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dédommageroit de la perte du café et du sucre, et qu'ils ne puissent plus se passer de boire le sang humain. Oui, dussions-nous renoncer à un commerce qui n'a que l'injustice pour base et que le luxe pour objet, il faudroit briser des chaf ies qui outragent les lumières de la raison et les sentimens de la nature.

Cependant il n'est pas encore nécessaire de faire le sacrifice des productions que l'habitude vous a rendues si chères. Vous pouvez les tirer de vos colonies sans les peupler d'esclaves. Ces productions peuvent être cultivées par des mains libres, et dès lors elles seront à beaucoup meilleur marché, parce que les moyens qu'indique la nature coutent toujours moins que ceux qu'employent le despotisme et la tyrannie.

Les iles sont remplies de noirs dont on a rompu les fers; ils exploitent avec succès les petites habitations qu'on leur a données, ou qu'ils ont acquises par leur industrie. Jetez les yeux sur l'Amérique anglaise; avec la déclaration d'indépendance, elle publia la liberté des esclaves; ses terres ne sont pas pour cela demeurées incultes, elles sont au contraire dans le meilleur état.

D'après ce que nous venons de dire, il est indis. pensable pour le bonheur de l'humanité, pour l'intérêt mêine des colons, que l'assemblée nationale participe à la législation des colonies. Toute distinctis n entre le régime intérieur et extérieur est une absurdité; parce qu'il est impossible de poser la ligne de démarcation entre l'un et l'autre; parco que si vous laissez à la législature coloniale le soin du régime intérieur, elle fera tel réglement qui genera, qui détruira ses rapports commerciaux avec la métropole, sans qu'on puisse dire qu'elle ait outre-passé ses pouvoirs. Je suppose, par exemple, que les colons, par une loi prohibitive intérieure, diminuent la consommation d'une denrée quelconque, dont la France fasse l'importation exclusive;

alors ses intérêts sont compromis, et les avantages qu'elle retire du régime extérieur sont nécessairement détruits par les entraves du régime intérieur; ses liaisons avec la colonie lui deviennent préjudiciables, et mieux vaudroit pour elle d'y

renoncer.

Et ce ne seroit pas sans doute un grand malheur, si toutes les îles de l'Archipel du Mexique s'étoient affranchies du joug européen, et si leurs habitans commerçoient librement avec tous les pays du monde. Alors, non-seulement les colonies deviendroient riches et florissantes, mais les puissances même qui les tiennent dans leur dépendance gagneroient à cette révolution; car le monopole et le système prohibitif appauvrit les colonies sans enrichir la métropole. Il n'est avantageux qu'à un petit nombre de riches planteurs, et à quelques maisons puissantes qui accaparent les retours en France. Les frais inmenses d'entretien des forts et des garnisons, les guerres ruineuses où la đéfense des les nous entraîne, ont plus coûté à la France que tous les avantages qu'elle retire de son commerce avec ses colonies. Le monopole détruit également l'oppresseur et l'opprimé, et la nature a dit aux nations comme à l'individu : Tu ne pro-. fiteras point de ton injustice.

Cependant l'assemblée nationale, fùt clle composée de législateurs philosophes, ne pourroit pas encore renoncer à ses possessions coloniales, parce que les autres nations conservant les leurs, elles feroient la loi aux Français dans tous les marchés. Le temps arrivera sans doute où l'Archipel du Mexique rompra tous ses liens avec l'Europe, et se formera en république fédérative. Cette époque paroît tenir essentiellement à celle où l'Amérique anglaise, devenue puissance maritime, pourra protéger les colonies contre leurs anciens maîtres. Mais en attendant cette libération générale, il est de l'intérêt des iles françaises de rester unies à la métropole.

Une

Une indépendance absolue et isolée seroit absurde; car en supposant que la France renonçât à toute prétention de souveraineté, elles deviendroient bientôt la proie de la première flotte anglaise qui feroit voile pour l'Amérique. En se donnant à l'Angleterre, les colons auroient une constitution politique, civile et commerciale infi, niment plus dure et plus oppressive que celle qui leur est offerte. Indépendamment de la différence de langage, de moeurs et de religion, le joug de la France sera toujours pour eux le plus léger, le plus supportable.

