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tien de l'ordre et à l'exécution des décrets rendus par l'assemblée nationale pour la tranquillité publique ». Ce décret a été adopté à l'unanimité.

Nous remarquerons que le sieur Dupont a dit, dans le cours de sa harangue : Que quand on méprise les ménaces et les séditions, c'est qu'on a peur. Il faut avoir furieusement peur soi-même pour tenir un pareil langage, et sur tout pour l'accompagner d'une espèce d'injonction aux officiers municipaux, qui certainement n'en ont pas besoin pour maintenir l'ordre et la tranquillité publique dans la capitale.

A l'égard de l'assertion du sieur Dupont, qu'il y a eu de l'argent répandu pour exciter le peuple à la sédition, nous suspendons notre jugement là dessus, jusqu'à ce que nous connoissions quels sont les témoins qui ont déposé de ce fait. Depuis le commencement de la révolution, les aristocrates ne nous étourdissent que de distributions d'argent. Selon eux, les députés patriotes sont payés pour l'être; les tribunes de l'assemblée sont soldées ; les groupes du palais Royal et des Tuileries le sont aussi : il n'est pas jusqu'aux soldats en insurrection qu'on accuse de recevoir de l'argent, pour forcer les officiers à leur en donner.

Il faut bien peu connoître le cœur humain, pour croire qu'il soit nécessaire de payer le peuple pour le déterminer à l'insurrection. L'injustice, l'oppression suffisent pour le déchaîner à la poursuite de ses tyrans; ceux qui osent soutenir qu'il est assez lâche pour trafiquer, pour ainsi dire, de ses fureurs, ne peuvent être que ces ames viles, qui, toujours stipendiées dans leurs moindres actions, mesurent constamment la conscience d'autrui par la bassesse de la leur.

Nous réclamerons aussi, de tout notre pouvoir, contre cette habitude meurtrière de l'assemblée nationale, de renvoyer au châtelet la connoissance de tout ce qui est relatif aux mouvemens populaires, que nous nous gardons bien d'approuver; mais qui sont malheureusement inévitables, dans

un moment où une nation se constitue. Comment n'est-elle pas corrigée de sa confiance, par la conduite de ce tribunal sur l'affaire du 6 octobre ? Comment ne redoute-t-elle pas de dévouer les patriotes imprudens à l'iniquité d'un tribunal de sang, toujours indulgent pour le crime, et qui jusqu'à présent, n'a su appesantir le sceptre de la justice que sur les bons citoyens ?

Procession d'une partie de la garde nationale parisienne, dans la rue de Bourbon.

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Des journalistes, dont nous n'adoptons pas les principes, ont publié ces jours derniers que la confiance des Parisiens dans les talens et le patriotisme de M. de la Fayette étoit prodigieusement diminuée. C'est pour le consoler de ce chagrinant pronostic que quelques bataillons de la garde parisienne engorgent aujourd'hui, 10 septembre, toute la rue de Bourbon, pour aller prêter, dit-on, à leur général un nouveau serment de fidélité. L'affuence est considérable à son hôtel; il reçoit les idolatres avec ses cajoleries ordinaires. Il nous semble que si M. de la Fayette est bon citoyen, il doit repousser avec toute l'énergique fierté dont il peut être capable, toute protestation, tout serment qui ne sera pas à la lettre le serment constitutionnel, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi.

Dévoúment généreux d'un officier du régiment du roi. Au milieu des atrocités révoltantes que présente l'affaire de Nancy, il semble que, pour la consolation des amis de la patrie et de l'humanité, la Providence a placé à côté un acte de dévoùment, comparable à tout ce que les histoires ancienne et moderne offrent de plus grand et de plus généreux. M. Desilles, sous-lieutenant du régiment du roi, se trouvoit à la porte Notre Dame, avec le détachement de soldats qui gardoit cette porte, lors de l'approche de l'armée de M. de Bouillé.

Ceux-ci se disposoient à mettre le feu au canon

pour tirer sur l'avant-garde, composée des gardes nationales de Metz et de Toui, lorsque le jeune officier s'est jeté au-devent. Barbares, leur a-t-il dit, tirez sur moi; que je sois la première victime de votre fureur; en perdant la vie, je n'aurai pas la douleur de voir massacrer mes frères et mes camarades.

Il n'achevoit pas ces dernières paroles qu'il tombe, frappé de quatre coups de fusil, tirés par les soldats qui l'environnent. Le coup de canon part, et il devient la première cause et le signal du

carnage.

M. Desilles a survécu quelques jours à ses blessures; mais malheureuseinent il a perdu la vie.

Quelques journaux ont raconté que le roi lui avoit envoyé une croix de Saint Louis. Cette distinction est honorable; mais ce n'est pas assez, si la nation ne fait rien pour lui.

