« les bons offices... ont exclusivement le caractère de conseil et n'ont jamais force obligatoire » (art. 6). C'est l'équivalent dans la procédure ordinaire, du cas où les parties « sont appelées en conciliation » par le juge. L'ancien texte relatif aux bons offices, signé par les grandes puissances d'Europe au Congrès de Paris (14 avril 1856), exprimait simplement le vœu que les puissances en litige, avant de recourir aux armes fassent appel aux bons offices d'une puissance amie. Le nouveau texte de la première convention de la Haye, manque également d'efficacité. La caractéristique des bons offices est l'absence de la proposition d'une formule d'arrangement entre les États en litige de la part de l'État tiers, qui se limite à conseiller aux parties de se mettre d'accord afin de régler le conflit. Les bons offices acceptés, une proposition de règlement du différend apparaît: c'est le moment où les bons offices se transforment en médiation, le conseiller en médiateur. Distinction et transformation purement doctrinales, car « le droit d'offrir les bons offices» et celui d'offrir << la médiation » étant les mêmes d'après la convention, ils aboutissent à la même reconnaissance ironique : « L'exercice de ce droit ne peut jamais être considéré par l'une ou l'autre des parties en litige comme un acte peu amical » (art. 3, § 3).* On peut se demander si l'entremise destinée à procurer un accord, dans l'ordre international, peut être envisagée comme une forme de justice. Le fait que la médiation a été proposée, ou au contraire qu'elle a été demandée, n'en doit pas changer la nature, de même que la justice publique entre en action, soit sur une plainte, soit sur les poursuites du ministère public. Il y a également analogie entre la justice publique et la médiation en ce qui concerne le résultat : la médiation peut n'être pas acceptée, mais la justice est parfois victime de pareils refus, et elle est alors obligée de procéder par défaut. La formule de l'accord offerte dans la médiation, pour régler d'une manière pacifique un différend international, n'est certainement pas une sentence, mais elle a les mêmes résultats qu'un jugement préalable, de même que tout médiateur est en principe un juge spontané. Du reste, il est impossible de jouer le rôle de médiateur sans exprimer d'opinion, étant donné que toute position prise à l'égard du conflit, même par un neutre, entraîne de sa part l'expression d'un point de vue personnel. Ce n'est pas seulement la justice objective qu'on met en pratique dans la médiation, c'est le sentiment de la justice lui-même qui y pousse les États et c'est un devoir impératif de justice, celui de collaborer au maintien de la paix dans la communauté internationale, qui ordonne aux États de faire cette démarche. Toutefois, c'est sur les limites du domaine de la diplomatie et de celui de la justice, entre la politique et le droit, que la médiation s'exerce; toujours inerme et parfois illusoire, car même acceptée elle n'entraîne pas de résultats immédiats. En effet, d'après la Convention de la Haye, « l'acceptation de la médiation ne peut avoir pour effet, sauf convention contraire, d'interrompre, de retarder ou d'entraver la mobilisation et autres mesures préparatoires de la guerre... ni après l'ouverture des hostilités, les opérations militaires en cours » (art. 7). 5. De la médiation à l'arbitrage. C'est en raison de cette sorte de fonction judiciaire, qu'est la médiation, que l'acte de la première conférence de la Haye (29 juillet 1899) a proposé, et que la première convention de la Haye (18 octobre 1907), signée par quarante-quatre États, a institué des « commissions internationales d'enquête » pour examiner et faciliter la solution des conflits internationaux provenant d'une différence d'appréciation sur des questions ou des points de fait, ne touchant pas l'honneur ou les intérêts essentiels des États (Titre III, art. 9 et suiv.). C'est d'une manière habile, par une voie détournée, qu'on a tenté de faire rentrer ces commissions dans le cadre de l'arbitrage. Mais les rapports qu'elles font ne portant que sur des points de fait, information, constatation, etc., ils ne peuvent jamais avoir