naître que, dans cette question nouvelle, une réglementation spéciale est devenue nécessaire. Le critérium à observer sera ici le principe de la liberté de l'espace aérien, bien que limité par le droit de conservation des pays survolés. C'est, d'ailleurs, l'opinion la plus répandue (Voir Fauchille, Traité, Lalande, Réglementation, 1912, et surtout Philit, La guerre aérienne, 1910, p. 32-33). 10. Les massacres collectifs. - Il faut envisager deux cas différents : a) A côté des crimes et délits commis contre les lois et usages de la guerre, il y a, parmi les crimes de droit commun, certains massacres commis dans un pays, au cours d'une guerre. Ainsi, nous trouvons dans le traité de Sèvres, conclu avec la Turquie le 10 août 1920 la disposition suivante : « Le gouvernement ottoman s'engage à livrer aux puissances alliées (Empire britannique, France, Italie, Japon), les personnes réclamées par celles-ci comme responsables des massacres qui, au cours de l'état de guerre, ont été commis sur tout le territoire faisant, au 1er août 1914, partie de l'Empire ottoman >> (art. 230, al. 1er). b) En dehors de la guerre, nous avons fait rentrer dans la compétence pénale de la Cour permanente de justice internationale (voir cidessous, deuxième partie), parmi les « crimes antinationaux, ou crimes sociaux collectifs non réprimés par un État et d'une portée dépassant son pouvoir répressif, moral ou matériel, les grands massacres politiques, de races, etc. » (La défense sociale, § 25). Tels sont les crimes de la xénophobie, de la tyrannie, de la dictature; les massacres de chrétiens-arméniens, de juifs-russes, etc. Mon collègue de l'Université de Paris, M. Donedieu de Vabres a formulé, en 1924, une réserve à ce propos (Voir Revue int. de droit pénal, I, p. 184). 11. La contrebande de guerre. Le délit de contrebande pose un problème de criminalité relative, le contenu des prohibitions de commerce et de transport étant déterminé pour chaque cas de guerre au moyen d'un traité, d'une loi, ou d'une ordonnance. C'est ainsi que même la « contrebande absolue », selon l'expression de Grotius, c'est-à-dire celle des objets qui ne sont utiles que pour la guerre, et qui sont en tout cas contrebande, n'est telle que pendant une guerre, c'est-à-dire relativement à cette dernière. C'est la contrebande essentielle; tous les autres objets, tels que l'argent, les vivres, les navires, les objets utiles à équiper les troupes, pouvant être employés aussi bien en temps de guerre qu'en temps de paix, et qui, en conséquence, peuvent seulement en raison des circonstances être considérés ou non comme contrebande (De iure belli, livre III, chap. 1er, § 5). Ces objets forment la matière de la contrebande accidentelle. C'est dans l'aide, soit directe, soit indirecte, prêtée à l'ennemi, que consiste le délit de contrebande de guerre. D'après Elio Marcien (de 211 à 238), la contrebande était un délit à Rome, où elle était punie de mort (Const. II, liv. IV, tit. 41, cod. Repetitae praelectionis). A l'époque moderne, elle est réglée : a) par des traités : citons ceux des Pyrénées (du 7 novembre 1659), art. 12, et d'Utrecht, de 1713; le traité entre les États-Unis et la Prusse en 1785, renouvelé en 1799; entre les Etats-Unis et l'Angleterre, de 1794 et 1795, entre l'Angleterre et la Suède, du 25 juillet 1803, entre l'Italie et les États-Unis, du 26 février 1871; b) par des ordonnances des États, publiées à l'occasion d'une guerre; par exemple celle de la Suède, du 8 avril 1854, et celle de l'Autriche-Hongrie, du 29 juillet 1870 (art. 1); c) par des déclarations des gouvernements belligérants ainsi, celles de la Russie en 1877; de la France, le 20 février 1885; de la Chine, le 19 août 1894. Les droits des neutres, consacrés par la déclaration du congrès de Paris (16 avril 1856) sont fort souvent méconnus par les différentes législations nationales; les doctrines les plus diverses sont consacrées, puis rejetées ensuite, par le même pays (il suffit pour s'en convaincre de comparer les règles admises par la France en 1659 et en 1885). Pascal Fiore demandait avec raison, en 1895, qu'on établit une réglementation universelle en matière de contrebande d'armes comportant une exacte énumération des objets de contrebande, et cela pour éviter tout acte arbitraire des parties belligérantes. Autrement nous verrons de nouveau figurer le riz parmi les objets de contrebande, comme cela a été le cas en 1885 et en 1894. 