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Evénement qui a suivi le duel entre mes sieurs Charles Lameth et Castries.

Le samedi 13 novembre 1790.

Depuis quelques jours le peuple frémissoit sourlement du complot formé pour donner au roi une naison militaire, qui devoit être composée de Booo hommes de la garde nationale du centre. Ce projet dangereux étoit à la veille d'être présenté A l'assemblée nationale, et devoit être vigoureusement repoussé par les députés patriotes. Pour les empêcher de le faire rejeter, qu'ont imaginé les aristocrates? Assassiner, c'est leur moyen le plus sûr; mais assassiner sans se compromettre, c'est la grande science des lâches et des hypocrites.

On a donc formé une ligue de spadassins pour attaquer en même temps les plus ardens patriotes de l'assemblée nationale, et les plus éloquens défenseurs du peuple. MM. Charles Lameth Menou, Barnave, Roederer, Rabaud, Bernard ont été provoqués presqu'à la fois, chacun par un adversaire particulier.

Nous avons dit que M. Charles Lameth avoit été forcé de se battre en duel avec M. de Castries, et qu'il avoit été griévement blessé. Les circonssances de cette affaire ont tellement irrité le peuple, déjà las de tant d'agressions faites aux seuls députés patriotes, qu'il s'est mis sur le champ en mouvement, pour exercer sa juste vengeance sur le sieur Castries. Il a couru en Force à son hôtel, qu'il projetoit de démolir de fond en comble. Il n'est pas à lui, a dit un voisin : à ces mots, le peuple a changé de dessein; voulant punir le sieur de Castries seul, il est entré dans l'hôtel, a tout brisé, tout cassé : 'neubles, glaces, lits, argenterie, argent, billets le caisse, tout enfin a été mis en pièces et jeté par les fenêtres. Au milieu du tumulte, un des

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orateurs du peuple a dit : Nous sommes honnéte gens, nous protégeons nos amis; le premie d'entre nous qui voleroit un clou, sera pendu. : A ce plébiscite énergique, toutes les bouches ont criẻ bravo! qu'il soit pendu, celui qui a de mauvaises intentions. Quand ce peuple est sorti, il falloit le voir! Tous avoient la veste déboutonnée, le col ouvert et les poches renversées.

Au reste, la garde nationale est venue et a investi les alentours de l'hôtel; mais le peuple ne lui a pas fait l'injure de la redouter. M. la Fayette est arrivé fort tard sur son cheval blanc ; il a salué tout le monde avec beaucoup de grace, après quoi il a fait mettre la baïonnette au bout du fusil. Un citoyen s'est avancé et lui a dit ces propres mots : « Mon camarade, songez que nous ne sommes pas à Nancy; ne vous opposez pas à la justice du peuple. Sa vengeance est juste, a dit le général, mais il ne faut pas que le voisinage | en souffre. C'est notre affaire, a repliqué le citoyen avec un air de confiance en la cause dont il s'agissoit et en ceux qui la défendoient. M. le | maire et trois officiers municipaux en écharpe eti en carrosse, escortés de cavaliers, sont aussi venus. Il est bon de remarquer que pour cette fois personne n'a applaudi.

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Dans la même soirée, un de ces fringans aristocrates, à cocarde amphibie, du palais royal, a voulu plaider la cause du sieur Castries avec l'air accoutumé de ces messieurs; il a été un peu berné et a couru risque du bassin. Presque au même instant, un autre personnage, qu'on dit être un cordon rouge, a voulu en faire autant; il a subi la même peine, et soixante baïonnettes protectrices l'ont conduit à la mairie. Tout est tranquille. Les aristocrates ont la mine alongée.

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ASSEMBLEE NATIONALE.

Séance du mardi soir 19 octobre.

L'assemblée a permis au sieur Jean-Pierre Brulée, d'ouvrir à ses frais un canal de navigation, qui pren droit sa naissance dans la Marne sous Lisy, pour être continué jusqu'à Dieppe.

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Séance du mercredi 20. L'assemblée nationale, instruite, par son comité des finances, des fausses interprétations données par le département de la Mayenne, les districts de Villaine, la Johe!, Château Gontier, aux décrets des mois de mars, avril et mai derniers, relatifs à la vente libre du sel, enjoint auxdits département et district de se conformer aux dispositions des décrets mentionnés.

Le reste de la séance a été employé à discuter la question du renvoi des ministres, proposé par les comités réunis; après une discussion souvent interrompue, l'appel nominal ayant été fait, la proposition des comités a été rejetée à une majorité de 403 voix contre 340.

Séance du jeudi 21. Dans le cours de cette séance, qui a été très-orageuse, M. de Guilhermy a été condamné aux arrêts pour trois jours, pour avoir traité M. de Mirabeau de scélérat et d'assassin.