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L'assemblée nationale lui a voté des remercimens, et sans doute qu'elle ne se bornera pas cet éloge, puisqu'elle a accordé les mêmes honneurs à des gens qui les méritoient bien moins; nous voulons dire, à M. de Bouillé, aux directoires du district et du département, et à la municipalité de Nancy, i faut une couronne funèbre au vertueux Desilles. Nous proposerions qu'on lui fit un service solennel, décrété par l'assemblée nationale, et auquel elle assisteroit par députation, ainsi que la municipalité et la garde nationale. Quel beau sujet pour l'éloquence que l'oraison funèbre de ce héros!

Départ de M. Necker. Tant que M. Necker a régné despotiquement sur les finances du royaume, tant qu'environné de sa gloire, il respiroit à son aise l'encens que li prodiguoient les gens de lettres et les agiotours de la rue Vivienne, nous nous sommes fait un devoir de dessiller les yeux du peuple, et de le faire voir à toute la France, tel qu'il étoit réelement, et dégagé absolument du prestige d'une réputation usurpée.

Mais l'opinion publique, qui vient de faire jus

tice de son charlatanisme, l'indifférence générale qu'on a témoignée à la nouvelle de sa retraite, nous imposent à son égard le respect qui est du aux malheureux. Nous nous abstiendrons donc de toute réflexion sur sa mémorable administration.

Il a fait ses adieux à l'assemblée nationale par une lettre larmoyante, dans laquelle, après avoir parlé de ses peines, de ses longs travaux, des douleurs de sa sensible et vertueuse épouse, il annonce son départ pour les eaux comme très-prochain.

Il a sure que le compte qu'il a remis de son adininistration au comité des finances est exact; et il laisse, dit-il, dans le trésor royal pour caution, sans doute de la partie morale de ce compte, deux millions. S'il étoit prouvé que M. Necker fût un prévaricateur, ce cautionnement seroit surement bien léger.

Il devoit partir ces jours derniers, et après avoir critiqué l'opération des assignats, il abandonnoit la partie sans douner aucun plan pour la liquidation et l'acquittement de la dette publique. Cependant on dit qu'il a remis son départ, et qu'il va faire un nouveau mémoire sur le projet du comité des finances; mais ceux qui le connoissent bien assurent qu'il ne donnera pas de plan.

Députés partis sans congé. Les citoyens qui suivent les séances de l'assemblée nationale s'indignent de voir le petit nombre des députés qui y assistent. Les uns s'en absentent en restant à Paris, d'autres vont faire des tournées dans les départemens sans obtenir de congés, et viennent ensuite toucher exactement au trésor royal leurs honoraires. Il en est même (et le nombre n'en est pas rare) qui vont cabaler ea province contre les opérations de l'assemblée.

M. le Couteux de Canteleu, qui, comme la plupart des banquiers et des agens de change de Paris, redoute l'émission des assignats, est allé à Rouen ces jours derniers pour inculquer ses principes au commerce de cette ville. La chambre du com

merce, les directoires du district et du département, le conseil général de la commune, se sont assemblés tour à tour chez lui, et là ils ont voté une adresse à l'assemblée nationale contre les assignat-monnoies, que M. de Canteleu s'est chargé lui-même d'apporter.

Les villes de Bordeaux, de Nantes, de Louviers, ont donné une opinion absolument contraire à celle des négocians de Normandie.

Vendredi 10, la question a été discutée à l'assemblée nationale, et la décision est remise à vendredi prochain.

Nouvelles de Versailles. La nuit du 9 de ce mois, les gardes Suisses en quartier à Versailles, excités sans doute par les ennemis du bien public, ont failli mettre le trouble et le désordre dans cette ville. Le prétexte de la fermentation étoit le traitement fait à leurs frères du régiment de Château-Vieux; la prudence et la vigilance de la municipalité ont rétabli la paix et la tranquillité. Les Suisses ont reçu et exécuté l'ordre de se rendre à Courbevoie.

Nouvelles de Saint-Etienne-en-Forès. Cette ville vient d'être le théâtre d'une insurrection populaire, dans laquelle M. Berthéas, négociant, a perdu la vie. Cet infortuné étoit accusé de monopole sur les grains. Le peuple s'est assemblé devant sa maison, et il a demandé sa tête. La garde nationale a couru pour le soustraire à la fureur des séditieux; s'étant trouvée trop foible, la municipalité crut le garantir en le faisant conduire en prison. Mais les furieux enfoncèrent les portes, T'en arrachèrent et le mirent en pièces.

Le lendemain de cet assassinat, ils s'emparent de l'hôtel de ville, élisent de nouveaux officiers municipaux, qu'ils forcent ensuite de baisser le prix des grains à leur volonté. Cependant la garde nationale, réunie à la maréchaussée, est parvenue à rétablir l'ordre, et 22 scélérats ont été conduits dans les prisons de Lyon. Un décret de l'assem

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