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avec un discernement et une sagesse qui out étonné ceux qui le traitoient de machine. La justice distributive du peuple a plus de principes certains qu'on ne lui en suppose. Il garde ses cent mille piques pour les aristocrates, tentés de se mesurer une troisième fois avec lui. Il se contente de haïr la petite vanité de ceux de ses frères qui sont habillés de bleu. Il est vrai que s'ils poussoient plus loin les prétentions, s'ils s'avisoient de vouloir former un jour une classe professant l'aristocratie ou rampant aux pieds des aristocrates, le peuple cesseroit de reconnoître en eux des frères; et c'est ce que nous nous sommes fait un devoir de pres

sentir de loin.

Société des amis de la vérité.

La vérité vient d'établir son trône au cirque du palais royal. Cette galerie a plusieurs usages. Les mardi, jeudi et dimanche on y chante des ariettes; les mercredi et samedi les nymphes circonvoisines des entresols y dansent, et les lundi et vendredi on y dit la vérité.

C'est sous les auspices apparens de M. l'abbé Fauchet que cette société s'établit; nous n'en voyons pas encore les fondateurs réels, et nous n'en verrons les instigateurs que le plus tard qu'il se pourra.

Etablie au cirque du palais royal, si cette association n'est pas mystérieuse, elle est du moins mystique par les principes qu'elle affecte.

L'abbé Fauchet a prononcé plusieurs discours pour appeler les citoyens sous l'apostolat dont il est chargé.

Dans le premier, il nous a démontré que l'établissement de la société des amis de la vérité reposoit sur deux bases; la franc-maçonnerie mieux subtilisée ou mieux développée dans ses allégories, et l'évangile de Jésus-Christ, d'où doivent résulter deux conséquences inévitables, et inutilement cherchées jusqu'à ces jour : la vérité et l'amour universel. L'orateur ayant à lier le dictionnaire oriental

et les hyérogliphes de la maçonnerie, avec les miracles et le vocabulaire naïf de l'évangile, et voulant en même temps y intercaler le nouveau glossaire de la révolution; l'orateur, dis-je, s'est servi d'un style mixte, mais toujours soutenu, pour éviter les disparates, de manière que ce mélange de phrases apocalyptiques, de figures orientales, de paraboles judaïques, de termes politiques et d'expressions amoureuses, liés dans une texture poétique, donnoit à tout son ensemble une physionomie de prophète qui a merveilleusement étonné l'auditoire.

Cette oraison a été suivie d'un supplément qui contenoit l'oraison funèbre de Loustalot, et dans laquelle Loustalot n'a été rien moins que loué; mais en place l'orateur y a louangé le général la Fayette d'une façon un peu surprenante. L'orateur a trouvé sublime, admirable et inconcevable, que M. la Fayette, ayant été mal mené quelquefois par Loustalot, ne se fût cependant jamais servi de son pouvoir, et de ses balonnettes pour le olester. Cette partie du supplément n'a pas été fort accueillie, pas même des aides-de-camp du

cheval blanc.

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L'oraison finie, on a invité les assistans à passer dans le cabinet voisin, pour y payer leur premier quartier de vérité.

Dans une autre séance et dans un discours subséquent, l'abbé Fauchet voulant développer soa systême de mysticité amoureuse et sa nouvelle philosophie évangélique, a commencé par tomber à bras raccourci sur VOLTAIRE. Pour le coup, il a été clair, et l'on a bien vu qu'il s'agissoit là d'une autre affaire; mais aussi l'auditoire a perdu patience, et M. l'abbé Fauchet, interrompu à chaque mot, s'est apperçu qu'il n'étoit pas dans la chaire de Bourges (1).

(1) M. l'abbé Fauchet est vicaire général de l'archevêque de Bourges.

VOLTAIRE

VOLTAIRE, selon lui, n'étoit pas un philosophe, il n'a rien fait pour la révolution, c'étoit un étre VIL, UN ARISTOCRATE, UN PLAT personnage, etc. on n'a rien à répondre à ces belles choses. J. J. RousSEAU a paru sur les rangs après VOLTAIRE, il a été trouvé admirable tant qu'il a parlé de l'amour évangélique, et passable en politique. Són Contrat Social doit être discuté dans le sallon de vérité, où l'on démontrera ce qui est bon, et pulvérisera ce qui est mauvais. Voilà la matière des séances.

Après ce discours, une députation de la section Mauconseil a été reçue; cette députation a rendu compte de l'affaire du régiment de Royal Champagne à Hesdin. L'éloquence de l'orateur de la section a été vive, soutenue et fort accueillie, son but étoit d'intéresser les citoyens pour des victimes, patriotes contre les ministres; mais comme le rapport fait par la section de Mauconseil ne. portoit uniquement que sur des faits allégués et prouvés, le bureau de vérité n'a pas cru que l'assemblée de vérité dût s'en occuper, et l'assemblée a opiné du bonnet.

