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CHAPITRE PREMIER

DÉLITS INTERÉTATIQUES

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2. Violation des

1. L'État délinquant. — a) Crimes politiques interétatiques. engagements internationaux. - 3. Intervention abusive d'un État dans la politique d'un autre État indépendant. 4. Intervention abusive dans l'administration. b) Crimes et délits militaires interétatiques. b') La guerre criminelle (Violation des lois et usages de la guerre). du crime de guerre. 6. Le code de la guerre.

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- 5. Autonomie

- 7. Le code pénal de la

9. L'espionnage.

13. L'agression. —

guerre. 8. Les nouveaux codes de la guerre. 10. Les massacres collectifs. 11. La contrebande de guerre. 12. La contrebande, d'après la S. D. N. — b") La guerre-crime. 14. Présomption d'agression. 15. Menace d'agression. d'une zone démilitarisée.

1. L'État délinquant.

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16. Violation 17. La criminalité interétatique accidentelle.

Trois questions se posent à cet égard : l'État, sujet de droit international peut-il être l'auteur de violations du droit international? A supposer l'État auteur de ces violations, en serait-il responsable? La responsabilité admise, de quelle nature serait-elle? a) D'après Ernest Læning, il est impossible de comprendre « comment une action antijuridique et qui se trouve en correspondance directe avec la plus haute volonté de l'État peut être considérée comme une action de l'État même » (Die Haftung des Staates aus rechtswidrigen Handlungen seiner Beamten, Dorpat, 1879, p. 107). Ernest Hafter lui répond : « L'action ou exécution d'un délit, étant donné la nature de l'État (Staatswesen), n'est pas en principe impossible, car l'existence d'une autorité ou d'un pouvoir plus ou moins développé n'exclut naturellement pas la formation de cette volonté criminelle. En tout cas, la formation de cette volonté ne serait si simple que dans une union ou association comprenant un petit nombre de membres. Mais, il sera toujours permis de penser, dans des cas particuliers, à la formation d'une volonté criminelle de l'État, se réalisant également par un accord général et s'exprimant au moyen de ses organes » (Die Delikts-und Straffähigkeit der Personenverbände, Berlin, Springer, 1903, p. 115).

b) Le droit international reconnaît l'existence d'un « délit de l'État,» mais les principes qu'il lui applique sont souvent très éloignés du système pénal qui doit se mouvoir entre la faute et la peine (Hafter, p. 114). C'est le problème de la responsabilité de l'État. Franz von Liszt explique, depuis la première édition de son ouvrage (1882), qu'un droit pénal international existe, ainsi que certaines conventions pour la protection pénale des intérêts internationaux. Ce droit et ces conventions créent pour les États, un devoir international, mais ce devoir ne tire sa force obligatoire dit-il que de la loi nationale, et non pas des traités internationaux (Lehrbuch, § 21, I, no 2). Il regarde l'État comme « le seul sujet possible d'un délit de droit international, » mais il ne voit d'autre sanction à la responsabilité que de laisser l'État coupable exposé à la punition procédant d'un autre État, « car les contraventions aux prescriptions élevées dans ce but (de défense) apparaissent en conséquence comme une lésion du droit interne ou national, et non pas du droit international » (Ibid., § 170, I). D'ailleurs, ceux qui ont admis la responsabilité de l'État dans l'ancien régime international ne se sont pas occupés de la façon dont on pourrait la rendre effective.

c) D'après la doctrine de la responsabilité collective de Gierke, on ne peut nier la responsabilité de l'État en tant qu'auteur d'un délit du type de communauté (Körperschaftsdelikt), ou du type d'union (Verbandsdelikt). Mais cette responsabilité ne peut être que civile, en tant que devoir de l'État, de répondre des fautes de ses préposés, jamais de sa propre faute (Voir Die Genossenschaftstheorie, Berlin, 1887, p. 761, 794, Conf. Hartwig, Die Haftung juristischer Personen für Delikte, Breslau, 1899, p. 49, et suiv.). Car, d'après Jellinek, « la responsabilité de l'État par le fait de la culpabilité de ses préposés, telle qu'elle se produit toujours, ne peut jamais être une responsabilité pénale» (System der subjektiven Offentlichen Rechte, Fribourg, 1892, p. 247). Or, il ne s'agit plus des délits de la communauté, dont l'État est responsable, mais d'un « délit de l'État » (Staatsdelikt). Et nous savons que l'État a une volonté et que celle-ci est susceptible de devenir criminelle (voir ci-dessus, a), ainsi que l'a expliqué M. Hafter. Quant au préposé, « il serait à peine juste de le rendre responsable lui seul, car peutêtre personnellement, aurait-il autrement agi, et c'est seulement

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la volonté coupable de l'État, bien comprise, qu'il a prise pour l'exprimer » (Op. cit., p. 115, in fine). La responsabilité de l'État est donc criminelle, lorsqu'il est l'auteur de délits contre les autres États: voici un concept juridique international qui révolutionne la vieille doctrine. C'est l'idée et la réalité nouvelle, nouvelle dans le droit, éternelle dans l'histoire, - de l'État délinquant. Jusque-là, le droit avait affirmé le principe Universitas delinquere non potest, et, d'un autre côté, l'évidence de la vie internationale ne laissait point de place au rêve utopique de faire justice à un État souverain.