Mais quelle est la constitution qui convient à nos colonies, et quels sont les rapports qui doivent nous unir avec elles? Il seroit prématuré d'examiner le fond de la question; nous attendrons pour cela que les plans soient proposés à l'assemblée

nationale.

Nous dirons seulement que, comme il y a deux parties intéressées, il faut qu'elles discutent ensemble leurs intérêts respectifs avant de faire une convention qui les lie.

Le vœu de la France est exprimé dans son assemblée nationale; le vœu des colonies n'a pas été encore bien distinctement articulé. Leurs soidisans députés à l'assemblée nationale ont été nommés à Paris, et à l'insu de leurs commettans; ils n'ont aucun caractère légal; ils sont en trop petit nombre.

Il faudroit donc que les colonies envoyassent en France une députation nombreuse, chargée da négocier avec le corps législatif. Il faudroit que les articles convenus avec la députation fussent ratifiés par les colonies pour former une base d'union permanente entre elles et la métropole.

Mais afin que les colons aient enfin une véritable représentation, afin que leur vou parvienne distinctement à la nation, il est nécessaire, il est No. 66.

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de toute justice que le corps législatif prescrive le mode des élections, et règle définitivement ce qui doit donner le droit de suffrage. Il seroit indispensable aussi que l'assemblée nationale envoyat des commissaires aux iles pour y assurer l'exécu tion de ses décrets. Sans ces précautions, l'assem blée nationale n'aura à la place du véritable vœu des colonies que les projets de quelques individus cabaleurs et puissans dont l'unique but seroit de tyranniser les hommes, et de ruiner le commerce de France.

En attendant ces arrangemens ultérieurs et permanens, le corps législatif, comme gardien de la liberté et des propriétés nationales, doit surveiller et diriger l'administration des colonies; tout ha bitant de ces parages lointains qui sera ami de l'ordre et du bonheur de sa patrie, se fera un devoir d'obéir à ses augustes décrets.

De l'impôt.

L'impôt pèse immédiatement et sans relâche sur chaque individu de la société. Les hommes ajoutent une importance plus ou moins grande aux choses, selon que ces choses les touchent de plus ou moins près. L'impôt est donc l'objet le plus important pour la totalité des citoyens, et même des prolétaires de l'empire.

Dans notre contrat social, l'impôt est le signe de la propriété et le caractère matériel du citoyen. Puisqu'il faut établir une cotisation générale pour subvenir aux charges et aux dépenses de l'état, il est donc nécessaire et juste que chaque citoyen y contribue; mais en se soumettant à payer sa contribution, il ne peut ni ne doit endurer qu'il soit porté atteinte à sa propriété ou à sa liberté.

De sorte que la tache du législateur se réduit à trouver la solution de ce problême.

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Quel est le mode d'imposition par lequel on peut asseoir et répartir également, en raison des localités, l'impót entre les citoyens, sans attenter en aucune manière à leur propriété et à leur liberté ?

Cette solution devient difficile à ceux qui, cernés dans la routine, et captivés par les préjugés, ne savent établir la nouvelle machine de l'impôt qu'avec les roues et les ressorts de l'ancienne. Ils sont nécessairement conduits à une complication de moyens; cette complication présente aux hommes probes le double inconvénient de mal faire, parce qu'on fit mal autrefois, et de sacrifier de bonnes idées inalliables à des principes vicieux et enchevêtrés; cette complication présente aux fripons le double avantage de pouvoir tendre aux abus à travers des améliorations illusoires et inconséquentes, et de dérober au peuple la connoissance du mal à la faveur de l'inextricabilité de la machine.

De tout temps les charlatans ont eu pour but de duper les hommes, et pour moyens le talent d'obscurcir leur science; de là vient que chaque partie de l'administration avoit une langue particulière, moins pour déterminer des significations que pour masquer des friponeries.

Ce n'est qu'aux hommes simples et près de la nature que la solution du problême de l'impôt devient aisée. Sans attachement pour les intérêts privés, sans respect pour les usages, ils pèsent les choses dans leur nature; et comme leurs combinaisons sont simples, leurs résultats sont faciles.

Il a été proposé plusieurs plans sur l'impôt à l'assemblée nationale; les discussions ont roulé sur la question de savoir comment on le percevroit, plus que sur la nature dont il devroit être. A la hoate du temps présent, on n'a guère été en discord sur l'admission des assises dn temps passé.

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