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en un plomb vil; les défenseurs de la liberté ont déserté ses drapeaux: et peu s'en faut que vos tyrans ne soient glorifiés pour leurs attentats.

La motion sur le renvoi des ministres n'a point eu de suite. La discussion d'un sujet aussi grave n'a été qu'une farce politique, insultante pour la nation, et flétrissante pour ses représen

tans.

M. de Menou, au nom des comités diplomatique, militaire, de la marine et des colonies, après avoir fait le rapport de l'affaire de Brest, a exposé, dans les termes les plus doux, les plus ména gés, les torts des ministres; il a conclu par un projet de décret conçu en ces termes : « L'assemblée nationale, portant ses regards sur la situation actuelle de l'état, et reconnoissant que la défiance des peuples contre les ministres occasionne le défaut de force du gouvernement, décrète que son président se retirera pardevers le roi, pour représenter à sa majesté que la méfiance que les peuples ont conçue contre les ministres actuels, apporte les plus grands obstacles au rétablissement de l'ordre public, à l'exécution des loix et à l'a chèvement de la constitution ». Ce projet a été rejeté à la majorité de 403 voix contre 340. On assure qu'au moment où on alloit aux opinions, plus de 200 membres au nombre desquels se trouvoient 14 députés de Paris, ont quitté lâchement l'assemblée pour ne point donner de suf

aristocrates s'enivrent promptement de leurs succès éphé mères. Hier 21, le sieur de Guilhermey, député de Castelnaudary, se permit d'apostropher M. de Mirabeau en pleine assemblée; M. de Mirabeau, s'écria-til, est un scélérat et un assassin. Et de pareilles horreurs se commettent impunément! Le sieur de Guilhermy en sera quitte pour garder les arrêts pendant tro jours.

frage. O déplorable corruption! Pour quelques places pour leurs parens dans les nouveaux tribunaux, ils ont abandonné la cause du peuple (1)!

Ce n'est point le projet de décret que nous nous proposons de défendre, sa rédaction est insignifiante; c'est la doctrine du renvoi des ministres. La nation abhorre les miniştres, parce qu'elle voit en eux les ennemis de la constitution; elle a le droit incontestable de se plaindre d'eux, et de les désigner au monarque comme des traîtres indignes de sa confiance. Nous n'avons pas besoin de dire jusqu'à quel point ce vœu du peuple doit être écouté; c'est au prince à sentir combien, dans un temps de trouble, il seroit dange. reux de s'y refuser; au milieu du calme le plus profond, la voix du peuple est un ordre pour

lui.

Lés organes du peuple, ce sont ses représentans; ce sont eux qui doivent faire parvenir son you sur les marches du trône, et ce vœu ne peut guère être connu autrement. Il n'y a pas de inilieu ou il faut nier que le corps législatif fasse des loix au nom du peuple, ou il faut accorder qu'il le représente dans les moindres délibérations. Celui qui a le droit de faire plus, a incontestablement celui de faire moins: or, l'assemblée naționale peut faire des loix; elle a donc, à plus Forte raison le droit d'exprimer la volonté du peuple sur des objets moins importans. Et comment cela pourroit-il faire un doute, puisque le roi lui-même a consacré ce principe au mois de juillet de l'année dernière? Sur la simple déclaration de l'assemblée nationale que les ministrės n'avoient pas la confiance de la nation, il les a rem

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(1) MM. Billy et la Fayette comme de raison, n'ont point assisté à la séance. La veille, M. de la Fayette avoit parcouru tous les bataillons, pour les avertir de se tenir prêts pour le lendemain.

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placés sur le champ. Aujourd'hui les temps seroientils donc si changés, que la cour pût impunément conserver des ministres qui foulent d'un pied tranquille la nation et ses représentans?

Aux termes où nous en sommes, qui peut répondre du salut de l'empire, tant qu'il sera confié à de pareils hommes. Les puissances de l'Europe sont conjurées contre la France, également menacée au-dedans comme au dehors; les rois se liguent pour nous écraser; le tyran d'un peuple libre Pitt, fait des préparatifs immenses pour détruire notre constitution, en ruinant notre commerce; six vaisseaux, chargés de troupes de débarquement, sont sortis des ports d'Angleterre, pour faire voile vers nos colonies; l'insubordination est dans la flotte; l'armée de terre est à peine remise de la secousse qu'elle a éprouvée; la méfiance est universelle et c'est dans des circonstances aussi périlleuses, que l'assemblée nationale, que les pères de la patrie tremblent de dénoncer des ministres conspirateurs, et que le roi peut-être s'obstine à s'environner de leurs conseils ! Ah! Louis XVI, situ es vraiment l'ami de la révolution, si, comme tu l'as dit, le peuple t'est cher, rends toi aux vœux de 25 millions de Français qui aiment ta personne, mais qui exécrent ceux qui l'entourent! Crains que la nation ne se persuade qu'imitateur de la duplicité de Henri IV tu n'aies feint de te mettre en tutelle que pour mieux la tromper (1)!