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Cette affaire terminée, un citoyen qui voyoit les bords de l'auditoire hérissés de canons de fusil, a demandé la parole, et a dit: Messieurs, pour chercher la vérité, je ne pense pas qu'il soit besoin d'une garde intérieure........ A ces mots, l'indignation la plus vive et la plus éclatante s'est manifestée parmi les véridiques........... Le motioneur, qui a vu où il s'étoit fourré, n'a pas jugé à propos de continuer...........

Immédiatement après, on a de nouveau invité les assistans à passer dans le cabinet pour y payer le quartier de vérité.

Au reste M. l'abbé Fauchet est procureur général de la vérité (c'est le titre de sa charge), et il est bon d'observer qu'il est le seul maintenant, en France, en possession de cette dénomination aimable car Desmoulins a donné sa démission de l'office de procureur général de la lanterne. No. 69.

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Fédérés des départemens assemblés aux Petits

Pères.

Il ne suffisoit pas d'avoir accaparé les fédérés le 14 juillet, d'avoir employé tout le temps de leur séjour à Paris à des évolutions, à des revues aussi inutiles que mal combinées, aussi favorables au projet de diriger leur sentiment, que contraires à l'intérêt de la révolution; c'étoit peu de les avoir rassemblés dans des lieux clos pour les amuser et les séduire par des délibérations, il falloit encore que les ennemis du bien public, après avoir inventé des moyens de fourvoyer les citoyens, trouvassent ceux de perpétuer l'erreur et d'en propager l'influence. C'est pour cela qu'on a retenu à Paris un certain nombre de ces députés de la fédération, à qui l'on a inspiré de se réunir en assemblée délibérante.

Bientôt on les a fait présider par de francs aristocrates, et les pires de tous, c'est-à dire, par ceux qui, n'ayant rien à perdre et voulant faire ressource, se vendent à ceux qui achètent les consciences et les bouches perverses. Or, le peup'e n'achète rien de tout cela. Ceux qui servent sa cause la servent pour rien.

Que font ici ces fédérés ? Ont-ils une mission de leurs départemens ? Ce ne peut être qu'après l'avoir sollicitée, et les départemens n'ont su ce qu'ils faisoient quand ils ont donné des pouvoirs à cet effet, en supposant toutefois qu'ils en aient donné. A la charge de qui sont-ils ici? Qui les salarie? On ne vit pas à Paris gratuitement quand on a ses foyers dans les départemens du royaume.

Disons vrai il importe aux mal-intentionnés aux royalistes esclaves, aux dietateurs, à l'étatmajor parisien, à tous ceux enfin qui ne cherchent qu'à égarer l'opinion, qu'à énerver le civisme; il importe, dis-je, à tous ces gens-là d'avoir à Paris une association de citoyens armés

pris dans tous les coins du royaume, qui, ayant mérité peut-être dans un temps la confiance de leurs concitoyens, puissent séduire et abuser leurs patries respectives et leurs pays, en y faisant passer, par leurs avis, leurs nouvelles et leur correspondance, l'esprit qu'on leur souffle dans la capitale. Il falloit avoir encore un centre où les mal-intentionnés pussent trouver des renseignemens sur le fort et le foible, et sur les variations de telle et telle partie du royaume, afin d'agir en conséquence: nous ne voyons que trop quels sont les fruits de ce systême de séduction et d'espionnage tout ensemble.

Que font en un mot cès fédérés coalisés et assemblés dans la capitale ? Que peut on espérer d'une association où l'on arrête qu'il sera fait un service auprés de la personne du roi et du général la Fayette, composé d'une garde de deux députés fédérés qui auront le nom et la qualité d'àides-de-camp du général; que ces aides-de-camp prendront les ordres immédiats du roi et du général pour les faire passer dans les departemens? Sans doute ceci n'est qu'une conception ridicule qu'une folie des chefs et des agens que l'on met à la tête des fédérés, et qui donnent carrière à leur sotte vanité que l'on flatte. Mais s'il faut tirer des inductions de tout cela, on peut démêler aisément que cette association a un esprit totalement opposé à la révolution. On doit penser que l'influence de chacun de ces fédérés, écrivant du centre où la constitution se fait, à la circonférence qui l'attend, doit être d'un grand poids dans les divers cantons de la monarchie. Il n'a fallu souvent qu'une lettre d'un de ces fédérés, qui, de loin, ont l'air d'être quelque chose, et d'être bien instruits pour produire dans tel pays du relachement, lorsqu'on a voulu y donner beau jeu aux complots des aristocrates. C'est par des me nées de cette espèce que nos ennemis nous travaillent, et portent la désunion dans les pays les

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