Les États peuvent donc commettre des crimes: ces crimes peuvent être : a) politiques, et b) militaires; ils sont commis: a') d'État à à État, c'est-à-dire par un État contre un autre État; b) contre les individus étrangers, dans leur personne, leur honneur et leurs droits, soit directement en cas d'une guerre entre États, soit indirectement dans les rapports juridiques. Comme individualisation de ces crimes, aux effets de l'incrimination, nous avons en face de nous les meneurs de peuples: a) chefs d'État jouissant d'un pouvoir absolu; b) chefs d'État de caractère représentatif; c) les politiciens ayant occupé des charges électives; d) le peuple électeur lui-même. Tels sont les délits que nous proposons de dénommer « interétatiques, » commis d'État à État ou contre les ressortissants étrangers. D'après les internationalistes, ce sont les délits de droit international (Voir ci-dessus, Introd., 8, A). Examinons-en maintenant les variétés essentielles.

a) Crimes politiques interétatiques.

2. Violation des engagements internationaux. Le plus remarquable des crimes internationaux est l'agression. Nous trouvons au fond même de la définition de l'agression, son élément moral: la violation d'un engagement international. D'après le pacte de la Société des Nations, « si un membre de la Société recourt à la guerre, contrairement aux engagements pris aux articles 12, 13 ou 15, il est ipso facto considéré comme ayant commis un acte de guerre contre tous les autres membres de la Société » (art. 16). Toutefois, il faut dégager l'élément moral pour en faire comme un

délit distinct. Dans le texte du traité de Versailles, on lit : « Les puissances alliées et associées mettent en accusation publique Guillaume II de Hohenzollern, ex-empereur d'Allemagne, pour offense suprême contre la morale internationale et l'autorité sacrée des traités » (art. 227). On y conseille au tribunal, — qui n'a jamais siégé — « d'avoir le souci d'assurer le respect des obligations solennelles et des engagements internationaux, ainsi que de la morale internationale» (art. cité, § 3). Mais cette septième partie du traité, dont le titre est « Sanctions, » n'en comporte aucune, puisqu'elle laisse au tribunal le soin « de déterminer la peine qu'il estimera devoir être appliquée » (Id.). A cette lacune du traité est dû peutêtre le fait que le délit international de violation des engagements n'ait pas encore été châtié. Nous retrouverons plus loin la violation d'un engagement international comme élément du délit d'agression (V. ci-dessous, 13).

par

3. Intervention abusive d'un État dans la politique d'un autre État indépendant. - C'est l'aspect illégitime de l'intervention internationale, que nous avons étudiée plus haut (Voir Introduction générale, chap. III, 4). L'intervention prend ici des proportions d'un véritable délit. Ce délit peut apparaître sous des formes différentes, qui ont été mises en lumière tout récemment en 1925, dans un livre de M. Pella (La criminalité collective des États, §§ 197-199). Je me bornerai seulement à la classification de la matière. Quant au lieu, nous avons : a) l'intervention politique métropolitaine; c'est l'immixtion d'un État dans les luttes politiques intérieures d'un autre État, des encouragements, des subsides, etc., fournis à certains partis dans leur lutte contre leurs adversaires, par l'excitation à la révolution et à la guerre civile; b) l'intervention politique coloniale; c'est l'immixtion dans les luttes entre la métropole et ses colonies, en encourageant ou en aidant celles-ci à se soulever (envoi de matériel de guerre, d'instructeurs des troupes, d'argent, de vivres, etc.). Quant à la forme, il y a c) l'intervention politique militaire, par l'immixtion d'un État ou de divers États dans l'exercice des pouvoirs souverains d'un autre État indépendant, au moyen d'actes politiques allant jusqu'à l'agression et à la déclaration de guerre (la Russie en a été l'objet à l'époque moderne et autrefois la France pendant la Révolution); et d) l'intervention politique criminelle. Nous examinerons plus loin le cas du « complot contre

un État étranger » (voir chap. 11, 2), qui constitue un de ces délits que nous avons appelés « antinationaux » ou contre le droit international. Il s'agit ici de la participation d'un État à des machinations de cette sorte, ce qui constitue un délit distinct. D'après M. Pella, c'est « le fait pour un État, de tolérer la préparation ou de préparer sur son territoire, des attentats contre la sécurité intérieure d'un autre État, ou de favoriser la formation de bandes de malfaiteurs destinées à effectuer des incursions sur le territoire des États voisins » (1re éd., p. 257). En un mot, il s'agit toujours de délits antinationaux commis par des États.

Il n'existe

4. Intervention abusive dans l'administration. d'autres règles en cette matière si délicate que celles de la morale et de la comitas gentium. Toutefois, il y a lieu de distinguer deux formes possibles de cette intervention : a) intervention abusive politique. L. S. Woolf a fait remarquer en 1916, qu'une intervention de cette nature, de la part de l'Autriche en Serbie, avait été une des causes de la guerre mondiale (International Government, 2o partie, hap. II). D'ailleurs il parle seulement d'une « prétention. » « Rien ne pourrait dit-il rendre une guerre austro-serbe aussi inévitable que la prétention de l'Autriche, d'intervenir dans l'administration de la Serbie » (Trad. esp., p. 169); b) intervention abusive criminelle. Comme exemples de ce délit, nous avons la falsification de monnaies, de billets de banque ou de titres d'un État, faite, aidée ou tolérée par un autre État (tel serait le cas récent de la Hongrie à propos des faux billets fabriqués dans ce pays au détriment du crédit de la France).

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b) Crimes et délits militaires interétatiques
(Violation des lois et usages de la guerre).

b') La guerre criminelle.

Une question fort difficile de droit pénal international, c'est celle de l'incriminabilité et dù caractère punissable des crimes et délits commis au cours d'une guerre, autrement dit, de la violation des lois de la guerre. « La plupart des faits qui constituent des violations des lois et usages de la guerre a dit M. Maurice Travers - ne rentrent que très imparfaitement dans la définition des crimes ou

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