mais, quoique la gloire d'avoir réduit la Coalition à la nécessité de se dissoudre appartînt aux mem

bres de l'ancien Comité de Salut public, ce fut le parti thermidorien qui profita du résultat et en eut l'honneur. Il moissonna sans effort ce qu'avaient ensemencé, au prix de leur repos et de leur vie, ceux-là mêmes qu'il assassina. L'Histoire est pleine de ces arrêts moqueurs de la fortune.

Le 21 janvier 1795, Fox disait, dans la Chambre des Communes d'Angleterre : « On a voulu forcer la France à changer le système qu'elle a adopté. L'épreuve s'est terminée en sa faveur, et a certes duré assez longtemps pour convaincre tous les membres de la Coalition, l'Angleterre exceptée, de l'inutilité de toute tentative ultérieure 1. >>

Et en effet, au moment où Fox tenait ce langage, la France, de nation à conquérir, était devenue nation conquérante; et la République, franchissant les frontières, s'avançait, l'épée à la main, sur le territoire ennemi.

Encore si les gouvernements en guerre avec le peuple français n'avaient eu d'autre sujet de découragement que ses continuelles victoires! Mais ce qui les troublait autant que leurs défaites, c'était l'aversion, hautement avouée, de leurs sujets pour une lutte de laquelle ceux-ci ne recueillaient que honte au dehors et misère au dedans. D'un bout de l'Europe à l'autre, ce n'étaient que plaintes amères sur cet embrasement prolongé du monde, sur l'égoïsme des rois, sur leur acharnement inhumain, et aussi sur la folie des peuples, imbéciles troupeaux qui se laissaient traîner à l'abattoir pour le soutien d'une cause qui était celle de leurs tyrans. « C'est contre nous-mêmes que nous allons combattre, » disaient tout haut, en marchant contre la République française, ces milliers de soldats plébéiens que la Coalition envoyait la mort 2.

1 Annual Register, vol. XXXVII, p. 170.

2 Ceci est reconnu par les écrivains anglais eux-mêmes « The inferior

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