Après le plus grand tumulte, l'assemblée a rendu le décret suivant sur la marine :

« L'assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités de la marine, militaire, diplomatique et des colonies, « Décrète que le roi sera prié de nommer deux nouveaux commissaires civils, lesquels se réuniront à Brest avec ceux que sa majesté a précédemment nommés, et seront revêtus de pouvoirs suffisans pour employer, de concert avec le commandant qu'il plaira au roi de mettre à la tête de l'armée navale, et avec celui du port, tous les moyens et toutes les mesures nécessaires an rétablissement de l'ordre dans le port et la rade de Brest;

« Décrète qu'attendu qu'il a été embarqué sur l'escadre, en remplacement de quelques gens de mer, des hommes qui ne sont ni marins ni classés, le comman No, 70%

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dant de l'escadre sera autorisé à congédier ceux qui ne lui paroîtront pas propres au service de la mer;

« Décrète que le pavillon de France portera désor→ mais les trois couleurs nationales, suivant les dispositions et la forme que l'assemblée charge son comité de la marine de lui proposer; mais que ce nouveau pavillon ne pourra être arboré sur l'escadre qu'au moment où les équipages seront rentrés dans la plus parfaite subordination;

« Décrète en outre qu'au simple cri de vive le roi, usité à bord des vaisseaux le matin et le soir, et dans toutes les occasions importantes, sera substitué celiu de vivent la nation, la loi et le roi.

«L'assemblée nationale, considérant quele salut public et le maintien de la constitution exigent que les divers corps administratifs et les municipalités soient stricte ment renfermés dans les bornes de leurs fonctions;

« Déclare que lesdits corps administratifs et les municipalités ne peuvent, sous peine de forfaiture, exercer d'autres pouvoirs que ceux qui leur sont formellement et explicitement attribués par les décrets de l'assemblée nationale, et que les troupes de terre et de mer en sont essentiellement indépendantes, sauf le droit de les requérir dans les cas prescrits et déterminés par les loix. Au surplus, l'assemblée décrète que son président sera chargé d'écrire à la municipalité de Brest, pour la ramener aux principes de la constitution ».

Séance du soir. M. Gossin a présenté un projet de décret, qui a été adopté en ces termes :

« L'assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de constitution, décrète qu'il sera établi deux juges de paix dans la ville de Bar-le-Duc; lesquels auront pour ressort les deux sections, dans lesquelles elle a été divisée à cet effet, et dont la limite sera le canal qui traverse cette ville ».

Séance du vendredi. M. de Praslin a demandé que les drapeaux des régimens fussent aussi changés en la couleur nationale. Adopté.

On a passé à la discussion de la contribution personnelle.

Sur la motion de M. de Biauzat, l'assemblée a décrété: ART. PREMIER. « Il sera établi, à compter du premier janvier 1791, une contribution personnelle dont la somme sera déterminée chaque année.

II. Une partie de cette contribution sera commune à tous les habitans du royaume, de quelque nature que soient leurs revenus; l'autre partie sera levée à raison des salaires publics et privés, et des revenus d'industrie et de fonds mobiliers.

III. « La partie de cette contribution commune à tous les habitans, aura pour base de répartition les facultés qui peuvent donner la qualité de citoyens actifs, la valeur annuelle de l'habitation fixée suivant le prix du bail ou l'estimation qui sera faite, les domestiques mâles, les chevaux de selle dans les villes, et de carrosses ou cabriolets dans les villes et dans les campagnes >>. Séance du samedi. On a repris la discussion sur la contribution personnelle; les articles suivans ont été adoptés :

IV. La partie. qui portera uniquement sur les salaires publics et privés, les revenus d'industrie et de fonds mobiliers, aura pour base ces revenus, évalués d'après la cote des loyers d'habitation.

V. « La législature déterminera, chaque année, la somme de la contribution personnelle, d'après les besoins de l'état, et en la décrétant on arrêtera le tarif.

VI. « Il sera établi un fonds pour remplacer les nonvaleurs résultant soit des décharges et réductions qui auront été prononcées, soit des remises ou modérations que les accidens fortuits mettront dans le cas d'accorder.

VII. Ce fonds, qui ne pourra être détourné de sa destination, sera formé par un excédent sur la contribution personnelle, et partagé en deux portions: l'une qui sera la moitié de cet excédent, sera confiée à l'administration de chaque département, et l'autre restera à la disposition de la législature.

VIII. Les administrations de département et de district, ainsi que les municipalités ne pourront, sous aucun prétexte, et ce, sous peine de responsabilité personnelle, se dispenser de répartir la portion contributoire qui leur aura été assignée dans la contribution personnelle; savoir, aux départemens, par un décret de l'assemblée nationale ou des législatures; aux districts, par la commission de l'administration de département; et aux municipalités, par les mandemens de l'administration de dis

trict,

IX. « Aucun département, aucun district, aucune municipalité, ni aucuns contribuables ne pourront, sous quelque prétexte que ce soit, même de réclamation contre

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