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major, ainsi que ses parasites bleus dans le parterre, criant bravo à la représentation du massacre de Nancy.

Les comédiens italiens ont joué sur leur théâtre le nouveau d'Assas. On conçoit aisément, à co titre, que c'est l'humanité du jeune Desisles qu'on a prétendu offrir au public; mais, à vrai dire, ce trait mémorable n'a été dans la pièce que le prétexte. Figurez-vous, au lever du rideau, les Suisses de Chateau-Vieux, que l'on fait parler comme des ivrognes et des chenapans. Survient un modéré ( M. de Malseigne) qui leur parle philosophie, et qui, dans cette philosophie, insinue au public que ces Suisses sont des insolens d'oser demander leur compte, et de misérables faquins de vouloir profiter de la loi qui les y autorise. Deş femmes Nanceyennes arrivent effrayées de l'approche de Bouillé, en quoi elles n'ont pas tort, et vomissent des imprécations contre les Suisses; ce qui n'a jamais été vrai. Alors arrive le jeune Pesisles, accompagné d'un autre officier du régiment du Roi, lequel est très bon patriote, ce qui est encore bien dans la nature. Ces deux personnages disent tous les biens du monde de la morale; mais pas un mot de la révolution; ils n'ont garde. Le tambour bat l'appel; les Suisses arrivent plus escogriffes, plus scélérats que jamais, et amènent une pièce de canon. Voici le beau : c'est Bouillé qui descend d'une montagne à la tête de trente soldats, moitié bleus, moitié rouges. Du haut d'un rocher, le bon apótre adresse aux Suisses les phrases les plus académiques et les plus sentimentales; qui l'auroit cru? Il est, dit-il, le plus humain des généraux. Mais les Suisses enragés ces lucifers braquent le canon; le seul qui soit dans l'affaire, le jeune Resistes s'y oppose et est blessé; on le recueille le plus théâtralement du monde. C'est à ce coup que les Suisses, sans rime ni raisou, perdent patience, grincent des dents à faire

peur aux femmes grosses, et tirent un coup de canon. Bouillé qui est là, et qui n'attend pas autre chose, fait faire feu à sa troupe, qui n'y manque point; cette troupe se jette ensuite sur les Suisses, et les massacre de son mieux. Après beau- ' coup de petards et de fumée, parmi lesquels les Suisses font les méchans sans faire mal à personne; et Bouillé le débonnaire, en égorgeant tout le monde, on apporte Desisles sur un lit à la Tancrède. Ce qu'il y a de mieux en femmes à la comédie italienne vient chanter autour du blessé. Mais voici que Bouillé, plein de feu patriotique et transporté de vertu, chose qu'il dit lui-même, afia qu'on y croie, arrache sa croix de Saint-Louis et la donne au jeune Desisles, et voilà la pièce.

Ce bel ouvrage est en musique. Le bonhomme Bouillé y a été célébré sur tous les tons. Et les trois quarts et demi du parterre, en habit bleu, battoient la mesure, et crioient bravo à la mort de chaque Suisse.

Au reste, on a demandé l'auteur; une voix bien coupable a crié, l'auteur, c'est BOUILLÉ. On n'en a pas demandé davantage, Voilà un grand succès pour les cousins et pour les vendeurs d'orviétan.

Dénonciation des abus de la poste aux lettres,

La poste vient d'annoncer et de faire afficher dernièrement, que toutes les fois que l'on chargera une lettre, c'est-à-dire, que l'on consentira à en payer le port double, si cette lettre s'égare, l'administration, quoique ci-devant autorisée par arrêt du conseil à ne payer en indemnité que la somme de 150 livres, s'engage à porter dorénavant cette indemnité à la somme de 300 livres, pour accroître d'autant plus la confiance du public,

L'arrêt du conseil étoit vexatoire pour le public,

et l'apparent désintéressement de la poste aujour d'hui ne lui est pas plus favorable; car il est de droit qu'en fait d'assurance le dédommagement doit être en proportion de la perte.

Ou les paquets qu'on assure à la poste sontd'une valeur au-dessus de 500 livres, ou au-dessous s'ils sont au-dessus de 300 livres, quelle proportion entre dix mille francs, par exemple, et un dédommagement de cent écus? S'ils sont au-dessous, n'alarme t on pas la conscience d'un homme délicat, en lui payant un dédommagement qui excède sa perte ?

Il est facile de concevoir que ce n'est qu'une spéculation mercantile de l'administration des postes que cet apparent désintéressement, dont elle semble se glorifier. Supposons que le double port de lettre qu'elle exige pour le chargement, lui rapporte annuellement use somme de huit cent mille francs, en accordant une indemnité de cent écus pour chaque lettre perdue, il faudroit, pour qu'au bout de l'année elle se trouvât sans béné fice, mais aussi sans perte, qu'il y eût eu à peu près deux mille six cent soixante six lettres chargées de perdues, et une semblable perte est moralement impossible: mais s'il ne s'en perd aucune, elle extorque donc huit cent mille francs au public, pour une formalité de précaution qui vraiment n'est qu'un leurre, puisque la lettre non chargée doit être aussi sacrée que la lettre chargée.

