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cemens clairs et entourés de toile, le même traitement que les volontaires et élèves; qu'ils jouissent de la considération qu'exige leur genre d'occupation; il pourroit même se faire qu'ils fussent logés dans la sainte-barbe.

Ces demandes sont de la plus grande justice; il est temps que de vieux serviteurs, blanchis sur les vaisseaux, soient enfin préférés aux freluquets de la cour.

Nouvelle dénonciation du comité de constitution.

De tous les comités de l'assemblée nationale, 'celui de constitution est le seul dont les membres ne changent jamais. Ils sont comme les ministres qui, quoique cenus par leur ineptie et leur profonde corruption, n'en ont pas moins le talent de se maintenir en place.

Toujours occupés du projet de reculer, ou plutôt de faire manquer la sublime institution des jurés, ils viennent de surprendre un décret par lequel les juges de district sont autorisés provisoirement à juger tous les procès criminels. « Les jurés, a dit M. Thouret, ont besoin d'être diri gés, et il faut avoir le temps de fixer par un réglement l'étendue de leurs fonctions ».

Ce décret funeste présente un plan de contrerévolution tout prêt pour les agens du pouvoir exécutif. Voilà la vie, la fortune des citoyens livrées à l'arbitraire des juges, qui pourront tout à leur aise se défaire à petit bruit des plus ardens défenseurs de la liberté. La conduite du châtelet et de la très grande majorité des tribunaux du royaume, doit ouvrir les yeux à tous les Français sur la réalité de nos craintes. Qu'ont-ils fait autre chose depuis le commencement de la révolution, que de poursuivre, que de ruiner de fond en comble tous ceux qui s'en sont déclarés les partisans, et de favoriser au contraire de tout leur pouvoir ceux qui s'en sont montrés les ennemis les plus acharmés ?

On dira sans doute que des juges élus par le peuple doivent inspirer la confiance, et qu'ils ne sauroient être dangereux pour la liberté. Mais les municipalités aussi avoient été organisées le par choix du peuple; et cependant elles ont été peuplées d'aristocrates; et cependant le despotisme municipal pèse sur toutes les cités de l'empire, de Strasbourg à Brest, de Dunkerque à Perpignan! Ou il faut prononcer que les officiers nommés par le peuple seront révocables à volonté, ou bien se résoudre à voir ce peuple devenir victime de l'ambition de ceux qu'il a honorés de son choix.

On connoît les grands moyens de corruption qui restent encore dans les mains du pouvoir exécutif, certainement il les emploiera pour se rendre maître des juges. S'il est écrit que nous n'aurons pas les jurés, rendez- nous nos anciens tribunaux, nous les préférons de beaucoup aux intrigans qui vont occuper les nouvelles magistratures. L'esprit de corps, le despotisme, l'arrogance nous rendoient les parlemens odieux; mais il vaudroit encore mieux être jugé par des compagnies nombreuses, placées dans une sphère un peu élevée, et qui, par cela même, sont moins accessibles aux séductions de l'or.

Le petits tribunaux qu'on vient de disséminer avec tant de profusion jusque dans les villages du royaume, sont beaucoup plus faciles à corrompre; les juges d'ailleurs, ayant des rapports plus directs avec les justiciables, seront aussi plus susceptibles des impressions de la haine et de l'amitié; et ces passions seront d'autant plus actives, que le cercle dans lequel elles se développeront sera plus étroit. Alors bien loin que le rapprochement de la justice soit un avantage pour les peuples, il sera au contraire une source de ruine et de désastres.

Le seul remède à des inconvéniens aussi graves, c'est l'établissement des jurés. Il ne peut y avoir

que de très mauvaises raisons pour le différer ; car un réglement sur la nature de leurs pouvoirs et de leurs fonctions doit être fait en huit jours; et voilà trois mois que le comité de constition s'n occupe. La base de ce réglement, c'est de co sidérer les jurés comme les véritables juges du procès; ceux qui portent ce nom n'en doivent êre que les rapporteurs. L'institution des jurés est d'autant plus instante, que l'état se trouve dans une position plus périlleuse. La constitution est environnés d'ennemis; et si vous leur donnez le temps de combiner leurs efforts avec l'influence des juges, qui vous répondra de sa durée jus qu'au moment où votre réglement paroîtra ?

La liberté politique d'un empire n'est que le second avantage pour les citoyens, c'est la liberté civile et individuelle qui est le premier. Que m'im porte le droit de voter dans les affaires publiques, si ma propriété et ma personne ne sont pas en sureté, si les loix se taisent devant l'arbi traire de quelques juges, d'autant plus aisés à acheter qu'ils sont en petit nombre, et établis pour peu d'années? Il n'en est pas de même des jurés; ils sont incorruptibles, parce qu'ils sont en grand nombre, parce qu'i's sont inconnus aux parties jusqu'au moment de la décision du procès (1).

