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projet. Malgré toute la solidité du gege des assignat-monnoies, malgré la conviction intime que doivent avoir tous les Français, que ces billets valent des écus et mieux que des écus; cependant, il pourroit se faire qu'une guerre étrangère, une insurrection, ou bien tout autre danger public, pussent affoiblir pour un instant, sur tout dans le principe d'un nouvel ordre de choses à peine établi, le crédit qui est dû aux assignats; alors le prestige de l'argent, la facilité de le transporter romproient peut-être l'équilibre avec les billet-monnoies, et l'on perdroit au change.

S'il y a de petits billets de 50 livres et de 24 liv., l'agiot sur ces billets sera nécessairement plus fort que sur ceux de deux cents, de trois cents et de mille livres ; et cela par une raison bien simple: c'est que la marchandise achetée en détail est toujours plus chère que celle qu'on se procure en grande quantité. D'où il suit que le peuple supportera en dernière analyse le prix du change de l'argent contre les assignats, a-peu-près comme dans tous les rapports de l'ordre social; il se trouve déjà la victime de toutes les espèces d'abus.

Si, au contraire, le taux le plus bas des billetassignats est de 200 livres, le peuple, le journalier sera toujours payé en argent ; il ne connoîtra pas un papier qu'il lui est très-inutile de posséder; il n'en courra pas les risques momentanés.

Et qu'on ne dise pas que la circulation des petits billets mettra jusque dans les mains des indigens le moyen d'acheter les biens du clergé, et qu'ils participeront ainsi à une opération qui n'a Faite uniquement pour les riches. Cette assertion pas été mensongère ne fait pas honneur à ceux qui l'ont hasardée; car certainement on n'achètera pas des biens nationaux avec des billets de 24 livres; d'ailleurs ceux dont les facultés ne pourront atteindre que jusqu'à ces billets, ne songeront guère à faire

des

des acquisitions territoriales; les transactions mo biliaires leur seront beaucoup plus avantageuses.

Le systême des assig ats a rencontré de puissantes oppositions de la part des partisans des quittances de finance portant intérêt. Par ce nouveau moyen, la rue Vivienne espère engloutir tous les domaines nationaux.

Outre qu'il est très impolitique de mettre la nation à la merci des agioteurs de Paris, qui seroient alors les maîtres de fixer le prix des ventes, il arriveroit qu'en réalisant ce projet, la nation ne seroit point du tout libérée; elle seroit au contraire grevée d'une nouvelle dette, qui s'accroîtroit de toute la somme des intérêts des capitaux exigibles. N'est-il pas d'ailleurs d'une absurdité palpable de créer pour deux milliards deffets royaux, dans un temps où ceux qui existent perdent déjà depuis 15 jusqu'a 25 pour cent?

D'un autre côté, l'émission des quittances de fina.ice seroit une injustice faite aux créanciers de Tétat, en ce que la circulation de ce papier étant libre, ils ne pourroient s'en servir pour payer leurs dettes, ni l'échanger contre de l'argent sans une très-grosse perte, qui feroit le profit des agioteurs et de tous les vampires de la bourse.

L'objection la plus sérieuse qu'on fait contre l'émi sion des assignats, c'est qu'en doublant le numéraire, elle doublera aussi le prix des denrées, et qu'ils produiront, par conséquent, un très grand bouleversement dans les fortunes. Le sieur Dupont, le nouvel ami du peuple, a rabáché cette objection de milie manières dans son pamphlet contre les assignats. Mais il est facile de lui prouver qu'il se trompe sur cet objet aussi grossièrement que lorsqu'il a eu la sottise ou la friponnerie de tracer le plan du fameux traité de commerce qu'il nous a fait faire avec l'Angleterre. Comment concevoir en effet que le numéraire No. 62.

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et le prix des denrées soient tout d'un coup doublés par l'émission de deux milliards d'assignats, lorsque cette émission sera nécessairement successive? On peut calculer d'abord qu'il faudra au moins dix-huit mois pour la fabrication; et, dans cet intervalle, comme il doit se vendre une quaatité immense de biens du clergé, cette vente éteigeant une multitude de billets, il est plus que probable qu'aux époques où le nombre des assignats en circulation sera le plus considérable, il ne passera pas un milliard. Nous convenons que l'augmentation des denrées est infaillible. Mais cette augmentation ne sera que successive, comme l'émission des assignats; mais elle ne sera pas de moitié; mais le prix de la main-d'oeuvre augmentera en proportion, et, toutes choses égales d'ailleurs, en dépit des prédictions de M. Dupont, le peuple y gagnera encore. Nous en appelons à l'exemple de l'Angleterre, où le prix des journées est au inoins double de celui qui est en usage en France. Eh bien ! le commerce de la Grande-Bretagne est florissant; ses manufactures sont dans la plus grande activité, et les ouvrages, qui en sortent sont à meilleur marché que ceux qui se fabriquent chez les nations où les denrées se donnent pour rien, où il n'y a ni conmerce ni papier.