12. La contrebande d'après la Société des Nations. — De nos jours, la contrebande a été l'objet d'une réglementation nouvelle de la part de la Société des Nations, mais : a) seulement pour les vaincus; b) en temps de paix; et c) en ajoutant aux concepts de transport et de commerce, celui de production ou fabrication. « L'importation... des armes, munitions et matériel de guerre, de quelque nature que ce soit, sera strictement prohibée. Il en sera de même pour la fabrication et l'exportation des armes, munitions et matériel de guerre, de quelque nature que ce soit, à destination des pays étrangers. » (Tr. de Versailles, art. 170, de Saint-Germain, 134, de Neuilly, 81, de Trianon, 118, et « à moins d'autorisation spéciale de la Commission interalliée », Tr. de Sèvres, 175). Il en est de même « pour la fabrication et l'importation des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que de tous liquides, matières ou procédés analogues, » du « matériel spécialement destiné à la fabrication, à la conservation ou à l'usage des dits produits ou procédés » et des « chars blindés, tanks ou de tout autre engin similaire pouvant servir à des buts de guerre. » (Tr. de Versailles, art. 171, de Saint-Germain, 135, de Neuilly, 82, de Trianon, 119, de Sèvres, 176). Enfin, le traité de Versailles exige, je ne sais dans quelle intention, que : « Dans un délai de trois mois à dater de la mise en vigueur du présent traité, le gouvernement allemand fera connaître aux gouvernements des principales puissances alliées et associées, la nature et le mode de fabrication de tous les explosifs, substances toxiques ou autres préparations chimiques, utilisées par lui au cours de la guerre, ou préparées par lui dans le but de les utiliser ainsi » (art. 172). b") La guerre-crime. Dans les temps modernes, les ennemis de la guerre sont des philosophes, des moralistes, des hommes politiques, des juristes, des sociologues, des hommes de lettres. On peut rappeler les noms de Fénelon dans ses Mémoires et dans les Aventures de Télémaque (1699), livres IX-XI et XVII, de Kant, dans son discours Zum ewigen Frieden (1795), de Stuart Mill, dans ses Dissertations and discussions (1867), de J. C. Blunstchli dans son ouvrage Das moderne Kriegsrecht der civilisierten Staaten (1878); de Jules Guelle, dans son livre La guerre continentale et les personnes (1881), de Jacques Lorimer, dans The instututes of the law of nations (1883), de Jean Lammaco, dans son Trattato di diritto internazionale (1905), de James Bryce, dans son Teaching of General von Bernhardi (1914). Parmi les hommes de lettres, depuis Victor Hugo, avec Les Misérables (1862), et les discours qu'il prononça lors du premier Congrès de la Paix réuni à Paris (1859), les pacifistes sont légion; de nos jours, leur porte-drapeau, Henri Barbusse, fait la guerre à la guerre dans la série de ses livres célèbres : Le feu (1916), Clarté (1919), Paroles d'un combattant (1917-1919), La lueur dans l'abîme (1920). 13. L'agression. — L'État criminel est une idée moderne, et qui n'est pas encore suffisamment fixée. C'est plutôt le cas pratique qui a été admis : le crime commis par un État. Parmi les crimes pouvant être commis par un État contre un autre État, le plus redoutable, le plus important, est la guerre d'agression. L'acte de guerre a été défini le premier comme un véritable crime. D'après le pacte de la Société des Nations : « Si un membre de la société recourt à la guerre, contrairement aux engagements pris aux articles 12, 13 ou 15, il est ipso facto considéré comme ayant commis un acte de guerre contre tous les autres membres de la société » (art. 16). Les traités de paix en offrent l'exemple historique : « Les gouvernements alliés et associés déclarent et l'Allemagne (l'Autriche, la Hongrie) reconnaît que l'Allemagne (l'Autriche, la