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Femme met en oeuvre toutes ses facultés pour retarder le moment de notre entière régénération; d'énormes amas d'armes s'élevent sur toutes nos frontières; d'autres ennemis, sous le masque, assiégent nos foyers: et l'on voudroit nous obliger à une sécurité parfaite!.... Et l'on nous envie jusqu'au fer contenu dans des cannes!..... Demandons raison d'une telle consigne; faisons rougir ceux qui se chargent de l'exécuter avec tant de zèle, et rappelons-leur cet article de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen", que la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui....

Adresse présentée au roi, par la municipalité es la garde nationale de Versailles.

On diroit qu'au moral comme au physique la corruption est le principe de la régénération. La révolution actuelle est un exemple frappant de cette vérité. Les grandes villes du royaume, celles qui passoient pour le réceptacle de tous les vices, et dont les habitans paroissoient les plus étrangers à toute espèce de vertus, se sont distinguées par la persévérance la plus généreuse dans les bons principes. Paris et Versailles, ces deux enfans gâtés de l'ancien régime, se sont dévoués héroïquement à la constitution nouvelle ; ils se sont pour ainsi dire, ouverts les veines; ils ont tari momentanément la source de leur richesse et de leur abondance, pour soutenir la cause de la liberté.

En dernier lieu, tandis que le garde des sceaux remplissoit les tribunaux de district de commissaires du roi aristocrates, les électeurs de Versailles se sont honorés par un choix de juges populaires. MM. Roberspierre, Bouche et Biauzat, tous trois députés à l'assemblée nationale, ont reçu des mains des habitans de cette cité le prix de leur civisme. Cette nomination de juges patriotes a effrayé les ministres et toute la cour. N°. 67. C

Pour punir la ville d'être si peu dans le sens de la contre-révolution, la reine a décidé que le roi passeroit l'hiver à Saint-Cloud, et que le château de Versailles seroit démeublé.

Ce nouvel arrangement a donné des inquiétudes à la municipalité et à quelques chefs de la garde nationale. Ils ont présenté une adresse au roi, par laquelle ils le supplient de révoquer l'ordre qu'il a donné, et de venir habiter Versailles.

« Ce qui est le plus déchirant pour nos cœurs, disent-ils, notre ville qui vous a va naître; votre ville, sire, qui ne peut exister que par vous, qui ne veut exister que pour vous,auroit cessé un moment d'intéresser la pitié et la sensibilité ́de V. M..... V. M. dédaignera les efforts impuissans de quelques ingrats..... Et votre peuple fidèle qui a été indigné de l'offense, ne sera pas puni des torts qu'il n'a pas partagés.....

Le roi a répondu à cette adresse : « Je sais qu'il ya encore de bons citoyens à Versailles, et je 'suis étonné qu'ils prennent l'alarme sur quelques arrangemens particuliers pour mes meubles. » S'il y a quelque chose de seo et d'insultant dans cette réponse, il faut couvenir que les députés de Versailles l'ont bien mérité. Leur langage bas et vil respire la flagornerie des suppôts de l'ancien régime. Que signifient ces mots : Votre peuple, votre ville n'existent que pour vous....V. M. dédaignera les ingrats, etc? Ici le sieur Berthier et consorts prouvent combien ils sont encore loin des véritables idées de la révolution. Une ville, un peuple ne sont point faits pour le roi seul; ils appartiennent à la patrie; ils existent pour la servir; il n'y a point de liberté par-tout où un monarque peut dire mon peuple, mes sujets, comme mes chiens, mes chevaux. Ces expressions tiennent à l'idiome des týrans; elles doivent disparoître sous l'empire 'd'une constitution libre. Quant aux ingrats dont parlent les auteurs de l'adresse, ils veulent désigner sans doute ceux qui ont dévoilé les perfides manced

vres des ministres, de l'ancienne municipalité, des officiers supérieurs des gardes du corps, et sur tout ceux qui ont oé porter aux nouvelles magistratures des hommes dont le patriotismo incorruptible a résisté également aux menaces comme à la séduction. Mais qu'importe aux élec teurs de Versailles l'estime des bas valets de la cour? S'ils l'obtenoient jamais, c'est alors qu'ils seroient déshonorés dans l'esprit des bons citoyens. Dépravation des mœurs,

Peuple français ! la liberté vous a mis au rang des premières nations du monde. Vous devez å cette liberté et votre grandeur et une constitution nouvelle. Que vous reste-t-il à faire pour conserver la première et consolider la seconde ? Le voici. C'est l'épurement de vos mœurs.

Cette tâche n'est point impossible; elle n'est pas même difficile. Les mœurs découlent de l'opinion quand l'opinion est bonne, les mœurs se rectifient. Or, l'opinion chez un peuple libre est à coup sûr meilleure que chez un peuple esclave.