le caractère d'une sentence arbitrale (art. 35), et chaque partie reste libre de leur attribuer ou non des effets. N'ayant pas un caractère obligatoire, cette justice auxiliaire manque de toute efficacité. C'est seulement un canal ouvert pour faire dériver les eaux troubles des conflits internationaux vers le filtre juridique de l'arbitrage international. Cependant une transformation, dans le mode de solution des conflits internationaux, se prépare. La médiation reconnue utile, et souvent sollicitée, est déjà organisée. Il peut arriver qu'un différend ou un conflit, soumis volontairement par les États, devenus parties à l'appréciation d'un État tiers, la solution demandée ou sentence, soit acceptée d'avance par eux. Un compromis sera signée. C'est ainsi que la médiation, devenue source d'obligations, peut s'élever à l'arbitrage. 6. Histoire abrégée de l'arbitrage international. L'antiquité a connu l'arbitrage international. XÉNOPHON, puis JUSTIN, ont parlé de la solution arbitrale de certains conflits en Perse. THUCYDIDE, dans son Histoire de la guerre du Péloponèse, et Plutarque dans ses Vies, nous rapportent des cas d'arbitrages entre les villes libres de Grèce, touchant la fonction exacte des auqxтiovηs. Nous devons exprimer une réserve sur l'œuvre équivoque des recuperatores à Rome, lesquels étaient nommés par les Empereurs ou les Préteurs; leur rôle, d'après Tacite, était plutôt d'apprécier les dommages et de récupérer les choses volées ou égarées lorsque l'affaire mettait aux prises des citoyens et des soldats. Toutefois, c'est seulement à une époque plus récente que nous nous trouvons en présence des véritables Arbitrages internationaux. Dans une première période, c'est l'Arbitrage religieux du Moyen âge, les États chrétiens faisaient appel à l'arbitrage du Pape pour régler leurs différends. Le Pape était le custos morum de la Chrétienté (tel, Boniface VIII, arbitre entre Philippe Ier le Beau et Édouard Ier d'Angleterre, en 1298). Dans les temps modernes, deuxième étape, nous avons l'arbitrage politique (dont quelques exemples s'étaient produits dès la seconde moitié du Moyen âge, ainsi l'arbitrage de l'Empereur Charles IV d'Allemagne, entre la France et l'Angleterre, en 1378). C'est la médiation d'un roi ou d'un empereur sollicitée par les États et dont l'arrêt est d'avance accepté. Le XIXe siècle a été fécond sous ce rapport; nous y trouvons en effet plus de 50 arbitrages de ce type. Les Rois et les Empereurs, en tant qu'arbitres, étaient naturellement obligés de se servir d'assesseurs ou de conseillers juridiques. Plus sincère, notre xxe siècle crée l'arbitrage juridique, troisième étape de l'arbitrage pour lequel Blunstchli avait proposé de faire appel aux Facultés de droit ou aux sociétés savantes, et qui a été inauguré par la Cour de cassation de Paris en 1879, dans un différend entre la France et le Nicaragua, motivé par la découverte et la saisie d'armes à bord du bateau français « Le Phare ». La procédure de cet arbitrage avait été organisée d'après un projet de l'institut de droit international préparé par M. Goldschmidt, projet examiné à Genève en 1874 et adopté à la Haye le 28 août 1875. Ce « projet de règlement >> publié seulement dans l'annuaire de l'année 1877, se compose de 27 articles; on n'y parle que des tribunaux arbitraux occasionnels. Enfin la première Conférence de la Haye, aboutit à la création de la cour permanente d'arbitrage par la convention du 29 juillet 1899; mais, comme on le sait, cette cour n'a été constituée d'une façon définitive et solennelle que par la convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux, signée à la Haye le 18 octobre 1907. L'organe de la vie juridique pacifique existe déjà, toutefois il lui reste à atteindre son degré normal de développement naturel, il doit acquérir l'efficacité nécessaire : l'arbitrage sera obligatoire ou ne sera point. Mais l'occasion de rendre l'arbitrage obligatoire a été manquée. La IIe Conférence s'est bornée à émettre un vœu en faveur de l'arbitrage obligatoire, vœu qui fut inséré dans l'acte final de la conférence. Nous en avons vu l'échec (voir ci-dessus, C. 3). Ce fut l'acte de décès de l'arbitrage international. 