Si les membres du comité de constitution diffèrent plus long temps de faire paroître le régle nrent sur la procédure par jurés, il faudra croire autant à leur vénalité qu'à leur ignorance; et co n'est pas peu dire. Quant à nous, nous les avons constamment regardés comme le fléau du patriotisme, et l'espérance des ennemis de la liberté.

(1) Au mom nt où l'ass mblée nationale s'occupera du réglement sur la procédure par jurés, nous donnerons une dis ertation sur la nécessité de les établir en matière civile comme en matière criminelle.

Proscription des cannes à épée dans le jardin des Tuileries.

Citoyens ! le bruit court que, dans l'organisation attendue de la garde nationale, vous serez désar més. Est-ce pour préluder que les sentinelles aux portes des Tuileries ont déjà la consigne de faire main-basse sur toutes les cannes à épée ? Pourquoi cette inquisition militaire ? Pourquoi aux Tuileries plutôt qu'ailleurs? Ce lieu est-il plus sacré que le champ de la fédération, plus saint que l'intérieur de l'assemblée nationale, où l'abbé Maury n'a pas craint de se présenter armé d'un sabre en forme de bâton plat? Bientôt sans doute nos sentinelles recevront et mettront à exécution avec le même empressement l'ordre de fouiller dans vos ceintures pour y chercher des pistolets. Au pied de l'escalier qui mène à la chapelle et aux appartemens du roi, le vieillard caduc se voit obligé déjà de se désaisir de l'appui qui le soutenoit dans sa marche chancelante. A la grille de ce même palais, le citoyen qui n'est point en uniforme est contraint de retourner sur ses pas, parce qu'il porte une épée dans sa canne. De quel droit, par quel motif, à l'entrée d'un jardin, arracher l'arme de la main au citoyen paisible donnant le bras à sa femme ou à son ami? Porte-t-il sur le front un caractère de réprobation ou un signe de démence? Doit on présumer le mal, et punir le délit avant qu'il soit commis, et sans une intention marquée de le commettre?

Certes! tant de précaution de la part de la garde nationale a de quoi surprendre; et le soldat suisse qui partage son poste est émerveillé de la rigueur qu'elle met à remplir une telle consigne.

Citoyens! ce n'est pas ainsi qu'on en agissoit envers vous pendant les premiers mois de séjour du roi dans la capitale. On n'avoit pas encore pu

oublier que ces armes qu'on vous interdit aujourd'hui avoient fait pålir tous ces brigands titrés qui attentoient à la liberté, et peut-être à la vie du roi.

Tant de prévoyance, je le répète, n'est pas naturelle. Citoyens! ne faites pas un pas, sans porter sur vous une arme quelconque. Vous vous en êtes bien trouvés jusqu'à ce jour. Le soin qu'on prend de vous dépouiller de tout moyen de défense motive les soupçons de votre part. Vous marchez encore en pays ennemi. Ceux qui jusqu'à présent n'ont pu vous prendre au dépourvu d'armes défensives, n'attendent peut-être que le moment où vous vous en laisserez dégarnir tout-à-fait; ainsi désarmés au milieu de plusieurs bataillons bien munis, que feriez-vous, si une généreuse insurrection vous devenoit nécessaire? Comment s'opéreroit-elle ?

Il est facile, à la porte d'un jardin, de désarmer quelques individus il ne le seroit pas autant de disperser plusieurs milliers de citoyens réclamant leurs droits indignement compromis ou láchement défendus dans l'assemblée représentative, si chacun de ces citoyens portoit une lame dans son bâton. Mais il s'agissoit d'intimider le peuple qui se trouveroit sur la terrasse des Feuillans lors de la question du renvoi des ministres.

Un peuple libre, et jaloux de se conserver tel, ne doit jamais poser les armes. Jusqu'au milieu de ses plaisirs, il doit avoir sur lui de quoi en imposer; et le choix et la forme de ses armes défensives et protectrices doivent être à sa volonté.

La constitution n'est pas achevée; vos magistrats sont à peine nommés; vos juges ne le sont pas encore. Vous rencontrez à chaque pas des contre-révolutionnaires. Vos ministres vous sont devenus plus que suspects. Votre état-major n'est point à l'abri de vos soupçons. Le chef de l'em pire garde encore une contenance irrésolue; sa, femme

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