Ayez donc de bonnes mœurs; non seulement yous en serez plus heureux, mais encore ce sera le coup le plus terrible que vous puissiez porter à l'aristocratie.

Peuple! le code des mœurs ne s'écrit point. Malheur à la nation où l'on a besoin de les dictér. Les loix sont faites pour les venger et non pour les prescrire. Cherchez les donc dans votre cœur, voi à le grand livre. Portez les yeux sur le tableau des droits de l'homme, voilà l'explication; et fier alors de la majesté de votre étre, levez-vous et marchez.

Les ennemis de la révolution qui connoissent mieux que vous le cœur humain, parce qu'ils sont méchans, redoutent bien plus le pouvoir des mœurs que le pouvoir législatif. Ils savent qu'on peut interpréter les loix, mais qu'on n'interpréte pas les mœurs, Ils seroient moins acharnés contre la révo

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lution, s'ils ne prévoyoient pas que la révolution vous rendra meilleurs.

Jugez-en par leur conduite. Est-ce la perte des mœurs qu'ils prévoient, qu'ils redoutent ou qu'ils regrettent, qui sert d'aliment à leur perverse opiniâtreté? Non! ils feignent de déplorer l'avilissement du trône. Mais ce qu'ils détestent c'est la lumière qui l'entoure; cette lumière qui ne leur permet plus de cacher à l'ombre de ce trône leurs vices et leur barbarie. Ils défendent les ministres. Est-ce par amour pour eux? Non! c'est qu'on peut tromper, séduire, aveugler, voler un seul homme plus facilement qu'une nation. Ils défendent le clergé. Est-ce la religion ou les prêtres qui les intéressent? Non! c'est le masque de l'une et la dépravation des autres, si commode pour sanctifier leurs forfaits. Ils plaignent la noblesse. Est ce par respect pour elle? Non! c'est la perte des compagnons de leur oppression dont ils soupirent. Ils voudroient voir enfin renaître l'ancien régime. Pourquoi? C'est qu'ils ont besoin de l'autorité du crime; et quand ce besoin se fait sentir, c'est que l'on frémit, non de l'autorité des loix, mais de l'autorité des mœurs.

Peuple! vos ennemis ont d'abord eu recours à la force; ce moyen est illusoire, mais c'est le premier qui s'offre aux méchans. Les conjurations, en se reproduisant sans cesse, se sont énervées; elles ne sont plus aujourd'hui que de méprisables fantômes. La finesse va succéder à la force: prenezy garde! et c'est sur tout à étouffer vos mœurs au berceau qu'elle va s'attacher, d'autant plus dangereuse qu'elle sera plus couverte. C'est l'insecte qui se gorge de sang, et dont on ne sent point la morsure. Comment agira cette finesse? Le voici,

Vous sortez, peuple français! d'un long sommeil, où tous les rêves de la volupté salissoient votre imagination. La France entière n'étoit que le palais de Sardanapale, et le spectacle des honseux plaisirs de vos tyrans engourdissoit vos sens,

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gangrenoit votre coeur, et putréfioit votre ame. A votre réveil, vous avez franchi le seuil de ce palais du crime: mais en compte peut-être beaucoup sur les souvenirs qui vous en restent. Ce sont les passions que l'on va charger de la cause de l'aristocratie; et tandis qu'au dehors les gouffres du jeu et les temples de la débauche seront ouverts et protégés, que les théâtres ne vous offriront que la mollesse, au dedans de vos asyles on fera refouler un torrent de livres corrupteurs, d'ouvrages libertins, de gravures licencieuses (1), qui déjà commence à se déborder. Si vous mordez à cet appât, si vous n'y reconnoissez pas le besoin que l'on a de votre dépravation, c'en est fait de votre liberté. Paralysé par le poison d'une lecture pestiférée, sentirez-vous alors la nécessité', d'entendre les austères écrivains qui combattent pour votre liberté? Votre ame débile ne pourra plus digérer la crudité de leurs préceptes; dans l'oubli de vous-même, vous ne vous souviendrez plus de la patrie, et vous serez tombé dans l'épouvantable opprobre d'être indifférent même à la joie de vos ennemis.

Voilà cependant leur espoir! voilà ce qu'ils attendent du temps leur unique idole! et c'est par une contre-révolution morale qu'ils se flattent de consommer par degré une contre révolution physique. Quel est, peuple français ! le, préservatif d'un aussi grand malheur? Il est entre vos mains; ce sont les bonnes mœurs, ces filles antiques de la nature et de la liberté qui, cachées dans les forêts du Scythe, vainquirent Darius, dont le bras avoit vaincu le monde. Peuple français ! vous voilà prévenu. Laissez maintenant vos ennemis s'entacher

(1) C'est la multiplicité effrayante de ces ouvrages licencieux qui se vendent au palais Royal, qui rend cet article aussi important que nécessaire,

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