Ce n'est pas assez pour l'assemblée nationale de demander le renvoi des ministres, et d'en faire nommer d'autres, il faut les accuser; il faut les traîner à l'échafaud. Se contenter de les déplacer,

(1) Herri IV disoit aux notables assemblés à Rouen, qu'il se mettoit en tutelle entre leurs mains. Gabrielle d'Etrées, qui avoit entendu ce discours, lui demanda s'il y avoir bien songé. Oui, répondit le roi, mais je l'entends, MON ÉPÉE AU CÔTÉ.

c'est imiter les manoeuvres de l'ancien régime, qui ôtoit le portefeuille à des fripons pour le donner à d'autres. Il n'y a que deux partis à prendre dans la circonstance, celui de suspendre et de paralyser le pouvoir exécutif, ou bien de dénoncer les ministres comme criminels de lèse-nation, de les faire juger par un tribunal légal, et d'effrayer à jamais les prévaricateurs par un exemple ter-. rible de la justice nationale.

Selon nous, le premier expédient est beaucoup plus conforme aux vrais principes. En effet, toutes les fois qu'une nation change son gouvernement, le pouvoir constituant renferme tous les pouvoirs; et jusqu'à ce qu'ils soient constitutionnellement délégués, jusqu'à ce que leurs limites soient fixées, ils doivent rester dans les mains des représentans du peuple. Une simple observation rend palpable cette vérité. Les agens de l'ancien régime, enchaînés aux abus par les liens de l'habitude et de l'intérêt personnel, doivent nécessairement contrarier l'établissement d'un nouvel ordre de choses; et c'est exiger de leur part trop de vertus, que de vouloir les forcer à coopérer à leur propre ruine. Il est bien plus court, bien plus humain peut-être, de les dépouiller d'une autorité dont ils ne sauroient faire qu'un très-dangereux usage pour eux-mêmes, ou, ce qui est bien pis, pour la nation, si malheureusement leurs projets venoient à réussir.

L'assemblée nationale, au lieu de miner sourdement le pouvoir ministériel, auroit dû suivre une marche plus françhe et plus digne d'elle. Dès le moment où elle s'est constituée, elle auroit dû s'emparer, sans délai, de l'administration de tous les départemens, et la confier à ses comités, dont les membres,changeant à des époques fixes, seroient soumis à la loi de la responsabilité. Que le corps législatif ait enfin recours à ce remède extrême, ou bien, nous osons le prédire, jamais la constitution ne sera achevée.

Si cependant l'assemblée nationale veut conserver le ministère, et renvoyer les ministres, qu'elle ne se contente pas de les voir chassés, qu'elle les accuse; et elle ne manquera pas de motifs d'accusation précise. Qu'un député patriote se lève qu'il articule les crimes des ministres : il n'aura guère que l'embarras du choix.

Et si l'espoir d'un peu d'or, ou de quelquesunes de ces places laissées à la disposition du pouvoir exécutif, glaçoit toutes les langues, nous qui avons voué notre vie à la patrie, nous nous chargerons du glorieux rôle de dénonciateurs des ministres, nous les traînerons à l'autel de la justice, triomphans encore du décret odieux qui ne les a élevés pour un instant, que pour leur faire payer d'une manière plus sure la peine due à leurs forfaits.

Nous n'imiterons point la circonspection salariée de ceux qui ont provoqué une exception en faveur du sieur de Montmorin. Nous dirons que le ministre des affaires étrangères est aussi inepte, aussi coupable que ceux des autres départemens; qu'il a même un vice de plus, celui de l'hypocrisie.

Nous lui reprocherons qu'il a caché à l'assemblée nationale sa correspondance avec M. la Vauguyon; qu'il a intercepté les lettres de l'ambassadeur de France en Espagne au corps législatif. Nous dirons qu'il n'a instruit la nation de l'état et des dispositions des cabinets de l'Europe, que lorsqu'il y a été forcé par un décret; qu'il a toujours été le bas valet des Brienne et des Lamoignon, le complaisant de Necker, et le vil flatteur de tous les partis.

Nous n'apprendrons pas sans doute à la France que le sieur Guignard est l'ennemi décidé de la révolution; qu'il est dénoncé par la ville de Marseille comme le moteur des troubles qui l'ont agitée; qu'il est impliqué dans l'affaire de BonneSavardin, et qu'il a dit à un diner chez l'ambassadeur de Naples, qu'il avoit apporté de Constantinople un damas avec lequel il espéroit couper des

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