Nous terminerons cet article par une observation sur la forme des billet-assignats. Il est bien étonnant que les faiseurs du comité des finances ayent sué sang et eau pendant six mois, pour nous donner des billets dont la fabrication est si imparfaite et si ridicule. Le papier se coupe dans les plis; sa dimension est beaucoup trop grande, et elle le fait ressembler à une espèce de bordereau de finance plutôt qu'à un billet-monnoie. On devroit adopter la forme des derniers billets de la caisse d'escompte, portant promesse d'assignats, qui n'a aucun des inconvéniens des nouveaux bik fets distribués par le caissier de l'extraordinaire.

Garde nationale Parisienne..

Les manoeuvres pratiquées par M. de la Fayette et par ses observateurs, pour égarer le patriotisme de l'armée parisienne, out complétement réussi. Les bataillons qui d'abord avoient résisté avec cou7 age aux propositions insidieuses qu'on leur avoit faites relativement à l'affaire de Nancy, viennent de donner tête baissée dans le piége.

Réunis par leurs députés à l'hôtel de ville, ils ont adopté une délibération rédigée par l'assemblée du quatrième bataillon de la cinquième division, et qui seroit faite pour le couvrir de honte, si le fruit de l'erreur pouvoit jamais être imputé

à crime.

Après avoir voté une adresse de félicitation à la garde nationale de Metz, pour la manière dont elle s'est conduite dans l'affaire de Nancy, l'arrêté déclare: « Que l'assemblée charge ses députés de manifester à M. de la Fayette les sentimens d'admiration, de dévoúment et de fidélité, dont le bataillon n'a pas cessé d'étre pénétré pour ses vertus, de lui témoigner combien l'assemblée étoit indiguée des assertions calomnieuses que les ennemis de la chose publique ne cessent de répandre, pour obscurcir, s'il étoit possible, l'éclat et la gloire d'un nom qui est devenu le signal de l'honneur et de la liberté, et de le conjurer, au nom de la patrie, de mépriser assez ces infàmes manoeuvres de la ca omnie, pour ne jamais abandonner le commandement des soldats citoyens, dont l'assemblée se plaît à croire que tous sont prêts, ainsi qu'elle, à garantir PERSONNELLEMENT le patriotisme incorruptible de leur général ».

Cet arrêté, rédigé sans doute par quelques officiers du bataillon, est le comble de l'extravagance et de la bassesse; il est fait pour affliger tout ce qui reste encore de fidèles amis de la liberté. II fait voir combien cette liberté est en danger chez.

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un peuple où une armée s'engoue de ses chefs au point de se croire inséparable de son général, au point de garantir individuellement son patriotisme; et de crier à la calomnie contre les écrivains assez courageux pour dévoiler ses perfidies. Oh ! combien il seroit facile de nous asservir, si celui devant lequel vous osez brûler un encens si grossier avoit autant de talent que d'intrigue.

Vous traitez de calomniateurs ceux qui ne croyent pas que son nom soit le signal de l'honneur et de la liberté, ceux qui doutent de son patriotisme. Eh bien! voici des preuves, examinez-les, et prononcez. Sans parler de ses attentats multipliés contre la lib. rté de la presse, je ne vous rappelerai que sa conduite dans l'affaire de Nancy.

C'est M. de la Fayette qui a précipité l'assemblée nationale dans toutes les fausses démarches où elle est tombée à ce sujet; c'est lui qui a fait nommer M. de Bouillé, son parent, pour marcher contre les soldats patriotes, que le sentiment de l'oppression et de l'injustice avoit égarés sur les moyens d'obtenir justice; c'est lui qui a violé le droit des gens en a personne des députés du régiment du Roi qu'il a fait emprisonner, de concert avec le ministre de la guerre.

C'est M. de la Fayette qui a armé le corps législatif de toute sa sévérité contre les différens corps de la garnison de Nancy, depuis long-temps victime de la tyrannie de leurs officiers; c'est votre général qui, exerçant en même temps les foncions de législateur et de commandant des forces publiques de la capitale, est monté à la tribune de l'assemblée nationale, pour demander qu'on approuvât d'avance la conduite de M. de Bouillé, et qui lui a fait voter des remercimens pour avoir fait égorger 600 citoyens, pour avoir donné le signal de la guerre civile, pour avoir anéanti le patriotisme dans une ville où l'aristocratie foule insoJemment aux pieds les corps sanglans des vérita

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