Hongrie) et ses alliés sont responsables, pour les avoir causés, de toutes les pertes et de tous les dommages subis par les gouvernements alliés et associés et leurs nationaux en conséquence de la guerre, qui leur a été imposée par l'agression de l'Allemagne (l'Autriche-Hongrie) et de ses alliés » (Versailles, art. 231, Saint-Germain, 177, Trianon, 161). Ces traités se rapportent continuellement à « ladite agression par terre, par mer et par les airs » (Versailles, art. 252, §2o, Saint-Germain, 178, § 2o, Trianon, 162, §2e). Pour la Bulgarie et la Turquie, la formule d'accusation, qui figure dans les traités de Neuilly-sur-Seine et de Sèvres est un peu différente : « La Bulgarie (la Turquie) reconnaît qu'en s'associant à la guerre d'agression que l'Allemagne et l'AutricheHongrie ont engagée contre les puissances alliées et associées, elle a causé à ces dernières des pertes et des sacrifices de toutes sortes dont elle devrait assurer la complète réparation... » (art. 121). Enfin, le protocole de Genève a défini le concept international de l'État agresseur : « Tout État qui recourt à la guerre en violation des engagements prévus au pacte ou au présent protocole » (art. 10). L'agression suppose la réunion de deux éléments bien différents : a) le recours à la guerre; b) la violation d'un engagement. Chacun d'eux, pris séparément, ne constitue pas l'agression; c'est de leur concours que résulte le délit, à la fois objectif et subjectif de l'agression. Nous trouvons dans le rapport de la première commission, une observation bien étrange : « La constatation de l'agression lit-on dans les Travaux est chose très malaisée, car.... Quand un pays en attaque un autre, celui-ci, nécessairement se défend et, les hostilités engagées de part et d'autre, il s'agit de savoir qui les a commencées. C'est une question de fait, d'où possibilité de divergence » (no 8, p. 49, 50). Certainement, mais il n'y a pas là une chose impossible à constater, du moment que c'est une question de fait, qu'il ne s'agit que de la détermination d'un fait matériel. Autrement, il serait licite pour le juge de s'abstenir de juger toutes les fois qu'un individu provoqué par un autre s'est défendu contre l'agresseur, et que celui-ci a eu le cynisme de se plaindre en soutenant qu'il a été provoqué à son tour. L'agresseur est tout simplement celui qui attaque le premier. L'agression, c'est l'attaque non provoquée; mais du moment que toute provocation entraîne un délit d'injure, ou de menace d'agression (voir ci-dessus), dont la connaissance ressortit aux tribunaux et non pas à la justice privée, il n'y a pas à tenir compte de l'élément moral de la provocation dans la définition de l'agression - individuelle ou collective, criminelle natioale ou criminelle internationale et il faut en faire un délit à part. Dès lors il n'est pas impossible pour le juge, en cas de recours à la violence, d'établir qui est celui qui a attaqué le premier. 14. Présomption d'agression. -Se fondant, à tort, sur la difficulté supposée de la preuve, du délit d'agression, le protocole de Genève a voulu munir le juge de la commodité des présomptions — c'est-àdire des fausses clefs de la vérité judiciaire. « Dans le cas d'hostilités engagées, est présumé agresseur, sauf décision contraire du Conseil prise à l'unanimité : 10 Tout État qui aura refusé de soumettre le différend à la procédure pour règlement pacifique prévue aux articles 13 et 15 du pacte, complétés par le présent protocole, ou qui aura refusé de se conformer, soit à une décision judiciaire ou arbitrale, soit à une recommandation unanime du Conseil, ou qui aura passé outre à un rapport unanime du Conseil, à une décision judiciaire ou arbitrale reconnaissant que le différend qui s'est élevé entre lui et l'autre État belligérant porte sur une question que le droit international laisse à la compétence exclusive de cet État; toutefois, dans ce dernier cas, l'État ne sera présumé agresseur que s'il n'a pas soumis auparavant la question au Conseil ou à l'Assemblée, conformément à l'article 11 du pacte. [20 Tout État qui aura violé une des mesures provisoires prescrites |