7. Une apologie de l'arbitrage. — Dans la convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux (signée à la Haye le 18 octobre 1907), au titre IV, Chapitre premier, on a cru nécessaire de faire une apologie de l'arbitrage. « Dans les questions d'ordre juridique y lit-on, - et en premier lieu dans les questions d'interprétation ou d'application des conventions internationales, l'arbitrage est reconnu par les puissances contractantes (qui comprenaient l'Autriche, la Serbie, la Russie, l'Allemagne, la France, l'Angleterre et tous les pays belligérants) comme le moyen le plus efficace et en même temps le plus équitable de régler les litiges qui n'ont pas été résolus par les voies diplomatiques » (art. 38). Nous venons d'apprécier l'efficacité historique de l'arbitrage à la veille de la guerre mondiale, nous en verrons la portée et la valeur par rapport à la justice internationale. Mais qu'il nous soit permis de comparer le passage que nous venons de citer avec cette page de littérature juridique, extraite de l'acte final de la Deuxième Conférence de la Haye : « Elle est unanime enfin à proclamer que, s'il n'a pas été donné de conclure dès maintenant une convention en ce sens (principe de l'arbitrage obligatoire sans aucune restriction), les divergences d'opinion qui se sont manifestées n'ont pas dépassé les limites d'une controverse juridique, et qu'en travaillant ici ensemble pendant quatre mois, toutes les puissances du monde, non seulement ont appris à se comprendre et à se rapprocher davantage, mais ont su dégager, au cours de cette longue collaboration, un sentiment très élevé du bien commun de l'humanité » (acte, § 3). Mais si ces puissances ont appris à se comprendre et à se rapprocher, elles n'ont pas toutes appris à signer. -- 8. Les conférences internationales et leur fonction judiciaire. Parmi les moyens juridiques employés pour résoudre les conflits internationaux, on cite les conférences et les congrès. La conférence a toujours pour but, une fois le droit commun déclaré, la solution d'un cas pratique. Elle opère sur des questions particulières, complexes. En tant que réunion des représentants des États intéressés, cette conférence, réclamée par un État de la communauté internationale, lorsque les moyens diplomatiques sont épuisés, est compétente pour interpréter un traité, tout en établissant le rapport nécessaire entre le précepte et le cas d'espèce qui est soulevé. Voilà la véritable fonction judiciaire dans le droit international public. En outre, la conférence est en mesure d'assurer l'accomplissement de ses propres décisions, au moyen de sanctions pénales. Seulement, elle n'est qu'une justice particulière, accidentelle, jamais permanente ni continue. Les ouvrages classiques commettent une erreur lorsqu'ils placent les conférences, avec les congrès, en tête des moyens juridiques de solution des conflits, avant l'arbitrage quiles a précédés dans l'histoire, conférences et congrès étant des procédés modernes. Les cas historiques d'arbitrages obligatoires issus d'une conférence, n'autorisent pas l'ordre précité. 9. Les congrès internationaux et leur fonction judiciaire. A la différence des conférences, les congrès ne sont convoqués que pour régler des questions qui touchent à des intérêts généraux, pour établir les principes juridiques destinés à régir les relations entre les États ou modifier les règles établies. Donc, aucune fonction judiciaire en apparence. Toutefois, s'il est question d'appliquer une règle de droit international en vigueur pour protéger les droits des États de la Magna civitas, d'après FIORE, (au moins si l'un des États siégeant au Congrès y est intéressé), le congrès est compétent pour statuer sur cette question. On a reconnu, ce qui nous intéresse tout particulièrement, sa compétence pénale, toutes les fois qu'une règle juridique a été violée par un État : a) en causant un dommage à un autre, qu'il soit membre de l'Union ou non; b) en portant atteinte aux droits internationaux appartenant aux personnes physiques ou morales. L'autorité du Congrès peut aller jusqu'au pouvoir d'assurer par des moyens coercitifs, les garanties juridiques de la paix et les |