Page images
PDF
EPUB

Cicéron s'élève avec raifon dans ce troisième livre des Loix, contre les ferutins établis d'abord à Rome pour les élections, & que l'on avoit en→ fuite étendus à l'admiffion des loix, & au jugement des crimes capitaux.

Ce moyen, dit-il, qui femble donner plus de liberté à l'opinion, a été inventé par les ennemis du bien public. Il laiffe un champ libre à l'intrigue, à la cabale. Les grands peuvent acheter des voix avec d'autant plus de facilité, qu'il eft impoffible de connoître ceux qui ont vendu leurs fuffrages.

Cette vérité a été fentie par nos repréfentans, lorfqu'ils ont préféré l'appel nominal à la voie du fcrutin. Il faut l'efpérer, cette noble franchise fera fmitée dans nos tribunaux; tout magiftrat eft Comptable de fon opinion au public. Si elle eft jufte, il ne peut la manifefter trop hautement ; fi elle eft inique, il faut que la honte en retombe fur lui. N'a-t-il pas le courage de réfister à la féduction, ou à l'avis qui domine? Qu'il abandonne fes fonctions; mais qu'il ne cache pas fa perverfité dans l'ombre du mystère; que s'enveloppant de la multitude de fes collègues, & ajoutant le menfonge à l'iniquité, il n'ait pas la reffource de dire: Si l'arrêt qui vient d'être renda eft injufte, ce n'est pas ma faute, j'étois d'un avis contraire.

89

I Ve

DISCOURS.

Conftitution Germanique.

De toutes les conftitutions qui existent aujourd'hui, la plus compliquée, mais la plus effentielle à fuivre dans tous fes rapports, parce qu'elle eft le centre auquel fe réuniffent les intérêts des principaux états de l'europe, c'eft la conftitution germanique.

L'affemblage & l'organisation de fes parties n'ont point eu de modèle dans l'antiquité.

Impofante par fa force, étonnante par l'accord de fes puiffances, on peut la comparer à ces machines dont les roues, d'un diamètre différent, tournent de concert, & font mouvoir plufieurs léviers qui entraînent une action & une réaction continuelle. En l'examinant de près, on fent que l'on pourroit la fimplifier & en produire une meilleure à moins de frais; mais qui ofera même donner l'idée d'une réforme contrariée par les plus fortes paffions humaines?

[ocr errors]

Quant à nous, nous ne nous propofons que d'en détailler les parties conftituantes, & d'en décrire les mouvemens.

Jufqu'à préfent nous n'avons vu, pour chefs des fociétés, que des rois, des rois, que des fénateurs; pour défenfeurs des priviléges du peuple, que des éphores, que des tribuns, que des orateurs.

Nous allons maintenant découvrir la fouveraineté dans un plus grand éclat. Mais ce qu'elle gagnera en pompe, elle le perdra en puiffance; fi elle n'attache pas à fon titre des dominations étrangères, elle fera environnée des créateurs de fa dignité, qui, après s'être humiliés un inftant devant l'ouvrage de leur choix, fe relèveront avec orgueil & fe montreront fes rivaux.

Nous apercevrons, placés à une plus grande distance, une multitude de princes enivrés de leurs titres, & dont la réunion offre une bigarrure f fingulière, que l'obfervateur qui en eft le témoin, ne fait s'il doit plus en rougir que s'en amuser, & en effet, qu'y a-t-il de plus bizarre qu'un collége de petits fouverains; les uns fous le costume de chevaliers, les autres, fous celui de prélats; plusieurs fous celui de moines, d'autres fous les vêtemens d'abbeffes?

De combien de fentimens l'ame n'eft-elle pas affaillie, lorfqu'en voyant ce cortége on fe dit: voilà les princes de l'empire, voilà les chefs de la partie de l'univers la plus habitée.

Si, après avoir gémi fur ce fpectacle de vanité, on pénètre dans cette diète éternelle, qui n'a

pour objet que de régler des rangs, des préféances, qui ne se prolonge tant d'années que pour ne pas ftatuer fur des prétentions', minutieufes, & pour les fufpendre à l'efpérance, combien la raison fouffre en voyant de graves perfonnages attacher tant d'importance aux chimères, & fi peu aux réalités!

Il faudra pourtant me traîner fur ces détails puérils, puifqu'ils font partie de la conftitution que j'ai à décrire.

Avant d'examiner fes loix fondamentales; voyons quelle a été l'origine de cet empire dont le trône est élevé fur le fol même qui a produit les destructeurs de l'empire romain.

L'Allemagne étoit partagée d'abord en fix principaux peuples, connus fous les noms de Souabes; de Bavarois, de Turingiens, de Saxons, de Frifes, & de Francs. Ces peuples avoient chacun, pour fouverains, des chefs qui fe qualifioient du titre de ducs; ils s'étoient réunis, pour repouffer, de concert, ces hommes du nord, qui fembloient refluer d'une des extrémités du globe, pour venir chercher des climats plus heureux & une terre plus fertile.

Les Francs, animés de l'esprit de domination, déclarèrent la guerre à leurs alliés & les fubjuguèrent; ils leur laiffèrent néanmoins leurs loix & leurs chefs.

Charlemagne, à la tête de ces mêmes Francs, fortit des Gaules, comme un torrent qui fe déborde, & réunit ces nations fous fa puiffance. Jaloux de l'autorité des ducs, il les deftitua, & mit à leurs places des comtes qui étoient fes lieutenans.

[ocr errors]

Sous ce grand monarque, l'empire n'offroit rien de fa conftitution actuelle; il devint héréditaire. Les ducs abaiffés par l'afcendant du conquérant, ne tentèrent pas de fe relever de l'humiliation où il les avoit plongés; ils ne s'opposèrent point à ce qu'il defignât fon fils pour fon fucceffeur; mais la foibleffe de ce fils les enhardit à faire revivre leurs droits.

Jufqu'alors il n'y avoit eu à cette grande monarchie d'autre titre que celui de la victoire.

Le traité de Verdun, de 843, eft le premier qui, en fixant la réunion des vaftes états de Charlemagne, en établit le partage entre les enfans de Louis le Débonnaire. L'Allemagne échuț à Louis le Germanique, & il fut empereur, non à titre d'élection mais à titre de fucceffion. Ce ne fut qu'après l'extinction de fes defcendans, en 911, que le titre d'empereur devint électif.

Les états le déférèrent à Conrad, & après fa mort, à Henri de Saxe.

Les heureufes expéditions d'Othon, en Italie, produifirent la réunion des deux empires, &

« PreviousContinue »