Pour la sureté publique, nous nous garderons de faire connoître aucune des portes que cette ma nœuvre ouvre à la mauvaise foi et à la filouterie. Mais il est certain qu'elles sont innombrables, et qu'il n'y a point de maison de commerce et de banque où elle ne doive répandre de la défiance, et que l'administration de la poste elle-même ne doit pas être pour son propre intérêt plus rassurée à cet égard.

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Un citoyen nous a fait parvenir son opinion sur la manière de procéder dorénavant à la nomination dur général de l'armée parisienne, et de composer son draf major. La longueur de ce mémoire ne nous permet pas de le rapporter en entier mais nous remplirons, son vou, en rendant compte de la motion par laquelle il le termine. Il voudroit que chaque section s'assemblat, que chacune nommât un notable; que, dans ces quarante huit notables, on choisit le général; que l'on format l'état-major et les aides-de camp des 47 autres 'notables, qui en recevroient les places par la vole du scrutin. L'auteur croir appercevoir un très grand avantage pour la cause publique dans ce nouvel ordre de choses accompagne son projet de réflexions très patriotiques. Nous l'engageons à rendre ses observations publiques, que les entraves qu'il nous impose par l'incognito dans lequel il se renferme ne nous permettent pas de détailler.

Le mémoire de M. Edine Roussin, avocat, au conseil souverain de la Guadeloupe que ce citoyen, nous a fait passer, est une de ces jolies anecdotes, si com munes sous l'ancien régime; c'est-à-dire, un innocent déchiré par lambeaux par des tigres puissans.

M. Roussin eut le malheur d'être honnête homme avec des hommes qui avoient le bonheur d'être des scélérats; car telle étoit la morale de ces temps que l'aristocratie regrette.

Il fut nonimé membre d'un tribunal inquisitorial établi à Tabago, et présidé par MM. Dillon et Roume, pour juger les réclamations des capitalistes anglais, qui dit-il, ne réclamoient pas) contre les débiteurs de la colo nie, qui, ajoute-t-il, ne se plaignoient pas).al Ce poste de fripon lui déplaît. Il le quitte, et retourne à la Guadeloupe. Un ami infidèle, livre en son absence des lettres, où il s'expliquait familièrement sur la nature de ce tribunal. Sa perte est jurée par MM. Dillon et Roume. M. de Clugny, gouverneur de la Guadeloupe, y donne les mains. Il est arrêté dans le palais de la justice où il plaidoit une canse; jeté dans un vaisseau; conduit à Tahago; plongé dans un cachot, au pain et l'eau pendant quatre-vingt-cinq jours; envoyé dans les fers à Dunkerque; traîné, à son débarquement en France, No. 66.

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dans les prisons, sans argent, sans ressources, sans connoissances: telles sont les jolies agaceries que les agens du pouvoir exécutif ont faites à Edme Roussin : et il n'a pas encore obtenu justice des brigands qui l'ont ainsi assassiné en détail !'

'Nous engageons nos lecteurs à lire son mémoire. C'est un bon antidote contre les velléités de contre-révolution qui prennent à tant de gens. Le ministre la Lugerne, joue sur-tout dans cette affaire un très-joli rôle.

Les municipalités et les gardes nationales des paroisses dur vignoble des environs d'Orléans, par une adresse à l'assemblée nationale, ont fortement réclamé contre les sinistres intentions qu'on leur avoit prêtées. Ils s'y plaignent de la confiance que M. Salomon, député, accorde aux ennemis de la révolution, et demandent qu'il rende publique la lettre qui l'a si cruellement trompée. Ils y rappellent avec majesté, ce que la France dut au courage de leurs ancêtres, en 1429, et démontrent l'impossibilité que les descendans de ces braves cultivateurs aient dégénéré.

C'est à MM. Billard, maire, et Midon de l'Isle, commandant de la garde nationale de Saint-Denis-en-Val, que nous devons la communication de cette adresse.

Que l'assemblée nationale y prenne garde. L'aristocratie a trouvé commode, depuis quelque temps, d'appeler patriotisme tout le mal qu'elle fait on qu'elle veut faire. Et l'assemblée a eu la bonhommie de traiter sur parole de bons patriotes comme des aristocratés. Encore un coup, qu'elle y prenne garde, et que désormais elle n'escompte plus à bureau ouvert, tous les faux billets de patriotisme qu'on lui présente.

ASSEMBLEE NATIONALE.

Séance du mardi 5 octobre 1790.

Sur le rapport fait par M. Gossin', au nom du comité de constitution, les décrets suivans sont adoptés." « L'assemblée nationale, après avoir entendu son comité de constitution sur la pétition du directoire du

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