Page images
PDF
EPUB

3

101

» trats, produit deux excellens effets; elle les empêche de facrifier à l'intérêt de leur fortune

n

des momens qu'ils doivent à l'état, & d'exer» cer un monopole qui ruineroit les autres com» merçans.

» Si le cens qui fixe la claffe des citoyens def» tinés à gouverner eft trop fort, cette claffe eft » trop peu nombreuse; bientôt ceux qui, par leur

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

دو

intrigue ou par leurs talens, fe feront mis à la » tête des affaires, chercheront à s'y maintenir » par les mêmes voies, on les verra étendre insen» fiblement leurs droits, fe faire autorifer à fe » choifit des affociés, fupprimer, enfin, toutes les formes & fubftituer leurs volontés aux loix, » alors le gouvernement fe trouvera au dernier degré de la corruption, & l'oligarchie fera dans l'oligarchie. Cependant comme le peuple est également dangereux, foit qu'il rampe devant les autres, foit qu'on rampe devant lui, il ne faut pas qu'il pofsède exclufivement le droit de juger, & qu'il confère toutes les magiftratures, car alors la claffe des gens riches étant obligée de mandier baffement fes fuffrages, il ne tardera à fe convaincre qu'il lui eft auffi facile pas ,, de retenir l'autorité que d'en difpofer ». Je n'ai pas befoin de faire remarquer combien il y a de fagelfe, de profondeur & de difcernement dans ces principes & dans ces adroites

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

دو

دو

دو

"

Tome I.

B

combinaisons de l'autorité qui gouverne avec la puiffance qui obéit.

Quelque chofe que l'on faffe, cette puissance fera toujours dans le peuple. Pour qu'il ne la tourne point contre les Loix, il n'y a pas d'autre moyen pour l'y attacher que d'y placer fon bonheur. Voilà pourquoi le légiflateur le dédommage, dans l'oligarchie, de la privation des premières magiftratures, par la liberté de s'adonner aux profeffions lucratives, en attachant aux places, qu'il pourroit ambitionner, des privations & des dépenfes qui lui en font perdre le défir; enfin, en lui confervant la faculté & l'efpoir de s'y élever, à force de mérite, il ne bleffe pas fon orgueil par une exclufion abfolue.

De modernes légiflateurs ont bien perdu de vue ces idées de fageffe. A force d'accumuler les humiliations fur la claffe la plus nombreuse, ils ont fini par perdre leurs distinctions; en voulant être tout, ils fe font exposés à ceffer d'être quelque chofe.

Paffons maintenant à la démocratie, & voyons ce qu'en penfoit Ariftote; né dans un état républicain, fon opinion fur ce gouvernement doit être pour nous d'un grand poids.

"

« La liberté, dit-il, fuivant les `partifans du pouvoir populaire, ne peut fe trouver que dans » la démocratie. Elle eft le principe de ce gou

» vernement, elle donne à chaque citoyen la » volonté d'obéir, le pouvoir de commander » elle le rend maître de lui-même, égal aux » autres & précieux à l'état dont il fait partie.

» Cette forme de gouvernement eft fujette aux » mêmes révolutions que l'aristocratie, elle est tempérée dans les lieux où, pour écarter une populace ignorante & inquiète, on exige un »cens modique de la part de ceux qui veulent

دو

[ocr errors]

3

دو

participer à l'administration; dans les lieux où » par de fages réglemens la première claffe des citoyens n'eft pas victime de la haine & de la jaloufie des dernières claffes; dans tous les » lieux, enfin, où, au milieu des mouvemens les plus tumultueux, les loix ont la force de parler » & de fe faire entendre; mais elle eft tyrannique » par-tout où les pauvres influent trop dans les

33

» délibérations publiques

[ocr errors]

Il en faut convenir, le plus terrible defpotisme eft celui de la populace indigente. Trop ignorante pour connoître les principes de justice, trop emportée pour mettre de l'ordre dans fes décifions, trop avide pour limiter fes demandes & refpecter les propriétés, trop imprévoyante pour calculer les fuites de fes vengeances, les faveurs qu'elle accorde ne font pas plus juftes que les châtimens qu'elle inflige.

Ariftote attribuoit l'excès du pouvoir du peuple

à l'année, pour augmenter d'un treizième l'impor qui fe payoit tous les mois; d'ofer, par la plus facrilége iniquité, faire étrangler fans jugement ke roi Agis, dont le feul crime étoit d'avoir voulu faire revivre les loix de Licurgue dans toute leur pureté.

Ce n'est pas à Carthage où les citoyens devoient faire plus preuve de richesses que de vertus, pour être élevés aux places de magiftrature, & gouverner la république; où leur jaloufie faifoit avorter, par d'injuftes refus, les projets d'un grand général, & l'arrachoit du fein de la victoire:

Où le peuple, en s'enrichiffant par des concuffions, finit par ufurper l'autorité, & enfevelir la république fous fes ruines.

Ce n'étoit point à Rome où l'autorité du fénat; toujours en lutte avec celle du peuple, plioit tantôt devant l'afcendant des tribuns, tantôt s'élevant à un pouvoir defpotique, faifoit périr tous ceux qui tentoient de faire revivre les anciens décrets de la république; où il frappoit de terreur tous les citoyens par l'image d'un dictateur; où les fourberies d'un augure rompoient une affemblée; où l'on ofoit fe permettre de dérober les urnes dans lefquelles les citoyens devoient jeter leurs fuffrages.

Ne nous en flattons pas : l'ariftocratie ne fe foutiendra jamais dans fa perfection; elle dégénérera en oligarchie, parce que les richeffes finiront

par conduire aux places de magiftrature une feule claffe de citoyens, en état d'acheter les fuffrages, & qui s'y maintiendront par une confédération qui s'établira entr'eux. Leurs emplois fe perpétueront dans leurs familles & deviendront prefqu'héréditaires.

Alors le peuple, au lieu d'un tyran, en aura dix,

en aura cent.

Ses tentatives, pour arriver aux places, qui ne devoient d'abord être que la récompenfe du mérite & de l'expérience, feront des crimes; il fera repouffé, tantôt par l'orgueil, tantôt par une basse jaloufie: il demeurera dans cet état d'humiliation jusqu'à ce qu'il ait renversé l'édifice de l'ufurpation & de la vanité.

Sous un monarque, il n'avoit à redouter que le reffentiment d'un feul; fous les aristocrates, il aura à craindre les haines de plufieurs.

ر

Dans une monarchie, il étoit placé à une fi grande distance du trône, que celui qui y étoit affis ne fongeoit pas même à l'en écarter; fous l'ariftocratie, comme il eft plus rapproché de l'autorité, tous les efforts de ceux qui en sont revêtus fe réuniront pour l'en éloigner.

Sous la domination royale, la personne du prince impofe par fa feule dignité, par fa représentation, par le respect que l'on porte à l'unique chef d'un empire.

« PreviousContinue »